Un nouveau défi au cabinet dentaire : la gestion de l’air

AO News #61 - Octobre 2023


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1. Gestion de l'air en cabinet dentaire
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Introduction

Chaque crise sanitaire apporte son lot d’enseignements et nous amène à modifier nos procédures d’hygiène et d’asepsie en cabinet dentaire. Dans les années quatre-vingt, l’apparition du SIDA et des hépatites virales C, D et E ont rendu systématique le port des gants et du masque chirurgical pour pratiquer des soins bucco-dentaires, ainsi que la désinfection poussée ou la stérilisation des instruments. L’apparition des maladies à Prion dans les années quatre-vingt-dix, nous ont fait modifier les conditions d’utilisation des autoclaves avec l’apparition de cycles spécifiques. Puis la multiplication des maladies virales émergentes respiratoires se transmettant par voie aérienne comme le SRAS en 2003, la grippe H1N1 en 2009, le MERS en 2012, la Covid19 en 2019 nous impose de prendre en compte dans nos procédures d’hygiène en cabinet dentaire la gestion de l’air et des aérocontaminants. Mais comment gérer l’air en cabinet dentaire ?

 

Chirurgien-dentiste : une profession à haut risque infectieux

 

L’activité de soins dans la cavité buccale a des particularités dont il est important d’avoir clairement pris la mesure. La cavité buccale héberge le plus riche écosystème de microorganismes du corps humain tant sur un plan quantitatif que qualitatif (Fig. 1). Ce microbiote baigne dans deux fluides : la salive et le fluide gingival. La cavité buccale et le nasopharynx sont également une zone de passage de flux d’air inspiratoires et expiratoires importants et variables selon les efforts physiques réalisés. Un milligramme de plaque dentaire contient environ 100 millions de bactéries et 1 ml de salive mixte, 750 millions de bactéries (Fig. 1).

 

Les deux principales pathologies buccales sont des maladies infectieuses (maladies carieuses et maladies parodontales) que le chirurgien-dentiste devra prendre en charge. Donc l’activité du chirurgien-dentiste consiste principalement à traiter des maladies infectieuses tout en étant focalisé sur la zone anatomique la plus riche et complexe en microorganismes.

 

De nombreuses procédures de soins vont faire intervenir des dispositifs générateurs d’aérosols puissants (Fig. 2), de façon répétitive et prolongée (spray de l’instrumentation dynamique, soufflette air/eau, insert à ultrasons, aérosoliseur, …). Ces pratiques auront pour effet de surcharger l’air de la salle de soins en particules septiques en suspension dont une partie se déposera sur toutes les surfaces (meubles, sols, appareillages), une autre restera en suspension dans l’air et une autre se diluera dans toutes les pièces du cabinet ou sera rejetée dans l’environnement extérieur par les VMC, climatisation ou extraction des aspirations. (Nardel et al, 2019)

 

Le modèle économique de nombreux cabinets est basé sur une rotation des patients assez importante sur une journée (15 à 25 patients). La fréquence et le rythme des rendez-vous sont des facteurs additionnels importants du niveau de contamination du cabinet.


Les positions de travail des praticiens les placent en général entre 20 et 40 centimètres de la cavité buccale et des fosses nasales des patients. Les praticiens accumulent donc des éléments à risque dans leurs pratiques quotidiennes (Fig. 3). L’ensemble de ces éléments nous situe dans les professions à plus haut risque infectieux vis-à-vis des infections respiratoires (Fig. 4).

Fig 4 : Niveaux de risques infectieux des professions : celle de chirurgien-dentiste fait partie des plus exposés au risque infectieux et particulier de Covid-19 (Source : New York Times 15 mars 2020)


 

Paramètres de gestion de l’air

 

La gestion de l’air dans des salles de soins va bien au-delà du contrôle de la température et de l’humidité. Les salles de soins de nos cabinets doivent évoluer vers une maîtrise des particules en suspension dans l’air, une limitation de la production et de la rétention de particules (poussières, bactéries, virus, levures, …), toute en contrôlant la température, l’humidité et la pression. La température et l’humidité relative jouent un rôle important pour la viabilité des micro-organismes dans l’air. Les conditions optimales de survie sont une température de 10 °C avec une humidité relative élevée pour les virus nus, et faible pour les virus enveloppés.

La maîtrise de la qualité de l’air fait intervenir un apport d’air neuf (dit propre), une évacuation permanente des contaminants et un contrôle des contaminations croisées (Fig. 5). La prise en compte professionnelle de l’air d’un cabinet dentaire doit donc nous permettre de gérer : le taux de brassage, la filtration, la diffusion de l’air, les cascades de pressions (CDC, 2019). Ces aspects liés à la biocontamination sont traités par les normes NF EN ISO 14698 et NF EN ISO 14644. Le secteur hospitalier dispose depuis 2003 de sa propre norme (NF S 90-351).

Un des concepts importants de cette norme est la définition des zones à risques (Fig. 6) :

- Risque 1 : locaux de travail non médicaux ;

- Risque 2 : endoscopie, salle de réveil, urgences, salle de travail ;

- Risque 3 : obstétrique, réanimation, vasculaire, digestif ;

- Risque 4 : orthopédie, ophtalmologie, immunodéprimés, greffe, grands brûlés.

La pratique de la médecine bucco-dentaire correspond à un risque de niveau 2. Selon la norme NF S 90-351, le niveau de renouvellement d’air serait de 15 à 20 V/h avec flux d’air non unidirectionnel (flux laminaire non nécessaire).

 

La filtration de l’air doit faire appel à des filtres HEPA de classe H13 (efficacité 99,95 %) ou H14 (efficacité 99,995 %). Une bonne diffusion de l’air doit être également recherchée pour permettre une évacuation correcte des contaminations. L’utilisation d’un flux d’air non unidirectionnel correspond aux normes ISO 8 et ISO 7 utilisé pour les risques de niveau 2.

 

Recommandation de la gestion de l’air pour les cabinets dentaires

 

Les cabinets dentaires comprennent plusieurs salles avec des niveaux de risques différents. Les parties secrétariat, salle d’attente, stockage peuvent être assimilées à un niveau de risque faible (niveau de risque infectieux 1), proche de locaux professionnels classiques à la condition que les salles de soins, de stérilisation et d’hygiène (toilettes et salle d’eau) soient gérées avec un niveau de risque 2 ou 3. En secteur hospitalier, nos salles de soins auraient été affectées à un niveau de risque 3.

 

En activité libérale, une évaluation à un niveau de risque 2 semble déjà une prise en compte très pertinente du risque d’aérocontamination. Ce classement impose un flux d’air non unidirectionnel et un renouvellement d’air entre 15 et 20 volume/heure.

 

Les dernières recommandations du Conseil National de l’Ordre (CNO) et de la Haute Autorité de Santé (HAS) spéciales Covid-19 concernant la gestion de l’air en cabinet dentaire (version 3 du 15 juillet 2020) recommandent un renouvellement de l’air par ventilation naturelle (ouverture de fenêtre) ou par une centrale de traitement d’air (CTA) en tout air neuf permettant un taux de renouvellement minimum de 6 volumes par heure (sans recyclage) et sans mettre la salle de soin en surpression. Le débit d’air extrait doit être supérieur au débit d’air introduit.

Ces chiffres suggèrent une gestion de l’air dans les salles de soins de nos cabinets identiques à celle de nos habitations, alors que nous sommes une des professions médicales les plus exposées et les plus génératrices d’aérosols puissants.

 

Je ne commenterai pas ici la recommandation du CNO d’aérer les salles de soins en ouvrant d’hypothétiques fenêtres pendant 15 minutes entre chaque patient ou acte générateur d’aérosols qui semble venir d’une autre époque. Si le renouvellement de l’air se fait par ouverture d’une fenêtre, celle-ci ne doit pas donner directement sur un lieu de passage ou occupé.

 

Le choix de la mise en pression de la salle de soins est également un élément important de sécurité pour nos patients. Les blocs opératoires de tous les hôpitaux et cliniques et les salles d’interventions d’actes médicaux invasifs sont tous conçus sur un principe de surpression (même faible) pour éviter un flux d’air contaminant entrant des pièces adjacentes ou favorisant une auto contamination. Les dernières recommandations, version 3 du CNO, recommandent de ne pas mettre la salle de soin en surpression par la CTA. Il recommande donc de réduire le volume d’apport d’air neuf et favorise l’entrée d’air par les autres pièces oubliant par ce fait les principes de bases de lutte contre les infections nosocomiales. Cette attitude semble indiquer que la fuite extrêmement diluée du SARS-CoV-2 est plus dangereuse que les risques cumulés de toutes les infections nosocomiales. Le risque infectieux est étroitement lié à la charge virale et le principe de dilution est un principe fondamental dans la réduction du risque infectieux.

 

Ces éléments sont donc en faveur d’une mise en surpression faible de la salle de soin (15 Pa). Il est important d’éviter une mise en dépression cad une pression inférieure à celle des pièces voisines.

 

Les portes de la salle de soin doivent-elles être ouvertes pour favoriser la dilution de la charge virale ou fermées pour protéger les autres pièces du cabinet ?

 

Le CNO-HAS recommande de maintenir les portes des salles de soins fermées pendant un soin. Nous partageons cette recommandation à la condition qu’il y ait un renouvellement de l’air en continu par CTA ou VMC dans ces salles, ou mieux si les salles sont équipées de système de traitement d’air (filtration ou photocatalyse) en fonctionnement continu. Ces systèmes sont réglés à des puissances de traitement modéré mais continu pour ne pas créer de courants d’air pouvant disperser les aérosols dans toutes les pièces du cabinet.

 

Comment évaluer le renouvellement de l’air intérieur d’un cabinet dentaire ?

 

Des mesures de débits complexes peuvent être réalisées au niveau des points d’entrée et de sortie d’air. Mais plus simplement, il est possible d’utiliser un marqueur de l’activité respiratoire humaine qui est le taux de CO2. La concentration extérieure considérée comme normale se situe entre 350 et 450 ppm. Les valeurs intérieures normales se situent entre 600 et 800 ppm. Le seuil d’alerte critique qui doit déclencher un renouvellement rapide et forcé de l’air se situe à partir de 1 000 ppm de CO2. Il existe de nombreux petits capteurs capables de mesurer avec précision ce paramètre. Il est souvent couplé avec la mesure de température, d’humidité et de particules fines. Le prix d’un capteur de CO2 est inférieur à 50 €.

 

Volume d’une salle de soin

 

Les cabinets dentaires sont des établissements recevant du public (ERP) de 5e catégorie de moins de 20 personnes. Les contraintes réglementaires sur l’accessibilité des personnes en situation de handicap imposent une superficie importante des différentes pièces de circulation des patients. Les salles de soins ne peuvent pas faire moins de 10 m2. Le volume moyen d’une salle sera donc de 24 m3 pour une hauteur minimale sous plafond de 2,4 m. Les locaux professionnels présentent souvent des plafonds techniques qui permettent le passage des fluides et des gaines d’air des centrales de traitement d’air (CTA). Il est important de maintenir une hauteur sous plafond importante pour que le volume total de la salle de soin permette une dilution suffisante des aérosols.

 

La surface minimale d’un cabinet dentaire comportant deux salles de soins est de 60 m2 pour l’ensemble des pièces nécessaires à l’exercice de cette profession en tenant compte de la réglementation concernant le handicap.

 

Les VMC

 

Les ventilations mécaniques contrôlées (VMC) s’opposent à la ventilation naturelle dans son concept. La VMC est un dispositif mécanique destiné à assurer le renouvellement de l’air à l’intérieur des pièces d’un bâtiment et en particulier dans les pièces dites humides (salles de bains, toilettes, cuisine). Depuis 1982, tous les immeubles neufs ou rénovés disposent d’une ventilation mécanique contrôlée qui permet de renouveler l’air intérieur. Elles doivent renouveler l’air d’une pièce de vie trois fois par heure et dans les salles de bains 6 à 9 fois/heure, dans les toilettes 8 à 12 fois par heure et pour une cuisine 6 à 10 fois par heure en position forcée.

 

Ces dispositifs sont donc essentiels en cabinet dentaire, mais il faut veiller à leur nettoyage et à leur révision. Le renouvellement de l’air conseillé en cabinet dentaire est de 10 à 20 fois par heure. Les blocs opératoires doivent renouveler l’air au minimum 16 fois par heure.

 

Traitement de l’air

 

Le principe général d’un dispositif d’épuration de l’air en cabinet dentaire est d’aspirer l’air du local, diminuer la concentration des microorganismes et particules en suspension, et rejeter l’air traité dans le même local. Il s'agit donc d’un fonctionnement en circuit fermé qui n’apporte aucun air frais de l’extérieur. Il est donc essentiel que ces dispositifs soient associés à un système de renouvellement de l’air intérieur par de l’air extérieur selon des volumes définit plus haut.

 

Les épurateurs d’air utilisent des techniques de piégeage (filtre HEPA) ou des techniques d’oxydation ou de destruction ou des techniques combinées (Firquet Swan, 2014). Contrairement à d’autres pays, il n’existe pas en France de recommandations claires et précises au sujet des épurateurs d’air et de l’aérocontamination en dehors du secteur hospitalier. Cependant il n’est pas imaginable de ne pas maîtriser notre activité de soins et les risques associés sans apporter une réponse satisfaisante à la gestion des aérosols et de l’air des salles de soins. La réduction de la production des aérosols et l’utilisation de la fenêtre entre chaque patient à risque ne sont pas une réponse satisfaisante et réaliste.

 

Filtre HEPA

 

La filtration de l’air est la méthode la plus fréquemment utilisée chaque fois qu’un air propre doit être obtenu. Cette méthode est utilisée pour la gestion de l’air des blocs opératoires, des salles blanches, des postes de sécurité microbiologique (PSM). L’objectif de la filtration est de faire chuter la concentration en particules aéroportées (particules inertes, microorganismes et polluants). Il existe différentes catégories de filtres en fonction de leur efficacité.

 

La classification des filtres (Fig. 7)

 

Il existe deux normes principales sur lesquelles s’appuie la classification des filtres : la norme ISO 16 890 (qui remplace la norme EN 779.2012) concerne les filtres à moyenne et haute efficacité, et la norme EN 1822 qui concerne les filtres à très haute efficacité (EPA, HEPA et ULPA).

 

Dans le domaine du traitement de l’air vis-à-vis des aérocontaminants, les filtres de référence les plus utilisés sont les filtres HEPA (filtre à très haute efficacité) ou ULPA (filtre à très faible pénétration) capable de tenir plus de 99,95 % des virus, bactéries, spores, moisissures, présentes dans l’air.

 

Les filtres HEPA sont des filtres à air de très haute efficacité. HEPA est l’acronyme de High Efficiency Particulate Air. Ils filtrent à chaque passage 99,97 % des particules d’un diamètre supérieur ou égal à 0,3 mm.

 

Fig 7 - Classification des filtres selon la norme EN 1822 (2010)

Dans le cadre de la mise en place de mesures de protection en cabinet dentaire vis-à-vis de virus aérocontaminants, le choix de filtres adaptés à ce risque correspond à la norme HEPA H13 au minimum et HEPA H14 au mieux. Ces filtres HEPA H13 et H14 peuvent filtrer des gouttelettes et des particules sèches d’une taille inférieure au micron qui échappent aux masques médicaux.

 

Le bon positionnement des purificateurs à filtre HEPA dans la pièce est essentiel à son efficacité. Le purificateur doit être placé à hauteur de respiration des occupants de la pièce. Il faut éviter les objets devant le flux pouvant créer des turbulences. Il ne faut pas utiliser les purificateurs comme un ventilateur pour éviter de déplacer le nuage aérosol dans la pièce et ainsi contaminer d’autres personnes.

 

Les purificateurs d’air à filtre HEPA H13 associé à une bonne ventilation entre 6 et 15 volumes/heure en air propre extérieur sont des moyens efficaces de lutte contre les risques de contamination indirecte. Ces dispositifs ne peuvent pas protéger contre les contaminations directes comme les conversations sur des courtes distances.

 

Oxydation par photocatalyse

La photocatalyse utilise l’absorption d’un photon pour former des radicaux libres. Ces radicaux libres peuvent réagir avec des composés présents autour d’eux pour les dégrader ou se recombiner à d’autres composés. Cette technologie a été développée au Japon dans les années 70. La photocatalyse est utilisée dans le monde entier depuis les années 90 dans le traitement de l’eau, de l’air et dans le secteur de la construction. La photocatalyse est utilisée pour éliminer les composés organiques volatiles (COV), les microorganismes (bactéries, virus, levures), les polluants organiques et non organiques et les odeurs.

 

La technologie de la photocatalyse utilise des particules de dioxyde de titane (TiO2) activé par des rayonnements UV-C. Dans un système photocatalytique, les particules, gaz polluants et les microorganismes sont détruits suite à une série de réactions chimiques avec les molécules d’air à la surface d’un catalyseur (généralement des tubes d’oxyde de titane TiO2), celui-ci étant lui-même activé par un rayonnement lumineux (UV-C pour l’oxyde de titane).

Les résultats de cette réaction de photocatalyse produisent de l’eau (H2O) et du dioxyde de carbone (CO2). Les fabricants annoncent des rendements de purification pouvant atteindre 74 grammes par jour de COV.

 

Ce procédé est particulièrement Intéressant. Mais il reste difficile d’évaluer la réduction des contaminations et l’innocuité des dispositifs en l’absence de normes en France sur le traitement de l’air par photocatalyse. (ANDEME, 2017)


 

Tube UV-C

Les ultraviolets, également appelés lumière noire, sont des rayonnements électromagnétiques dont les longueurs d’onde sont inférieures à celle de la lumière visible, et supérieures à celle des rayons X. Elles se situent entre 100 et 400 nm.

Les UV sont divisés en trois catégories en fonction du niveau énergétique : A, B et C.

Seuls les UV-C nous intéressent dans le domaine du traitement de l’air. Les UV-C se situent entre 280 nm et 100 nm (Fig. 9). Ce sont les UV les plus énergétiques, donc les plus nocifs. Mais ils sont massivement bloqués par la couche d’ozone et n’atteignent que très rarement la terre. Depuis quarante ans cependant, les lampes UV-C, et plus récemment les LED, sont utilisées en laboratoire de recherche pour leurs effets germicides et mutagènes sur les acides nucléiques. Les UV-C sont fortement absorbées par les protéines, l’ARN et l’ADN. Ces lampes à UV-C permettent de stériliser les hottes à flux laminaire, les salles de manipulation de l’ARN. Mais depuis quelques années, de nouveaux dispositifs apparaissent : module photovoltaïque de traitement d’eau, dispositif de stérilisation, photoréacteur, système de purificateur d’air, désinfection de l’eau des units dentaires...

Les UV-C ont une action virucide particulièrement marquée sur les virus à ARN enveloppés. Les acides nucléiques du virus absorbent les longueurs d’onde entre 210 nm et 310 nm avec un maximum à 260 nm. Les lampes à vapeur de mercure et à basse pression produisent un pic de radiations à 253,7 nm, qui est très proche de la longueur d’onde biocide optimale. L’énergie apportée par les UV-C est absorbée au niveau des bases azotées des nucléotides. Cette interaction crée des liaisons covalentes fortes entre des nucléotides adjacents. Ces liaisons de forte énergie déforment la structure du génome virale et rendent la réplication impossible (Firquet, 2014).

Fig 9 - Spectre des longueurs d’onde de la lumière.
Place du rayonnement UV.


Le traitement physique de l’air par ultraviolet utilise une longueur d’onde spécifique de 254 nm dans la gamme des UV-C, qui crée des dommages importants dans les cellules au niveau du matériel nucléique (ADN ou ARN). Cette interaction permet la destruction des micro-organismes par destruction du matériel génétique. Le SARS-CoV-2 est fortement sensible à ce type d’irradiation (Kowalski, Walsh, Petraitis, 2020). Ce principe impose de nombreuses contraintes : une installation par un spécialiste, de la sécurité car il faut s’assurer que personne n’est dans la pièce pendant l’émission des UVC (extrêmement toxiques). Les UV ne sont pas pénétrants, et agissent en surface. La décontamination de tout organisme à ARN/ADN pénétré par les photons est très rapide dans la zone d’efficacité (puissance/distance). Il faut cependant évoquer les risques de dégradation des surfaces exposées, notamment des matériaux synthétiques comme le skaï ou les plastiques. Ces nombreuses limitations rendent complexe et délicate leur utilisation au quotidien. Cependant l’American Medical Association recommande l’utilisation de lampe germicide UV-C pour gérer l’air des cabinets de soins (Nardell et col., 2020).

Quelques exemples de lampes germicides utilisant des UV-C :

- Socimed, modèle YL-10A ou 10B

- DentaCools, chariot de stérilisation OEPE 300w

- Honle UV technology

- Abiotec technology UV

 

Air d’aspiration chirurgicale

Le contrôle des aérosols impose l’utilisation d’une aspiration chirurgicale efficace chaque fois que nous produisons par nos actes un aérosol. La canule d’aspiration devra se situer le plus près possible de la zone de production de l’aérosol pour limiter sa diffusion. Les aspirations chirurgicales rejettent le plus souvent l’air aspiré dans la pièce où sont placés les moteurs. Les aspirations proposées par les marques leader du marché européen disposent toutes de filtre en sortie (Fig. 10).

Fig 10 - Filtres utilisés dans les aspirations chirugicales de Dürr Dental (Source : Carole Leconte)

L’air rejeté par l’aspiration doit être traité par un filtre à haute efficacité type HEPA (H13 au minimum). Ce filtre doit être changé régulièrement en respectant les préconisations du fabriquant. Il faut s’assurer que l’air n’est pas rejeté dans une pièce occupée par du public, patient ou soignant ou dans la pièce du compresseur s’il n’est pas équipé d’un filtre HEPA H13.

Il existe de nombreuses marques qui proposent des aspirations chirurgicales efficaces :

- Dürr Dental,

- Quetin,

- New Hospivac 400,

- Luzzani Dental,

- Meunier Carus Medical (DSA Sspi-7).

 

Air de moteur de compresseur

L’air produit par un compresseur pour alimenter les instruments pneumatiques du cabinet dentaire constitue un facteur important à prendre en compte dans le contrôle des microorganismes aérocontaminants.

 

Certains constructeurs utilisent dans les cuves d’air comprimé des revêtements contenant des particules d’argent pour bloquer le développement des microorganismes. Ces revêtements antibactériens contribuent à obtenir un air microbiologiquement propre. Des filtres sont également utilisés en prise d’air par le compresseur et en évacuation. Plusieurs catégories de filtres sont disponibles : filtre poussières et pollens, filtre bactéries, filtres virus. Les filtres les plus performants sont souvent proposés en option par les fabricants.

 

Dans le cadre du contrôle de la transmission des virus impliqués dans les pathologies respiratoires, seuls les filtres HEPA H13 ou H14 sont recommandés. Ces filtres doivent être changés tous les ans au minimum.

 

Conclusion

 

La gestion de l’air de nos salles de soins s’appuie sur les principes généraux de traitement de l’air : chauffage ou refroidissement, humidification ou déshumidification, filtration et renouvellement. Les actes de soins réalisés en cabinet correspondent à un niveau de risque 2 qui correspond à un niveau de brassage de l’air de 15 20 V/heure avec un flux d’air non directionnel. Le taux de CO2 est un marqueur simple qui permet un contrôle efficace de la qualité de l’air intérieur.

Le traitement physique de l’air par l’utilisation de tube germicide à UV-C peut être efficace mais il présente des contraintes qui limitent l’intérêt. La photocatalyse semble un procédé plus intéressant dans la gestion de l’air et des aérosols en cabinet dentaire malgré l’absence de normes sur ce procédé en France.

Il est indispensable d’intégrer dans cette réflexion le compresseur et l’aspiration chirurgicale.

Nous devons réussir à maîtriser notre environnement de soins vis-à-vis des aérocontaminants pour protéger patients et équipes de soins sans être dépendant de l’ouverture d’une fenêtre.

Il est hautement probable que d’autres crises sanitaires liées à des virus respiratoires émergeant perturberont à court terme le fonctionnement de nos sociétés. Gérer l’air et les aérocontaminants est une nécessité pour rester des acteurs de santé opérationnel dans le nouveau contexte épidémique et malgré ces crises à venir.

 

Bibliographie

-          ADEME Rapport projet ETAPE (Evaluation de l’innocuité des systèmes de traitement de l’air par photocatalyse (mars 2017).

-          CNO-HAS. Guide soignat : Recommandation d’experts pour la prise en charge des patients nécessitant des soins bucco-dentaires en période de déconfinement dans le cadre de l’épidémie de Covid-19. Version 3 du 15 juillet 2020.

-          Centers for Disease Control and Prevention. Guidelines for Environmental Infection Control in Health-Care Facilities. US Dept of Health and Human Services Centers for Disease Control and Prevention. 2003. Updated July 2019. Accessed May 28, 2020. https://espanol.cdc.gov/infectioncontrol/pdf/guidelines/environmental-guidelines-P.pdf

-          Firquet Swan. Inactivation virale par méthodes physiques. Thèse d’Université en Bactériologie-Virologie-Hygiène. ED Biologie Santé de Lille. Université Lille 2. 17 décembre 2014.

-          Kowalski, Wladyslaw, Thomas Walsh, and Vidmantas Petraitis. 2020. 2020 COVID-19 Coronavirus Ultraviolet Susceptibility. https://doi.org/10.13140/RG.2.2.22803.22566

-          Nardell EA, Nathavitharana RR. Airborne Spread of SARS-CoV-2 and a Potential Role for Air Disinfection. JAMA. 2020;324(2):141–142. doi:10.1001/jama.2020.7603

-          Santarpia, J.L., Rivera, D.N., Herrera, V.L. et al. Aerosol and surface contamination of SARS-CoV-2 observed in quarantine and isolation care. Sci Rep 10, 12732 (2020). https://doi.org/10.1038/s41598-020-69286-3