Interview réalisée par Stéphane ABITBOL, Régent Europe Alpha Oméga
Stéphane ABITBOL : Merci, Avi, de nous accorder cet entretien c‘est toujours un plaisir d’être ici dans votre faculté. Tout d abord revenons sur ce qui s’est passé le 7 octobre 2023 et comment avez-vous géré les relations entre vos étudiants juifs et arabes suite à l’attaque du Hamas ?
Avi ZINI* : Tout d abord l’année académique a été repoussée de 2 mois, ce qui nous a aidé parce que les étudiants n’étaient pas encore là. Il y a eu quelques étudiants qui sont venus nous voir et nous expliquer que certains les avaient supprimés de leurs amis FB. Ils ont pu se rendre compte que des posts relatifs à l’attaque du Hamas avaient été likés. J'ai parlé avec le recteur de l’Université Hébraïque de Jérusalem. A la suite de quoi j’ai envoyé un courrier à tous les étudiants, mais également à tous les membres de la faculté, expliquant qu'il n'y aura aucune tolérance vis à vis de ceux qui supportent les actes barbares du 7 Octobre ! Nous avons ensuite mis en place des ateliers de travail avec des étudiants juifs et arabes et des psychologues, séparément puis ensemble. En résumé, les étudiants juifs avaient l’impression que les étudiants arabes supportaient les massacres du 7 octobre, les étudiants arabes que les étudiants juifs les accusaient même s’ils n’avaient manifesté aucun soutien… Il n y a jamais eu de manifestations sur le campus et j’avais adressé un message de tolérance et de respect vis à vis de chacun et que la politique n’avait pas sa place à la faculté ! A ce jour tous respectent cette règle, même si certains soutiennent probablement ce qui s’est passé ! J’ai renvoyé un message équivalent lors de la rentrée universitaire de cette année.
S. A : Ma seconde question concerne les protocoles d’identification des corps. Y-a-t-il eu des membres de la faculté qui ont participé à ces identifications ?
A.Z*: Oui, 32 membres de la faculté font partie de l’unité d’identifications de la police. Il y a aussi une unité d’identification de l’armée, mais qui a ses propres membres. A la tête de l’unité de la police se trouve le Dr Essi Sharon-Sagi (directrice de l’internat du service de prothèse de la faculté) et elle y travaille depuis le premier jour. Son équipe et elle ont identifié de trop nombreuses victimes, mais elle est aussi celle qui a identifié formellement Sinwar du Hamas !
S.A : Psychologiquement parlant, pour Essi Sharon, cela doit être très dur !
A.Z : Oui et on lui a procure une aide psychologique car c’est un travail très éprouvant. Pour vous donner un exemple, elle a eu à travailler sur une petite boîte contenant juste des cendres, deux implants un bridge et un petit fragment de mâchoire ; c’étaient les restes d’une seule personne et l’identification n’a pu être faite que par les implants et le bridge ! On essaye de l’aider le plus possible comme par exemple lui offrir des vacances, mais c’est une personne très forte et nous sommes très fiers d’elle !
S.A : Comment ont été gérées les périodes de réserve (milouim) aussi bien du côté des étudiants que des enseignants ?
A.Z : Tous les réservistes enseignants ont été remplacés facilement par les collègues de leur département. Voici ce que nous avons mis en place pour les étudiants : chaque étudiant me rencontre le premier jour du retour de sa période de réserve et on lui attribue un mentor qui va le prendre en charge tout au long de l’année. Nous avons mis en place des heures de clinique spécifiques pour les réservistes jusqu’à des heures tardives et je peux dire avec fierté que tout le monde a réussi brillamment son année !
S.A : Y-a-t-il eu des étudiants blessés ou tués ?
A.Z : Blessés, oui mais, grâce à Dieu, aucun de nos étudiants n’a été tué, mais nombreux ont perdu des proches et nous leur assurons un soutien psychologique. Malheureusement, nous continuons cette année de la même manière.
S.A : Qu’en est-il du processus d’accréditation américaine de votre faculté ? A-t-il-été interrompu ?
A.Z : Le processus en est à ses phases finales et nous continuons de nous mettre à niveau en fonction des dernières corrections qui nous ont été demandées. Le processus est ralenti du fait de la guerre et du report du voyage des responsables américains, mais nous attendons la visite finale !
S.A : Ma nouvelle question concerne particulièrement Alpha Oméga : qu’en est-il des programmes proposés aux étudiants ?
A.Z puis H. A. R- Nous proposons différents programmes : Au niveau universitaire, une dizaine de nos étudiants sont à l’étranger, notamment à la Penn University ou en Italie. Il n’y a pas d’échange établi pour le moment avec les universités françaises, mais nous travaillons pour obtenir l’agrément européen Erasmus+. Une quarantaine d’étudiants de différentes facultés dentaires françaises sont intéressés par ce programme. La difficulté vient en particulier du fait que ces programmes d’échange doivent être mis en place à l’échelon universitaire et pas seulement de la faculté. Mais il donnera droit à une reconnaissance par la faculté d’origine du stage clinique effectué.
H.A.R : Nous proposons par ailleurs le Student Extership Program : c’est un programme Alpha Oméga indépendant des facultés dans lequel les étudiants peuvent venir en observation pour deux semaines. Ils pourront se joindre à nos étudiants qui les attendent impatiemment ! L’étudiant intéressé doit se mettre en relation avec son Chapitre Alpha Oméga et en devenir membre (cotisation gratuite pour les étudiants), puis nous envoyer sa demande. Il vient en Israël par ses propres moyens, mais il peut obtenir une bourse d’Alpha Oméga. Par ailleurs, EFI, l‘association des dentistes francophones en Israël, l’aidera à trouver des praticiens qui pourrons le recevoir. A noter que c’est un programme réservé aux étudiants en années cliniques.
S.A : Ma question suivante concerne la prochaine convention Alpha Oméga. Souhaitez-vous qu’elle se déroule à Jérusalem ?
A.Z : Nous l’espérons vraiment et nous étudions, déçus de son annulation cette année car c’est dans cette période troublée que nous avons besoin du soutien de nos amis d’Alpha Oméga, ici, en Israël !
S.A : Est-ce que vous avez un besoin particulier sur lequel Alpha Oméga peut apporter son aide ?
A.Z : Nous voudrions créer un soutien psychologique spécial pour nos réservistes souffrant de PTSD (Trouble de stress post-traumatique)
SA : En quoi Alpha Oméga peut-elle vous aider en cela ?
A.Z : Nous avons environ 25 étudiants concernés. Il faut compter 2000 euros par étudiant pour 30 sessions avec un psychologue spécialement formé. Vous pouvez également nous aider pour les cliniques mises en place pour les réservistes dont le montant global est estimé à 25000$
S.A : Merci beaucoup d‘avoir pris le temps de réaliser cet interview et à très bientôt !