Le forage ostéodensificateur en implantologie : intérêts, indications et limites

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Présentation des forets ostéodensificateurs Densah

 

Le forage ostéodensificateur est un forage permettant l’ostéodensification du lit implantaire par un compactage latéral et apical du tissu osseux. Les forets standards utilisés en implantologie sont conçus pour percer l’os afin de créer l’espace où poser l’implant. Le principe des forets ostéodensificateurs est différent. Il ne s’agit pas de couper l’os mais de compacter et autogreffer simultanément le tissu osseux dans des directions s’étendant vers l’extérieur à partir de l’ostéotomie. Le kit d’ostéodensification est composé d’un foret pilote de 1,5mm de diamètre moyen et douze forets cylindro-coniques, de diamètres moyens compris entre 2,0 et 5,5mm. Ils permettent de réaliser des ostéotomies pour des implants coniques et cylindriques tous les diamètres. Ils doivent être utilisés avec une irrigation abondante par le même mouvement de rebonds-pompage que les forets standards, à vitesse élevée, entre 800 et 1500 tr/min avec plage de couple de 5 à 50 Ncm. Ils ont une action de coupe quand ils sont utilisés dans le sens horaire et une action de densification dans le sens anti-horaire.

Fig. 1 : Foret ostéodensificateur Densah ® et action selon le sens de rotation (selon le mode d’emploi du fabricant)


 

Indications d’utilisation des forets ostéodensificateurs (selon le fabricant)

  • Densification avant pose d’implant pour augmenter la stabilité primaire implantaire
  • Expansion de crête latérale
  • Expansion de crête verticale

L’objectif de cette thèse est d’évaluer les indications, l’apport réel de cette technique d’ostéodensification par rapport aux techniques déjà existantes et ses limites. Cette revue de la littérature devra déterminer si la stabilité primaire implantaire est significativement augmentée par rapport au forage conventionnel et aux autres méthodes décrites dans la littérature et permettra de discuter de l’utilisation de l’ostéodensification dans les situations d’expansion osseuse par rapport aux techniques existantes.

 

Matériel et méthodes

 

Une revue de la littérature scientifique a été réalisée. Les mots clés utilisés dans les bases de données habituelles sont « osseodensification » et « osseocondensation ».

 

Critères d’inclusion : 

  • l’article doit être rédigé en anglais ou en français,
  • l’implantologie dentaire constitue la finalité du forage,
  • au moins une des variables suivantes étudiées : ITV (torque d’insertion implantaire), RTV (torque de retrait implantaire), ISQ (implant stability quotient), Periotest value, BIC (bone to implant contact), BAFO (bone area fraction occupancy), distance d’expansion osseuse verticale, distance d’expansion osseuse horizontale.

Critères d’exclusion : 

  • forage pour implants non dentaires,
  • étude de la cicatrisation osseuse n’utilisant pas le forage implantaire comme critère,
  • étude du forage pour mini-implant orthodontique,
  • exclusion des case reports pour cause de faible validité statistique, 
  • manque de rigueur et flou dans la méthode expérimentale

 

Ostéodensification VS forage conventionnel

 

Stabilité primaire 

 

10 études comparent la stabilité primaire d’implants posés par ostéodensification par rapport au forage conventionnel. 8 études réalisées in vitro et in vivo montrent une supériorité significative du forage ostéodensificateur. 1 étude ex vivo montre une supériorité du forage conventionnel. Dans l’étude clinique de Sultana et al. (2020)1 qui est une étude prospective comparative sur 20 implants (10 OD et 10 conventionnels), l’ISQ est significativement supérieur pour l’ostéodensification à J0.

🡪 Il est possible que le forage ostéodensificateur permette d’augmenter la stabilité primaire des implants, mais le manque de puissance des études de la littérature actuelle ne permet pas de conclure définitivement.

 

Ostéointégration

 

In vivo et in vitro, les résultats des études sur l’ostéointégration sont contradictoires. L’étude clinique de Sultana et al. (2020)1 conclut à une absence de différence significative pour l’ISQ à 6 mois. Sept études cliniques rapportent des taux de survie entre 3 et 6 mois supérieurs à 90%.

Fig. 3 : Evolution des ISQ d’implants posés par ostéodensification et forage conventionnel dans l’étude de Sultana et al.1

 

🡪 Les analyses histologiques in vivo laissent observer des modifications de l’architecture du lit osseux implantaire. Des études cliniques approfondies permettront de déterminer leur impact sur la perte osseuse péri implantaire à long terme et la survenue éventuelle de péri implantite.

Un intérêt majeur de l’ostéodensification étant l’extension des indications de mise en charge immédiate dans les os peu denses, il faudrait également réaliser des études cliniques afin de confirmer la viabilité des prothèses implantaires posées en mise en charge immédiate via ce système.

 

Fig. 4 : BIC mesurés par Slete et al. pour le forage conventionnel(SD), les ostéotomes(SO) et l’ostéodensification(OD)2

 

Ostéodensification VS ostéotomes

 

2 études comparent OD et ostéotomes. Les paramètres des stabilités primaire et secondaire sont plus élevés pour l’OD2,3. Il semble que la supériorité du forage ostéodensificateur est due à la condensation osseuse qui concerne l’ensemble du lit implantaire, tandis que l’utilisation d’ostéotomes ne l’induit que dans l’aire périapicale implantaire en laissant les murs latéraux inchangés (Kold et al. 2003; Peñarrocha et al. 2001).

🡪 Ces études sont toutefois de faible niveau de preuve puisque réalisée in vivo et in vitro sur des échantillons très faibles d’implants.

 

Ostéodensification VS sous-forage

 

Le sous-forage fait partie intégrante du protocole d’ostéodensification puisque le foret final utilisé est de diamètre moyen de 0,5 à 0,8mm moindre que le diamètre implantaire.

Une seule étude compare OD et sous forage. Des scores significativement supérieurs sont trouvés pour tous les paramètres de stabilité primaire pour le sous-forage seul par rapport à l’ostéodensification (Sultana et al. 2020)1. L’auteur explique ce résultat par le fait que les diamètres des forets systémiques engendrent un sous forage plus marqué que les forets ostéodensificateurs (17,07% contre 14,63%) du fait que leurs formes et diamètres soient différents, ce qui engendre un BIC supérieur pour le sous-forage seul.

🡪Le forage ostéodensificateur ne semble pas augmenter la stabilité primaire implantaire par rapport au sous-forage implantaire. Des études cliniques comparatives à long terme seraient intéressantes pour comparer la survie implantaire d’implants posés par sous forage et par ostéodensification, et comparer également l’intégration des prothèses sur implants en mise en charge immédiate par le biais de ces deux techniques.

Ostéodensification et expansion osseuse horizontale

Le forage ostéodensificateur aurait l’avantage d’être très peu invasif par rapport aux techniques de régénération osseuse guidée via greffes issues de prélèvements autogènes. Cela réduit aussi considérablement les coûts aussi bien économiques, en temps opératoire, morbidité et de durée du traitement du fait des temps de latence imposés par les délais incompressibles de cicatrisation qui font suite à ces chirurgies plus invasives. Elle présente également l’avantage d’être plus facilement reproductible et moins opérateur-dépendant que les techniques chirurgicales de réhabilitation pré-implantaires.

Les trois études de la revue sur l’expansion horizontale montrent que l’expansion d’une crête de largeur coronaire initiale de plus de 3mm est possible en utilisant les forets ostéodensificateurs. In vivo l’expansion obtenue par les forets ostéodensificateurs suite à un clivage alvéolaire est supérieure à l’expansion obtenue par les ostéotomes et cette technique est préconisée par le fabriquant pour les crêtes de 3-4mm. Pour autant, les 2 études cliniques menées ont obtenu des résultats satisfaisants pour des crêtes de plus de 3mm sans clivage préalable.

Aucun article ne traite de l’expansion alvéolaire via ostéodensification en ROG préimplantaire alors même que le fabricant préconise cette technique d’expansion en chirurgie préimplantaire pour les crêtes de largeur inférieure à 3mm. Par ailleurs, les recommandations du fabricant concernant l’utilisation des forets dans les indications d’expansion alvéolaire ont évolué entre 2016 et 2020. En 2016, le clivage alvéolaire n’avait pas d’indication, les forets ostéodensificateurs étaient préconisés pour les crêtes supérieures à 3mm et la ROG pré-implantaire pour les crêtes inférieures à 3mm.

🡪Les études de la revue sont d’un faible niveau de preuve, on ne peut donc pas conclure définitivement à une supériorité des forets ostéodensificateurs sur les ostéotomes pour les expansions de crêtes de largeur supérieure à 3mm. Il faudrait pour conclure définitivement un essai contrôlé randomisé avec un échantillon large et des informations précises sur les états de santé des patients dans chaque groupe et la situation initiale des crêtes. Pour les crêtes de moins de 3mm, les forets ostéodensificateurs ne trouvent pas d’intérêt dans la littérature3,4.

 

Ostéodensification et expansion osseuse verticale

 

Les méthodes traditionnelles pour parvenir à l’expansion osseuse verticale sous sinusienne sont l’accès par volet latéral et l’abord par voie crestale avec l’utilisation des ostéotomes dans la technique de Summers. La technique du volet latéral est très invasive et engendre des suites opératoires désagréables, comporte des risques anatomiques tel que la lésion de l’artère antrale ou la perforation de la membrane de Schneider et des risques d’infections post opératoires majorés (Wallace et al. 2007). Dans la technique de Summers la morbidité est diminuée. Mais le manque de visibilité augmente le risque de perforation de la membrane de 24% (Reiser et al. 2001), et les impactions successives et mal contrôlées engendrées par les ostéotomes peuvent provoquer des fractures, des perforations de la membrane et des vertiges positionnels paroxystiques bénins (VPPB) (Toffler et Rosen 2015). 

 

Rappel : il est admis dans la littérature que la technique de Summers est indiquée lorsque la hauteur de la crête est d’au moins 6mm (Romero-Millán et al. 2012; Ferrigno, Laureti, et Fanali 2006). La hauteur initiale de la crête est un facteur prédictif du taux de survie implantaire dans cette technique. Globalement les taux de survie implantaire pour la technique de Summers sont de 90 à 95% avec des suivis de 12 à 18 mois (Toffler 2004; Rosen et al. 1999).

Trois études cliniques traitent de l’ostéodensification dans le cadre d’élévation de plancher sinusien par voie crestale. Les taux de survie implantaires sont satisfaisants (toujours supérieurs à 90% à au moins 6 mois) et un gain osseux est observé dans les trois études5–7, dont celle d’Huwais et al. qui concerne 261 implants.


Fig .5 : Expansion osseuse verticale observée par Huwais et al.

 

🡪Le forage ostéodensificateur semble donc permettre de réaliser des expansions verticales de crête mais les études étant de faible puissance on ne peut pas conclure.

 


Fig. 6 : Pose d’un implant en 27 et extraction implantation immédiate de la 16 après ostéodensification. Implants Biotech Kontact 4,2x8mm en 27 et 4,2x10mm en 16 (Source auteur 2022)

 

Conclusion

 

L’ostéodensification semble donc permettre la mise en place de protocoles peu invasifs concernant l’expansion de crête alvéolaire en largeur et l’élévation de plancher sinusien pour des crêtes peu à moyennement résorbées.

Il est possible que le forage ostéodensificateur augmente la stabilité primaire implantaire par rapport au forage conventionnel et aux ostéotomes. Cela améliorerait ainsi le pronostic d’ostéointégration implantaire dans les os de faible densité, et rendrait donc possible la réalisation de mises en charges immédiates dans ces situations. Il est regrettable qu’aucune étude ne traite des extraction-implantation immédiates dans les septas molaires. Ce sont des situations dans lesquelles il est difficile d’obtenir une stabilité primaire satisfaisante, et dans lesquelles on recherche une expansion horizontale osseuse.

Les indications des forets ostéodensificateurs seront donc essentiellement dans le cadre des expansions de crête moyennement résorbées de largeur horizontale coronaire de plus de 3mm, et dans le sens vertical des crêtes de hauteur supérieures à 4mm, combinée à l’utilisation d’un matériau d’allogreffe pour des hauteurs inférieures à 6mm.

Les forets ostéodensificateurs sont très récents et on a actuellement peu de recul clinique. Des études cliniques avec des suivis à long terme et des niveaux de preuve élevés sont nécessaires pour affiner les indications et les protocoles et éventuellement démontrer une supériorité sur les techniques existantes.