Vous avez certainement entendu parler de ce confrère qui, dans les Vosges, a fait de sa spécialité le sport extrême de la chirurgie dentaire à savoir les
implants zygomatiques !
Mais est-ce que vous saviez qu’il vaut mieux être son correspondant et ami plutôt que son adversaire ?!
Du ring au bloc opératoire, des gants de boxe aux gants en latex, découvrez une personne exceptionnelle que Julien Biton a rencontrée pour ce numéro clin
d’oeil JO !
AONews. Ma première question est toujours la même, qui est Sepehr Zarrine et quel est son parcours ?
Sepehr Zarrine. Un garçon passionné qui veut être heureux, profiter de chaque instant, vivre à fond un million de choses, vivre libre, qui
veut apporter de la joie autour de lui, protéger ceux qu’il aime, défendre les plus faibles, un compétiteur, qui n’abandonne jamais, un mental de guerrier, sensible qui pleure devant des films ou
des dessins animés, mais très dur face aux épreuves de la vie. Bouillonnant mais très calme quand tout s’agite !!! La vie est un film qui doit être intense, passionnant et être à la hauteur du
rôle qui nous a été donné. Je suis boxeur et chirurgien.
Ceinture noire de kung-fu que j’ai pratiqué pendant 15 ans, où j’ai fait un passage en équipe de France combat. Je me suis ensuite tourné vers les sports de combat et j’ai boxé en professionnel en boxe thaï, kick boxing et full-contact. Tout ça en parallèle des études de chirurgie dentaire, puis des
« spécialisations » en chirurgie, implantologie, réhabilitations complexes… puis du travail.
J’ai gagné une ceinture mondiale en kick boxing en 2005, en étant le challenger dans une soirée devant le prince de Dubai, J’ai gagné beaucoup de combats, perdu d’autres, comme la ceinture
mondiale en full-contact le jour de mes 30 ans. J’ai gagné une nouvelle ceinture en boxe thaï en 2014. Je n’ai pas encore arrêté, je resterai combattant toute ma vie.
AON. La chirurgie dentaire c’était une évidence ou le hasard complet ?
SZ. Je dois dire que pour l’évidence, c’était le sport de haut niveau. Les études c’était assurer un avenir. Vis-à-vis de ma famille, je
devais étudier. La médecine m’a toujours attiré et surtout la chirurgie. J’ai réussi le concours la première année, j’ai continué en dentaire et découvert la chirurgie orale, l’implantologie, et
là c’est l’évidence, le regroupement de la chirurgie orthopédique,
esthétique, orale et implantaire.
AON. Avez-vous eu des mentors ? Peut-être en avez-vous encore, et que vous ont-ils apporté ?
SZ. Je dirais que je n’ai jamais eu de relation maître disciple. En revanche, il y a eu des personnalités exceptionnelles que j’ai
rencontrées, et qui m’ont apporté un élément sur une technique particulière de greffe, une expérience particulière, les réhabilitations complexes. Avec leurs temps, leurs mots, ça a modifié ma
carrière, l’impact est net. Mon principal mentor n’est pas du domaine médical, c’est mon entraîneur et ami Orlando Wiet avec un parcours de combat exceptionnel. C’est lui qui m’a pris sous ses
ailes, il m’a transmis des clés, de la maturité, de la gestion du stress, le comportement avec les gens, le mental. Cela a eu un impact sur ma vie professionnelle qui n’est même pas calculable.
AON. Vous êtes et vous avez été sportif de haut niveau en boxe, dans différentes disciplines, qu’est-ce que la boxe vous a apporté dans votre vie
?
SZ. Il faut vraiment ne pas comparer le haut niveau et le sport d’entretien. Le sport professionnel va au-delà des limites, tout est poussé
tellement loin et tellement fort que la santé passe en dernier. On combat blessé, on s’entraîne blessé parfois, ça va à l’encontre du bon sens et de la santé, quel que soit le sport professionnel
d’ailleurs. Mais ça m’a apporté doublement. D’un côté, le fait que soit professionnel, et de l’autre le fait que ça soit des sports de combat. Une détermination poussée au-delà de la fatigue, le
surpassement. C’est un niveau de stress inimaginable. Normalement le corps ne peut pas supporter ça. J’ai déjà combattu en ayant des côtes cassées dès le premier round et j’ai terminé le combat.
Cela demande une détermination incroyable, voilà ce que ça m’a apporté.
Cela m’a permis d’avoir la carrière en chirurgie que j’ai aujourd’hui. Le fait d’être capable de travailler jusqu’à 18h par jour, enchaîner des chirurgies très longues en ayant la même
concentration. Ne pas subir le stress et la fatigue de la chirurgie, être constant avec ses équipes.
Dormir peu, continuer à travailler à la maison sur les conférences, les articles. Et tout ça sans subir, sans ressentir la fatigue. Mais cela a été extrême tant sur le parcours de combattant que de chirurgien.
AON. Vous avez un exercice tourné vers la chirurgie, autour des implants zygomatiques… on peut dire que c’est un peu la boxe thaïe de l’implantologie !
Est-ce que rentrer au bloc c’est comme rentrer sur un ring ?
SZ. En effet ma pratique est portée sur les réhabilitations très complexes depuis longtemps, situation où il y a très peu d’os. Chez moi les
implants zygomatiques sont utilisés au quotidien. La comparaison que je ferais c’est par rapport au défi à relever. Il faut énormément de discipline pour relever ces défis qui sont extrêmes, et
j’aime ça.
Je vais surprendre mais non le bloc n’est pas un ring. Mais gérer son stress, ne pas se laisser déborder par la chirurgie ou la complication, c’est comme dans un ring : il faut être serein du
début à la fin, concentré à 100 % et surtout être capable de réagir par instinct car il y a eu des heures et des heures d’entraînement, et des heures et des heures de chirurgie.
Maintenant sur un ring le combat est contre quelqu’un, là en chirurgie c’est pour amener du bonheur à quelqu’un.
AON. Est-ce qu’un patient c’est un partenaire ou un adversaire ? J’ai en tête cette image deux boxeurs qui passent 30 minutes à se taper dessus pour se
tomber dans les bras à la fin, c’est pareil avec le patient ?
SZ. Évidemment mon équipe du cabinet et le patient sont mes partenaires. Le patient doit être partie prenante de sa chirurgie et surtout pas
adversaire. En effet cette image des deux adversaires à la fin du combat, veut montrer l’immense respect pour le temps passé à l’entraînement et le combat. Avec le patient ça arrive souvent qu’il
y ait des émotions très fortes : par exemple se prendre dans les bras parce qu’on les a aidés à surmonter leur stress.
Tout est sous anesthésie locale, donc le patient est acteur, il doit aller au-delà de son stress, ses craintes, ses mauvais souvenirs… Le patient ressent le fait d’avoir réussi à surmonter une
épreuve dont il ne se croyait pas capable. En plus il attend en général depuis longtemps des dents fixes ce qui lui permet de retrouver une vie sociale normale.
AON. Notre métier est souvent connoté comme un des métiers les plus stressants. Il y a beaucoup de burn-out. Est-ce que le sport est un élément clé du
bien-être malgré les défaites ? Comment pourriez-vous motiver nos lecteurs qui cherchent peut-être à se sentir mieux ?
SZ. Dans le sport professionnel on doit réussir à accepter la défaite et à se relever. Mon entraîneur m’a dit à mon premier combat :
attention il y a des victoires très difficiles à gérer. Il avait raison, parfois une victoire peut faire très mal, le statut, la réussite peut vous affecter, augmenter votre stress, diminuer
votre motivation à vous entraîner. Comme en chirurgie ne pas prendre la grosse tête car on a réussi telle ou telle chose.
Maintenant j’encourage tous les lecteurs à faire du sport amateur car le professionnel ne fait pas de
bien à la santé. Mais le sport permet d’entretenir le corps et la tête. On peut sortir le stress que l’on a accumulé. L’esprit doit se détacher. Si pendant sa pratique sportive,
on a l’agenda, les patients, les gestes dans la tête alors ce n’est pas bon du tout ! Le corps doit se défouler, le stress doit s’extérioriser, le mental doit décrocher comme en méditation
finalement. Tout simplement pour que lorsque l’on revient dans l’état de conscience on puisse voir de manière détachée et d’un nouvel oeil, trouver de nouvelles solutions.
Avoir un groupe ou un entraîneur permet de ne plus penser à son quotidien, car on nous pousse à aller plus loin, à ne plus réfléchir. Être dans le moment présent.
AON. Vous êtes un conférencier reconnu, est-ce que c’est un exercice que vous aimez ?
SZ. J’adore avoir plusieurs casquettes, j’adore ce
métier. J’aime partager mon expérience, mes connaissances et par la même occasion c’est un stress différent. Une prise de parole en public c’est être performant dans des détails car ils seront présentés sur scène. Être sur un podium, comme on pourrait être sur un ring, il faut prendre du plaisir. Pour ça il faut se dépasser au quotidien dans sa pratique. En plus de ça cela casse le rythme du quotidien on sort de sa zone de confort. Être multi-casquettes ça me plaît !
AON. Comme je n’ai pas tous les jours l’occasion de parler à un boxeur
pro je vais vous poser une question peut être plus intime. De quoi un boxeur a-t-il
peur ?
SZ. Je ne vais pas généraliser, mais pour moi, une grande peur, c’est la
maladie ou la mort de mes proches et de ceux que j’aime. Tout le reste ne me fait pas peur, tout ce qui est matériel ne
me fait pas peur. Je pourrais quand même rajouter la peur du temps qui passe…
AON. Quel sport allez-vous regarder sans aucun doute durant les JO ?
SZ. Autant que ça puisse surprendre, pas les sports de combat mais plutôt
quelques matchs de baskets, de foot et la finale du 100 mètres évidemment !
AON. Si vous aviez la possibilité de changer les choses que feriez-vous
différemment dans votre
parcours ?
SZ. Que ça soit dans mon parcours professionnel en combat ou en chirurgie
je ne changerais ni les hauts ni les bas, ni les victoires ni les défaites c’est ce qui m’a construit. En revanche,
j’ouvrirais encore plus grand les yeux pour profiter et savourer.