L’activité physique est souvent présentée comme un traitement de première intention chez les personnes prédiabétiques ou atteintes d’un diabète. Associée à une hygiène alimentaire, l’activité physique est l’outil de toutes les préventions, primaire à tertiaire. Elle reste souvent assimilée à du sport par les personnes s’en étant éloignées et nécessite d’être préalablement expliquée et adaptée.
Par définition, l’activité physique représente l’ensemble des mouvements corporels requérant une dépense d’énergie. Elle comprend trois sous-parties :
Différentes fédérations sportives et organismes ont développé des programmes Sport Santé ou d’Activités Physiques Adaptées afin de répondre aux besoins de nouveaux clients nécessitant un accompagnement, sédentaires voire en inactivité physique. Aujourd’hui, exactement 436 maisons dîtes Sport Santé référencées sur notre territoire, s’adressent à des publics atteints de pathologies ou à capacités physiques réduites.
Selon l’OMS, la pratique d’une activité physique régulière contribuerait à prévenir l’hypertension, maintenir un poids corporel sain, à améliorer la santé mentale, la qualité de vie et le bien-être. Elle facilite la prévention et la prise en charge des maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiaques, les accidents vasculaires cérébraux, plusieurs cancers et le diabète de type 2.
Le diabète de type 2 représente environ 90% de la population française diabétique soit un total de près 4 millions de personnes dont 800 000 s’en ignorent atteintes. Le type 2 est une pathologie caractérisée par une insulinorésistance le plus souvent acquise chez des profils dont l’alimentation est déséquilibrée, pratiquant peu ou pas d’activité physique et à l’héritage génétique défavorable. Le pic de prévalence est fixé entre 70 et 85 ans avec une majorité masculine. Une alimentation déséquilibrée, riche en aliments transformés, gras, sucrés et pauvre en fruits ou légumes, aidée d’une inactivité physique condamnent aujourd’hui aussi une jeune population adolescente au diabète de type 2. Une perte de poids (de masse viscérale) et la reprise d’une hygiène de vie pourraient inverser l’insulinorésistance et réduire jusqu’à suspendre les traitements antidiabétiques de type 2. Pour autant, la réversibilité du diabète de type 2 reste conditionnée à cette nouvelle hygiène de vie et son maintien.
A tout âge, il reste encourageant de pratiquer régulièrement ou débuter une activité physique adaptée. Adaptée car ces corps sédentaires sont à réveiller en douceur et leur système cardiovasculaire pourrait être limité dans ces nouveaux mouvements. Régulièrement, les bénéfices d’une pratique sont à renouveler fréquemment. Permettant une meilleure sensibilité aux traitements du diabète, cette pratique physique régulière nécessitera une vigilance glycémique des patients sportifs, des suivis renforcés par leurs équipes soignantes voire l’utilisation de nouvelles technologies thérapeutiques.
La pratique d’une activité physique chez une personne atteinte de diabète a pour effet de modifier la cellule, plus à même de recevoir du glucose. La cellule possède un transporteur de glucose, le Glut4, qui sous l’effet de l’insuline endo- ou exogène, se déplace du cœur de la cellule vers sa périphérie afin d’ouvrir sa « porte » et laisser pénétrer ce glucose qu’elle transformera en glycogène. Ce phénomène, appelé translocation du Glut4, est observé lors d’activités physiques, nécessitant une dose moindre voire nulle d’insuline. Les « portes cellulaires » resteront ouvertes plusieurs heures à plusieurs jours après la fin de l’activité et permettront chez les personnes atteintes de diabète de réduire les traitements oraux comme injectables, grâce à l’entrée facile du glucose dans ces cellules disponibles et la diminution de l’hyperglycémie plasmatique. Le maintien de cette sur-sensibilité insulinique sera entretenu par le renouvellement des pratiques physiques, au mieux quotidiennes.
Pourtant, l’initiation à l’activité physique chez les personnes atteintes de diabète ou sa pérennisation rencontre de nombreux freins. Le premier est la peur de l’hypoglycémie car la majorité des activités physiques ont tendance à sensibiliser à l’insuline et diminuer la glycémie. Cet effet recherché chez les patients nécessite une connaissance et adaptation de leurs traitements, une anticipation, des choix d’activités et la capacité de se resucrer au cas où l’hypoglycémie apparaitrait. Les mécanismes et bénéfices de l’activité physique peuvent ne pas être perçus et intégrés par notre patientèle malade, auxquels s’ajoutent la variabilité glycémique soulevée par ces nouvelles pratiques, l’optimisation des matériels sportifs et thérapeutiques, le rapport à l’autre, l’incapacité de, l’image de soi, les coûts et quelquefois le simple port d’un maillot de bain sur un corps abîmé ou enveloppé.
Face à ces blocages, un catalogue de leviers existe, il est à adapter aux contraintes de la patiente ou du patient et à intégrer dans un bilan motivationnel initial. S’y trouvent les bénéfices cardiovasculaires, l’amélioration de la sensibilité insulinique et aux traitements oraux ou injectables, l’amélioration possible de l’hémoglobine glyquée qui reflète la moyenne glycémique des trois derniers mois, la transformation des masses graisseuses en masse musculaire, une éventuelle perte de poids, un meilleur équilibre ou encore une augmentation de la force musculaire. Sans omettre le bien-être cultivé par les objectifs ou micro-objectifs atteints, par les endorphines secrétées, un lien social quelquefois recréé, l’image de soi, la réassurance, la prise en charge d’autres facteurs favorisant que sont l’hygiène alimentaire et le sommeil ainsi que l’optimisation nécessaire et acquise des traitements. Il semble important d’accompagner nos patients via des réseaux formés, clubs ou coachs labelisés, des équipes hospitalières proposant ce type de services, des réseaux de santé, associations de patients et fédérations sportives adaptées. Ils peuvent avoir besoin d’être remotivés de temps en temps, quand l’hiver approche avec des conditions météorologiques plus délicates. Sachons leur proposer de changer de discipline, d’horaire ou d’encadrant si la régularité se dégrade.
De nombreuses possibilités d’activités existent parmi lesquelles se distinguent deux familles permettant d’orienter les choix des patients. La première, fréquemment pratiquée consiste en une activité douce, d’endurance, qualifiée aérobie : elle consomme en priorité de l’oxygène, du glucose et les stocks graisseux. Ce type d’activité est indiqué en recherche de diminutions glycémiques et peut être utilisé par tous. Les randonnées, balades à vélo sans accélération, marche, gymnastique douce, yoga et toutes autres activités n'entraînant que de légères augmentations du rythme cardiaque et/ou de la respiration sont qualifiées aérobies. L’activité aérobie a une tendance à être hypoglycémiante, visant à prévenir les personnes ayant des difficultés à pressentir leurs hypoglycémies ou en subissant de nombreuses. La seconde famille regroupe les activités explosives ou anaérobies.
Toutes nouvelles activités nécessitent une consultation préalable chez son endocrinologue ou médecin traitant afin d’en connaître les limites, ces activités anaérobies la nécessiteront d’autant plus. Les activités explosives sollicitent une source hormonale, les catécholamines. Adrénaline et noradrénaline ayant des effets hyperglycémiants, il n’est pas rare d’observer des hyperglycémies majeures chez des patients pratiquant du sprint, de la musculation, crossfit, haltérophilie ou squash. Ces hyperglycémies sportives peuvent durer plusieurs heures et sont souvent suivies d’hypoglycémies, chez un organisme ayant consommé rapidement ses réserves glycogéniques.
Ainsi la pratique d’une activité peut être conditionnée et liée à la glycémie de départ, la météo, l’horaire ou encore la dernière prise de traitement oral ou injectable. L’éducation thérapeutique du patient leur permet d’être plus acteurs de leur traitement, de comprendre les différents paramètres influençant leur équilibre glycémique et de s'autonomiser dans leur prise en charge. Cette démarche éducative est aidée par les nouvelles technologies apparues en diabétologie depuis plusieurs dizaines d’années.
Les années 80 ont connu l’arrivée des lecteurs de glycémie, ces machines électroniques, plus ou moins volumineuses, plus ou moins fiables, qui nécessitaient une goutte de sang prélevée au bout des doigts et permettaient de connaître immédiatement son résultat glycémique. Au fil du temps, ces lecteurs de glycémie ont gagné en fiabilité, leurs bandelettes prélevant automatiquement d’infimes volumes de sang dans la goutte capillaire présentée et déchargeant leurs résultats via le Bluetooth vers des applications ou plateformes accessibles par le corps médical désigné. Ces nombreuses avancées permettent aux patients un lâcher-prise et favorisent leurs prises en charge et observance.
Les traitements insuliniques ont également progressé grâce aux différents types d’insulines proposées à prescription, les insulines lentes, rapides et ultra rapides. L’arrivée des stylos à insuline a facilité la mobilité, le transport des traitements et leur discrétion. Dans les années 90, les pompes à insuline faisaient leur apparition sur le territoire permettant aux patients porteurs, de bénéficier d’une injection régulière d’insuline, à l’image d’un pancréas artificiel. Ces seringues électriques miniaturisées allaient désormais injecter toutes les 5 minutes une dose d’insuline rapide appelée débit basal et commandée par le patient et son équipe soignante afin de remplacer son injection de lente quotidienne. Chez les patients sous schéma insulinique lente/rapide appelé aujourd’hui basal/bolus, l’injection par seringue ou stylo d’insuline rapide était réalisée via la pompe sous forme de bolus, un flash immédiat de plusieurs unités, préalables à l’ingestion d’un repas ou la correction d’une hyperglycémie.
Grâce à ces nouvelles machines, les patients porteurs d’un cathéter réduisaient le nombre d’injections et amélioraient leur équilibre glycémique via l’adaptation fine de leurs besoins insuliniques.
Il y a une dizaine d'années, une nouvelle révolution thérapeutique frappait le monde de la diabétologie avec l’arrivée des capteurs de glycémie ou CGM. Ces petits appareils souvent piqués et fixés aux bras des patients, prélèvent du liquide interstitiel et permettent d’obtenir un résultat glycémique chaque cinq minutes sur un écran ou téléphone portable. Ils avaient enfin accès à leurs glycémies nocturnes ou pouvaient visualiser l’effet des repas. Le plus connu est le capteur Freestyle de la marque Abbott®, petit disque blanc remarqué sur le bras des patients. La délivrance de ces machines répond à une formation initiale, un traitement insulinique ou encore une hémoglobine glyquée minimale.
Dernièrement, le couplage de ces capteurs glycémiques aux pompes à insuline a permis, aidé de l’intelligence artificielle, de concevoir des systèmes de boucles semi-fermées. Ces BSF parviennent à prédire la glycémie du patient dans les trente minutes suivantes et d’anticiper l’arrêt d’injection d’insuline avant l’apparition de l’hypoglycémie. La pompe à insuline reprendra l’injection de son débit basal chaque cinq minutes lorsque le capteur et l’analyse du nouveau résultat lui indiqueront la remontée glycémique et l’évitement certain de l’hypoglycémie. Ce système permet d’éviter de nombreuses hypoglycémies chez des patients en subissant souvent ainsi que les hyperglycémies souvent provoquées par des resucrages d’hypoglycémies massifs et sans contrôle. Les personnes atteintes de diabète et pratiquant une activité physique douce se réjouissent de l’arrivée de ces matériels, observant un meilleur contrôle de leurs glycémies en activités.
L’intelligence artificielle ne s’arrête pas là et n’en est certainement qu’à ses débuts ; depuis quelques années existent les boucles fermées hybrides permettant la modulation de l’injection d’insuline par pompe au regard de la glycémie prédite. Ces machines prédisant à trente minutes la glycémie du patient, sont capables d’augmenter ou réduire l’injection régulière d’insuline et en cas de glycémies plus extrêmes, d’envoyer un flash ou stopper leur injection.
Ces matériels nécessitent toujours les déclarations anticipées des repas et apports glucidiques ainsi que des activités physiques ou sportives, néanmoins elles savent s’adapter à des activités douces à tendances hypoglycémiantes comme explosives à tendances hyperglycémiantes. Le marché est en plein essor, des pompes sans tubulure existent aussi et l’intelligence artificielle ouvre la voie à des capacités aujourd’hui insoupçonnées pour qui voudra l’accepter.
Actuellement, certains modèles de boucles fermées, lorsqu’elles sont averties d’une future activité physique ou sportive, sont capables de rehausser la glycémie à des niveaux sécuritaires sur la durée demandée, à risque d’hypoglycémies. Certaines sont programmables et proposent de régler l’objectif glycémique pour une heure donnée, par exemple votre séance de basket le mardi à 18h.
L’avenir nous propose à travers des matériels encore expérimentaux, de détecter l’activité physique du patient via un accéléromètre ou une légère augmentation du rythme cardiaque et de palier aux hypoglycémies par l’intermédiaire d’un second réservoir, de glucagon, aux côtés de celui d’insuline. Mais toujours, l’activité physique reste indispensable, source de mieux-être et bénéfique que l’on soit atteint de diabète ou non.
Jérôme Trublet est :
- Infirmier en services de diabétologie et santé au travail
- Membre du groupe de travail « Sport et Diabète » de la Société Francophone du Diabète et formateur auprès des personnels soignants et des patients
- Atteint de diabète de type 1, coureur à pied ultra