Grille titane individualisée 3D Yxoss®

Dossier Euro Implanto 2022 - AO #48 - Février 2022

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Introduction

 

Face à une perte de volume de la crête alvéolaire, une reconstruction osseuse peut être nécessaire, pour des raisons anatomiques, fonctionnelles ou esthétiques.

Cette reconstruction peut prendre des formes multiples, autogreffes, allogreffes, en particules, en bloc… L’une des techniques les plus courantes et les plus documentées dans la littérature est la régénération osseuse guidée (ROG). C’est Murray et col. (1) qui en ont posé les bases expérimentales avec une cage en plastique sur l’os iliaque du chien en 1957 puis qui l’ont appliqué cliniquement à la fusion vertébrale chez 56 patients.

 

Principe

 

La ROG intra-buccale a été proposée par Dahlin et col. en 1988 (2). Ils ont utilisé initialement chez le rat des membranes de PTFE (polytétrafluoréthylène ou Téflon) pour permettre le comblement, à partir du caillot, d’un compartiment osseux, en permettant uniquement le recrutement et la maturation de cellules ostéogéniques.

Le concept de régénération osseuse guidée repose sur certains principes biologiques :

- maintien, malgré la pression des tissus mous, de l’espace nécessaire à la cicatrisation osseuse,

- maintien et protection du caillot sanguin à l’origine de la régénération osseuse,

- exclusion, par une barrière physique, des cellules du tissu conjonctif et épithélial gingival,

- ces principes sont toujours actuels et sont mis en œuvre en utilisant des membranes de collagène résorbables ou de PTFE non résorbables qui peuvent être armées de titane (Cytoplast®) (Fig. 1 et 2)


Des grilles de titane ont aussi été utilisées pour réaliser des ROG complexes. Un substitut osseux est alors maintenu et protégé par une grille, adaptée in situ (3-6). Cette technique a permis l’obtention de résultats cliniques satisfaisants mais s’accompagne d’un taux d’exposition de la grille très variable selon les études, de 0% (7) à 80% (8) avec un taux moyen de 16,1% dans la revue de littérature de Rasia dal Polo et col. (9)

Ces grilles de titane, façonnées en pré- ou per-opératoire, ont été utilisées dans différents domaines comme la reconstruction des parois orbitaires ou de la voute crânienne.

Ciocca et col. (10) semblent, les premiers, avoir présenté une technique de frittage laser permettant de créer une grille en titane individualisée pour chaque reconstruction osseuse.

Dans le domaine de l’ophtalmologie, en cas de reconstruction des parois orbitaires, les grilles individuelles issues de la technologie 3D ont montré, par rapport aux grilles de titane façonnées en intra-opératoire, un raccourcissement du temps opératoire et une diminution du saignement per-opératoire (11) et une plus grande précision (12). De la même manière, cette technique s’est avérée prometteuse en cranioplastie (13).

 

Dispositif chirurgical

 

Une imagerie 3D de la zone osseuse déficiente, scanner ou cone beam est enregistrée (Fig. 3).

Le fichier Dicom généré est transmis par internet à la société ReOss® avec une fiche de renseignements cliniques. A partir des données Dicom, un modèle virtuel tridimensionnel est créé, permettant d’objectiver le défaut osseux. Le dessin d’une grille en titane sur mesure, corrigeant le défaut, est créé par CAO et adressé par internet au chirurgien (Fig. 4).

Celui-ci peut accepter d’emblée le design ou demander des modifications. Lorsque le projet de grille en 3D est validé par le chirurgien, la grille individualisée est mise en fabrication. Elle est réalisée par impression 3D, à partir de poudre de titane, par la technique du frittage laser sélectif (Fig. 5).


La dépose de la grille est anticipée par la création d’une fente centrale ou quelques ponts de titane seront coupés ou fracturés pour permettre un retrait facilité de la grille en 2 parties (Fig. 6).

Le fabricant propose des options comme la création de zones circulaires évidées permettant la mise en place d’implants et aussi le calcul du volume de la reconstruction osseuse nécessaire à l’intervention.

 

Technique chirurgicale

 

Les publications sur l’utilisation des grilles Yxoss® (15-16) font état de 2 types de voies d’abord : Soit une incision décalée dans le vestibule dite en « poncho », soit une incision crestale. C’est cette dernière solution qui a la faveur des auteurs. Les lambeaux de pleine épaisseur sont levés pour exposer la totalité du défaut, la surface osseuse est nettoyée à la fraise boule de toute trace de tissus mous et des perforations de la corticale sont réalisées à la fraise ou à l’aide d’un bistouri piézo-électrique (Fig. 7).

La grille titane individualisée est présentée sur le défaut osseux. Des repères sont pris pour son positionnement définitif et les futurs emplacements des vis de fixation sont choisis de telle sorte que leur serrage n’entraine pas un déplacement de la grille. Les pré-forages des vis peuvent être éventuellement réalisés à ce stade.

L’os autogène du patient est généralement prélevé au niveau de la ligne oblique externe à l’aide d’un safescraper ® (Meta), même dans le cas d’une reconstruction maxillaire.

Un mélange composé de 50% au minimum d’os autogène et d’hydroxapatite bovine (Bio-Oss ®) est mis en place dans la grille. Une étude a montré que l’utilisation de 30% d’HA ne diminue pas la formation d’os néoformé (7)

La grille est remplie du mélange (Fig.10) de telle sorte que la grille puisse être mise en place sur la crête dans la même position que lors de l’essayage


Sa rigidité permet sa fixation par un nombre limité de mini-vis. Celles-ci sont en général situées uniquement en vestibulaire et en crestal ce qui simplifie la technique par rapport à la stabilisation d’une membrane PFTE armée titane. La grille doit respecter une distance de 1,5 mm au moins par rapport aux dents bordantes et aux émergences nerveuses. Fig 11

Une membrane de collagène porcin (BioGide®) vient recouvrir la grille. Pour Seiler (17), cette étape n’est pas systématique et ne semble pas avoir d’influence sur le taux d’exposition. Fig 12

Les lambeaux sont ensuite libérés par dissection du périoste pour permettre une fermeture qui doit absolument s’effectuer sans tension. Le rôle délétère de la tension des lambeaux sur une exposition de la grille est souligné par Ciocca et col. (18)

Des points matelassiers horizontaux avec un fil PFTE 3/0 permettent d’obtenir une surface de contact entre les berges de l’incision et des points en X avec un fil résorbable de diamètre 5 ou 6/0 viennent ensuite parfaire l’adaptation des bords des lambeaux. Fig 13

La traction coronaire des lambeaux met sous tension les contre-incisions verticales qui sont suturées à partir du fond du vestibule pour finir avec une suture fine, au niveau de la gencive marginale.

La conséquence de la traction coronaire est le déplacement de la ligne de réflexion muco-gingivale.

L’obtention d’une bande de gencive attachée d’au moins 2 mm de hauteur de part et d’autres des implants peut rendre nécessaire la réalisation de lambeaux d’épaisseur partielle repositionnés apicalement ou de greffes épithélio-conjonctives lors de la réouverture des implants.

La durée du temps de cicatrisation recommandée est d’au moins 6 mois. La dépose de la membrane, se fait par une incision crestale, les vis de fixation sont déposées puis les ponts de titane crestaux sont meulés ou fracturés pour permettre la dépose de la grille par moitié. Cette phase peut s’avérer délicate, la grille pouvant être incluse dans l’os dans les zones des vis de fixation (Fig.14) et entourée de tissu fibreux nécessitant une dissection. Fig 14

Une couche de tissu non minéralisé est souvent présente sous la grille titane. Une exérèse de cette couche tissulaire a permis de constater sur l’analyse histologique la présence d’un tissu conjonctif incluant des particules d’os et de biomatériau. Fig 15

Par transposition de la technique des membranes PFTE, une couche de Bio-Oss seul, recouvert par une membrane résorbable, peut être mise en place lors de la pose des implants.


Exemples cliniques

 

A la mandibule :

Une crête haute et fine, présente une forte concavité infra-mandibulaire et une zone de coaptation des corticales vestibulaires et linguales à mi-hauteur du corps mandibulaire. Celles-ci ne permettent pas une mise en place d’implants en réséquant le sommet de la crête ou en réalisant une transposition du nerf alvéolaire et la crête est reconstruite avec une grille Yxoss de 44 à 46.


Au maxillaire :

Des implants atteints de péri-implantites, maintenus plusieurs années en place au prix de cures d’antibiotiques répétés, ont laissé, dans le secteur II, une crête extrêmement endommagée, avec un déficit vertical estimé à 8mm. Heureusement, le niveau osseux proximal, au niveau de la 23 bordant l’édentement et au niveau de la tubérosité était favorable pour une ROG. Une grille reliant ces 2 points déclives de la crête résiduelle maxillaire a été planifiée pour reconstruire une crête assez large pour recevoir des implants er diminuer l’espace prothétique.

L’os sous-sinusien étant réduit à une simple lamelle corticale, le choix a été fait de réaliser une élévation sinusienne avec une pose d’implants simultanée dans un deuxième temps pour privilégier la conservation d’un apport vasculaire pendant les phases de cicatrisation.


Complications

 

La principale complication de l’utilisation de grilles en titane est l’exposition de celles-ci pendant la phase de cicatrisation. Les formes douces, sans angles aigus, des grilles Yxoss 3D limitent le risque d’exposition par rapports aux grilles façonnées. Le taux d’exposition est néanmoins de 22,6% dans la série importante de cas de Seiler (17). Pour Sagheb et col. (19), le tracé d’incision en poncho et l’utilisation de PRP pour recouvrir la membrane de collagène sont de nature à réduire le taux d’exposition de la grille titane. L’intérêt du PRP avait déjà été souligné par Torres et col. (20) pour recouvrir les grilles de titane standard en limitant les expositions et en améliorant la cicatrisation osseuse. Parmi les cas traités, un cas d’exposition a concerné une reconstruction osseuse unitaire en secteur esthétique. (Fig. 25). Le cas a nécessité une ROG complémentaire lors de la pose de l’implant.

Il est intéressant de constater que l’exposition affecte le volume de la reconstruction osseuse mais n’empêche pas la mise en place d’implants dans la quasi-totalité des cas et que les expositions ayant entrainé une infection et la dépose de la grille sont rarissimes : 1 cas sur 115 pour Seiler (17). La cicatrisation avec la membrane exposée est même une option recommandée dans les publications de Ghanaati (21) et de Lorenz (22). Lorenz propose aussi l’utilisation de PRF injectable pour imprégner le mélange d’os et de substitut osseux. Cette alternative technique a été utilisée pour les derniers cas traités (Fig. 7 à 13), les greffes étant infusées de S-PRF.

Un autre cas de reconstruction au niveau d’une incisive latérale n’a pas présenté d’exposition et a permis de réaliser une restauration prothétique acceptable. Il faut cependant noter que la zone papillaire ne peut être soutenue aussi efficacement que par une greffe en bloc, la grille devant rester à distance des dents bordantes.


Conclusion

 

L’utilisation des grilles Yxoss semble plus particulièrement intéressante pour le traitement de défauts larges et complexes ou elle représente une alternative intéressante à la technique de greffe autogène 3D de F. Khoury et col. (23).

Il semble que les défauts encastrés, en particulier en secteur esthétique, en revanche, ne soient pas une indication de choix pour la technique. Les grilles individualisées 3D permettent de corriger des défauts osseux horizontaux mais aussi verticaux avec une chirurgie moins invasive qu’une greffe autogène 3D et plus rapide qu’une ROG avec membrane en PTFE armée titane. La gestion des tissus mous pour obtenir une fermeture muqueuse sans tension lors de reconstructions osseuses importantes en volume reste la difficulté chirurgicale commune à toutes ces techniques.

 

Bibliographie

1. Murray G, Holden R, Roschlau W. Experimental and clinical study of new growth of bone in a cavity. Am J Surg. 1957 Mar;93(3):385-7.

2. Dahlin, C., Linde, A., Gottlow, J., & Nyman, S.Healing of bone defects by guided tissue regeneration.Plastic and Reconstructive Surgery (1988); 81: 672– 676.

3. Boyne PJ. Surgical reconstruction using titanium mesh in combination with bone grafts. In: Evensen L (ed). Osseous Reconstruction of the Maxilla and the Mandible. Chicago: Quintessence, 1997:27–52.

4. Maiorana C., Santoro F., Rabagliati M., Salina S. Evaluation of the use of iliac cancellous bone and anorganic bovine bone in the reconstruction of the atrophic maxilla with titanium mesh: A clinical and histological investigation. Int J Oral Maxillofac Implants 2001;16:427–432.

5. Artzi Z., Dayan D., Alpern Y., Nemcovsky C. Vertical Ridge Augmentation Using Xenogenic Material Supported by a ConFig.ured Titanium Mesh: Clinicohistopathologic and Histochemical Study Int J Oral Maxillofac implants 2003;18:440–446

6. Proussaefs

8. Lizio G., Corinaldesi G., Marchetti, C. Alveolar Ridge Reconstruction with Titanium Mesh: A Three-Dimensional Evaluation of Factors Affecting Bone Augmentation. International Journal of Oral & Maxillofacial Implants, 29, n. 6, p. 1354–1363, 2014.

9. Rasia-dal Polo M, Poli PP, Rancitelli D, Beretta M, Maiorana C. Alveolar ridge reconstruction with titanium meshes: a systematic review of the literature. Med Oral Patol Oral Cir Bucal. 2014 Nov;19(6):e639–46.9.

10. Ciocca L., Fantini M., De Crescenzio F., Corinaldesi G., Scotti R. Direct metal laser sintering (DMLS) of a customized titanium mesh for prosthetically guided bone re- generation of atrophic maxillary arches Medical & Biological Engineering & Computing, vol. 49, no. 11, pp. 1347–1352, 2011.

11. Zieliński R, Malińska M, Kozakiewicz MJ Classical versus custom orbital wall reconstruction: Selected factors regarding surgery and hospitalization. Craniomaxillofac Surg. 2017 May;45(5):710-715.

13. Zimmerer RM, Ellis E0202, Aniceto GS et col. A prospective multicenter study to compare the precision of posttraumatic internal orbital reconstruction with standard preformed and individualized orbital implants. J Craniomaxillofac Surg. 2016 Sep;44(9):1485-97.

14. Francaviglia N, Maugeri R, Odierna Contino A, Meli F, Fiorenza V, Costantino G, Giammalva RG, Iacopino DG. Skull Bone Defects Reconstruction with Custom-Made Titanium Graft shaped with Electron Beam Melting Technology: Preliminary Experience in a Series of Ten Patients. Acta Neurochir Suppl. 2017;124:137-141.

15. Seiler M, Kämmerer PW, Peetz M, Hartmann AG. Customized Titanium Lattice Structure in Three-Dimensional Alveolar Defect: An Initial Case Letter. J Oral Implantol. 2018 Jun;44(3):219-224.

16. Seiler M, Kämmerer PW, Peetz M, Hartmann A. Customized lattice structure in reconstruction of three-dimensional alveolar defects. Int J Comput Dent. 2018;21(3):261-267.

17. Seiler M, Peetz M, Hartmann A, Witkowski R. Individualized CAD/CAM-produced titanium scafolds for alveolar bone augmentation: a retrospective analysis of dehiscence events in relation to demographic and surgical parameters. J Oral Science Rehabilitation. 2018 Mar;4(1):38–46.

18. Ciocca L, Lizio G, Baldissara P, Sambuco A, Scotti R, Corinaldesi G. Prosthetically CAD-CAM-Guided Bone Augmentation of Atrophic Jaws Using Customized Titanium Mesh: Preliminary Results of an Open Prospective Study. J Oral Implantol. 2018 Apr;44(2):131-137.

19. Sagheb K, Schiegnitz E, Moergel M, Walter C, Al-Nawas B, Wagner W. Clinical outcome of alveolar ridge augmentation with individualized CAD-CAM-produced titanium mesh. Int J Implant Dent.2017 Dec;3(1):36

20 Torres J, Tamimi F, Alkhraisat MH, Manchon A, Linares R, Prados-Frutos JC, et al. Platelet-rich plasma may prevent titanium-mesh exposure in alveolar ridge augmentation with anorganic bovine bone. J Clin Periodontol. 2010; 37(10):943–51.

21. Ghanaati S, Al-Maawi S, Conrad T, Lorenz J, Rössler R, Sader R. Biomaterial-based bone regeneration and soft tissue management of the individualized 3D-titanium mesh: An alternative concept to autologous transplantation and flap mobilization. J Craniomaxillofac Surg. 2019 Oct;47(10):1633-1644.

22. Lorenz J., Al-Maawi S., Sader R., Ghanaati S. Individualized titanium mesh combined with platelet-rich fibrin and deproteinized bovine bone: a new approach for challenging augmentation. J Oral Implantol 22(9): 3159e3169

23. Khoury F, Hanser T. Mandibular bone block harvesting from the retromolar region: a 10-year prospective clinical study. Int J Oral Maxillofac Implants. 2015 May-Jun;30(3):688-97.