RMIPP : protocole et indication, une mise au point

Dossier Reconstruire la dent dépulpée - AO News #63 - déc 2023

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 Introduction

 

La restauration des dents traitées endodontiquement est un aspect essentiel de la dentisterie qui implique un large éventail d’options de traitement de complexités différentes. Généralement, les dents traitées endodontiquement présentent une perte de substance dentaire importante, nécessitant la réalisation d’une reconstitution corono-radiculaires (RCR).

Il existe deux types de RCR, les RCR coulées qui nécessitent une étape de laboratoire (inlay core), et les RCR plastiques réalisées en un seul temps au fauteuil qui sont aussi appelées reconstitutions corono-radiculaire par matériau inséré en phase plastique RMIPP. Cette dernière, s’inscrit davantage dans l’ère de la dentisterie conservatrice adhésive, respectant le principe de l’économie tissulaire. De plus, elle peut être réalisée directement après l’obturation canalaire limitant au maximum le risque de réensemencement bactérien (Pertot W. et coll, 2001) (1).

Cette option thérapeutique présente l’avantage de vouloir former une entité homogène. L’utilisation de matériaux composites, dont certaines propriétés physiques et mécaniques sont proches de celle de la dentine, participe ainsi au maintien de la solidité de la dent dépulpée.

Cet article propose de définir les indications des RMIPP et présente un cas clinique illustrant le protocole de collage.

 

Indications

 

RCR coulée ou RMIPP ?

 

L’indication d’une RMIPP est évaluée en fonction de plusieurs critères : la position de la dent concernée, le cerclage, les contacts proximaux, la possibilité de poser un champ opératoire, et enfin le type de réparation envisagée.

Tout d’abord la position de la dent sur l’arcade, il est décrit dans la littérature que les RMIPP effectuées sur les canines et les incisives échouaient trois fois plus souvent que sur les prémolaires et les molaires (Naumann et al., 2005) (2). Les auteurs ont justifié la proportion plus élevée d'échec des dents antérieures en raison de l'incidence plus élevée des composantes de force transversales plutôt que axiales.

Ensuite, le cerclage est le facteur clinique le plus important pour évaluer la résistance mécanique de la dent traitée endodontiquement (Juloski et all, 2012) (3). La hauteur de cerclage efficace proposée varie de 1,5 mm à 2 mm. La résistance semble augmenter considérablement avec une hauteur accrue de cerclage, et le pronostic est meilleur si le cerclage est uniforme.

Les contacts proximaux doivent également être regardés par le praticien qui s’interroge sur la meilleure conduite à tenir. Le taux d’échec est trois fois plus élevé pour les dents sans contact proximal. La présence de dents adjacentes répartit les contraintes entre elles, diminuant la concentration des contraintes sur une seule dent (Nauman et al, 2005) (2).

Enfin, la réalisation d’une RMIPP nécessite obligatoirement la pose d’un champ opératoire afin d’obtenir les conditions optimales de séchage pour obtenir un collage satisfaisant. De ce fait, s’il est impossible de poser un champ alors la RMIPP doit être exclue car elle ne pourra être réalisée dans de bonnes conditions.

Dernier facteur de choix, le type de réparation envisagée. Les prothèses partielles fixes-amovibles combinées avaient des taux d'échec intermédiaires par rapport aux couronnes unitaires. Les forces agissant sur les dents piliers des prothèses combinées pendant la mastication ainsi que lors de l'insertion ou retrait de la prothèse amovible cela entraine un effet de levier, et d’avantages de forces sur ces dents. Le risque de fracture de la RMIPP est accru, on se dirigera donc vers une RCR coulée.

 

En conclusion, la région antérieure maxillaire peut être considérée comme une zone à haut risque d'échecs pour un traitement avec une RMIPP. Cependant une dent antérieure peut être restaurée avec une RMIPP si elle présente 4 parois, un cerclage de 2mm minimum avec une épaisseur de parois d’au moins 1mm pour minimiser le risque de fracture de la reconstitution. Elle doit répondre à des critères plus stricts que décrits précédemment mais cela reste à l’appréciation du praticien dans son choix de traitement. Pour les dents du secteur postérieur, nous nous orienterons en priorité vers les RMIPP pour respecter le principe de l’économie tissulaire dès lors qu’il persiste au minimum 3 parois, un cerclage d’au moins 1,5mm et une épaisseur de parois de 1mm.

 

RMIPP avec ou sans tenon ?

 

Indépendamment de la position la RMIPP sans tenon semble être la solution de choix dès lors que le cerclage est suffisant car en plus d’avoir une résistance à la fracture comparable aux RMIPP avec tenon, le taux d’échecs critique est inférieur (53% contre 100%) (Magne & al.) (4).

Cependant la position de la dent est ainsi un facteur essentiel dans le choix de la mise en place d’un tenon ou non. Pour les incisives, plusieurs études s’accordent à dire que le facteur le plus déterminant pour est la présence d’un cerclage (Kutesa-Mutebi et all, 2004) (5) et si celui-ci est suffisant, le tenon n’est pas indiqué (Fig. 1). Le tenon utilisé pour la reconstitution d’une dent dépulpée ne renforce en aucun cas la dent. Il ne sert qu’à la rétention du matériau de restauration coronaire (Fig. 2).

Il était précisé en préambule que dans le cas particulier du secteur antérieur si le cerclage n’était pas suffisant alors il vaudrait mieux se tourner vers une RCR Coulée. Si pour une raison quelconque le praticien a jugé plus pratique de se tourner vers une RMIPP au regard des différents paramètres de la dent et malgré un cerclage insuffisant, dans ce cas le tenon sera plus indiqué.

A l’inverse, les prémolaires où l’insertion d’un tenon dans les RMIPP en présence d’un cerclage améliore le taux de survie des restaurations prothétiques d’usage sur les prémolaires dépulpées (Ferrari et all, 2007) (6). En complément, un autre paramètre essentiel à la pose ou non d’un tenon est la hauteur de la chambre pulpaire. Plus la hauteur disponible sera importante, plus les RMIPP sans tenon semble avoir une indication pertinente (Fig. 3 et 3bis).


 

Amélioration du taux de réussite des RMIPP avec tenons

 

En nuance de ce qui a été dit précédemment, il existe aujourd’hui des pratiques permettant d’améliorer le taux de réussites des RMIPP avec tenons.

Comparativement aux tenons coulés, les tenons FRC présentent des propriétés mécaniques similaires à celles de la dentine et peuvent distribuer les contraintes jusqu’à la racine de façon plus uniforme et diminuer ainsi le risque de fracture radiculaire (Akkayan B. et coll, 2002) (7)

De plus, il est décrit dans la littérature que le choix du type de forets utilisé pour la préparation du logement canalaire influence le risque de fracture radiculaire. L’utilisation de forets calibrés est très fragilisant pour la racine car de la dentine saine est retiré́ lors du passage de ces forets (Magne et all 30). L’utilisations de forets largo n°2 est moins traumatique pour la dentine radiculaire car ces forets permettent surtout de nettoyer le logement canalaire des résidus de gutta percha issus du traitement endodontique. Les tenons sont ainsi insérés de manière passive, et la racine est relativement préservée. En conséquence, le taux d'échec critique diminue (Lima et coll, 2010) (8)

Enfin, l’utilisation de nouvelles résines composites de type Multicore HD semblent être des matériaux de choix pour la réalisation des RMIPP. Elles confèrent aux dents une résistance à la fracture très élevée, tout en limitant les échecs irréparables.

 

Protocole de collage de la RMIPP

 

Le protocole de collage se déroule en plusieurs étapes.

  • La radiographie pré-opératoire : elle permet de déterminer la longueur du logement du tenon et son diamètre.
  • La pose d’un champ opératoire étanche.
  • Le retrait de l’obturation provisoire et le forage canalaire (Fig. 5). Le logement canalaire est réalisé́ par le passage de forets Largo n° 1 (7/10 mm de diamètre) et n°2 (9/10 mm de diamètre) pour retirer le matériau d’obturation endodontique.
  • L’essayage du tenon. Le tenon est inséré́ dans le canal afin de contrôler sa bonne insertion et de déterminer la longueur de la partie intra coronaire. Puis, le tenon est sectionné à l’aide d’un disque diamanté.
  • Le conditionnement du tenon. La surface du tenon est mordancé à l’acide phosphorique à 37 % (nettoyage de surface) pendant une minute suivie d’une application de silane pour potentialiser les monomères de la matrice résineuse entourant les fibres de verres.
  • Le conditionnement des tissus dentaires. Sablage de la dent à 50 microns, puis le mordançage est réalisé́ par un gel d’acide phosphorique à 37 %, tout d’abord sur l’email périphérique pendant 30 secondes puis sur la dentine pendant 15 secondes. L’acide phosphorique est soigneusement rincé de façon à ne laisser aucune trace d’acide dans le logement canalaire. Une seringue à usage endodontique a été utilisée pour faciliter le rinçage de la partie apicale du logement. La partie coronaire est séchée à l’aide de la seringue à air. Le logement canalaire est ensuite séché́ avec des pointes de papier. Dans le cas de l’utilisation d’un adhésif M&R2 dual (ex : XP Bond® associés au Self Cure Activator®, Dentsply), l’adhésif est appliqué à l’aide d’une Microbrush® selon une technique de brossage, dans le logement canalaire pendant au moins 15 secondes, puis sur la dentine et l’email coronaire. Il est étalé à l’aide de la seringue à air et les excès intra canalaires sont absorbés à l’aide d’une pointe de papier. Le composite de collage est injecté dans le logement canalaire, le tenon est également enduit de colle puis inséré́ dans le canal. La photopolymérisation est effectuée.
  • Le composite de reconstitution : le composite microhybride injecté dans le canal, est ensuite injecté dans la partie coronaire.
  • Préparation périphérique en vue d’une couronne céramique, Emax collée.

 

Conclusion

 

Les RMIPP sont aujourd’hui une alternative intéressante aux inlay core dans de nombreuses situations cliniques. Elle permet d’assurer une économie tissulaire non négligeable. Cependant, le protocole de mise en œuvre d’une RMIPP a tenon fibrée est délicat et réclame beaucoup de rigueur.

Depuis quelques années, les polymères haute performance (HPP) fabriqués par CAD-CAM, associés à un protocole de collage rigoureux (IDS, sablage et silane), commencent à émerger dans le domaine de la dentisterie, et pourraient être une alternative prometteuse aux RCR directes.

 

Bibliographie :

(1) Pertot W., Machtou P. L’étanchéité́ coronaire: un facteur de réussite du traitement endodontique. Cah de Proth 2001;116: 21-28. Cat. 3

(2) Naumann M, Preuss A, Frankenberger R. Reinforcement effect of adhesively luted fiber reinforced composite versus titanium posts. Dent Mater Off Publ Acad Dent Mater. 2007 Feb;23(2):138–44.

(3)Juloski J, Radovic I, Goracci C, Vulicevic ZR, Ferrari M. Ferrule Effect: A Literature Review. J Endod. 2012 Jan;38(1):11–9.

(4)Magne P, Lazari PC, Carvalho MA, Johnson T, Del Bel Cury AA. Ferrule- Effect Dominates Over Use of a Fiber Post When Restoring Endodontically Treated Incisors: An In Vitro Study. Oper Dent. 2017 Aug;42(4):396–406.

(5) Kutesa-Mutebi A, Osman YI. Effect of the ferrule on fracture resistance of teeth restored with prefabricated posts and composite cores. Afr Health Sci. 2004 Aug;4(2):131–5.

(6)Ferrari M, Cagidiaco MC, Grandini S, De Sanctis M, Goracci C. Post Placement Affects Survival of Endodontically Treated Premolars. J Dent Res. 2007 Aug;86(8):729–34.

(7) Akkayan B, Gülmez T. Resistance to fracture of endodontically treated teeth restored with different post systems. J Prosthet Dent. 2002 Apr;87(4):431–7

(8) Lima AF de, Spazzin AO, Galafassi D, Correr-Sobrinho L, Carlini-Júnior B. Influence of ferrule preparation with or without glass fiber post on fracture resistance of endodontically treated teeth. J Appl Oral Sci. 2010 Aug;18(4):360–3.