Ostéotomie transversale

Georges Khoury et Romain Régnier

Dossier spécial : la mandibule atrophiée

AONews #15 - Décembre 2017


Dr Georges Khoury et Romain Régnier (Paris)

Télécharger
Ostéotomie transversale AONews #15
Ostéotomie transversale G. Khoury R.Régn
Document Adobe Acrobat 808.1 KB


La notion d’expansion de crête a été introduite par Tatum dans les années 1970. Il s’agit d’une déformation osseuse avec fracture spontanée non contrôlée de la table vestibulaire. Initialement réalisée avec un lambeau de pleine épaisseur, Tatum proposera très rapidement une modification sans lambeau ou avec un lambeau d’épaisseur partielle. L’objectif étant de préserver la vascularisation de la table osseuse vestibulaire fracturée.

 

L’ostéotomie transversale poursuit le même objectif avec une approche différente, qui permet de réaliser des clivages et des fractures osseuses contrôlés. Il convient de discerner l’ostéotomie transversale de la distraction alvéolaire transversale (Milinkovic et al. 2014). Cette dernière, anecdotique, impose l’usage d’un distracteur qui permet de guider progressivement l’ouverture de l’espace médullaire. Contrairement à l’ostéotomie, elle ne permet pas la pose d’implant simultanée.

 

L’ostéotomie permet, selon certaines études, une correction d’épaisseur de plus de 5 mm en moyenne (Scarano et al. 2016). La pose d’implants est généralement réalisée dans le même temps opératoire. La stabilité du segment translaté est obtenue par les vis d’ostéosynthèse vestibulaires et les implants dans l’espace médullaire. L’espace résiduel est comblé par des biomatériaux associés ou non à une membrane.

 

Avantages

  • Technique efficace, sûre et peu invasive avec des taux de réussite très favorables (Jamil et al. 2017).
  • Un seul site d’intervention, d’où l’absence de morbidité d’un site donneur (Altiparmak et al. 2017).
  • Un seul temps opératoire possible (pose simultanée des implants) diminuant la durée de traitement global.
  • Ouverture des espaces médullaires permettant une bonne vascularisation du site augmenté.
  • Possibilité de sur correction du volume osseux vestibulaire par ROG de complément.

 

Inconvénients

  • Correction ne concernant que l’épaisseur de la crête.
  • Incapacité de correction de l’axe osseux initial.
  • Ancrage primaire faible des implants en apical, majoritairement obtenu par le serrage des vis d’ostéosynthèse.
  • Difficulté de pose d’implant simultanée pour un implant unitaire.

 

Etat de la littérature sur le succès à court terme

 

De nombreux auteurs mettent en avant la fiabilité de cette technique. Dans l’étude de Scarano et al. (2016) par exemple, l’épaisseur initiale dans la partie la plus coronaire de la crête est comprise entre 2.3 et 4.1 mm. L’augmentation d’épaisseur est en moyenne de 5.17 mm (+/- 0.86 mm). Le taux de succès implantaire est de 96.88 % à 3 mois chez 32 patients (64 implants).

 

Jamil et al. (2017) étudient la quantité d’augmentation chez 23 patients (26 sites pour 57 implants). L’épaisseur de crête était initialement comprise entre 1 et 3.5 mm et l’épaisseur finale comprise entre 5.5 et 8 mm. Le gain minimal est de 2.5 mm, et le gain le plus important dépasse les 7 mm. A 4 mois, le taux de survie est de 100 %.

 

Pour Rahpeyma et al. (2013), le gain moyen (concernant 38 sites chez 25 patients) est de 2 mm (+/- 0.3 mm), avec un taux de survie implantaire de 100 % à 6 mois (82 implants). La fracture de la table osseuse vestibulaire doit idéalement être partielle, maintenant ainsi une attache pédiculée au niveau apical. Dans certains cas, elle est totale et complique l’acte chirurgical imposant dans certains cas, une pose différée des implants. Toutefois cette rupture entraîne une grande similitude entre l’ostéotomie et la greffe autologue tridimensionnelle. Toutefois le pronostic est plus favorable du fait de l’opposition du segment cortical à un espace médullaire vascularisé.

 

Chiapasco et al. (2006) comparent les taux de complications des différentes procédures et arrive à la conclusion que le taux de succès de l’expansion alvéolaire est de 98 à 100 %, avec un taux de survie implantaire de 91 à 97.3 %. L’étude de la littérature ne permet pas de connaître les taux de complications par résorption de la table vestibulaire.


 

Technique opératoire

 

L’iconographie ci-jointe permet de suivre « step by step » la procédure chirurgicale.

 

La situation clinique présente une crête mince, avec une gencive fine, peu pourvue en muqueuse kératinisée (Fig. 1). La radiographie panoramique confirme une disponibilité osseuse verticale suffisante (Fig. 2). Après anesthésie conventionnelle para-apicale et/ou tronculaire, un lambeau de pleine épaisseur est réalisé (Fig. 3). Quatre ostéotomies sont effectuées avec des inserts de coupe de piézochirurgie (Mectron) (Fig. 4). La première suivant le sommet de la crête ; les deux suivantes verticales aux dépens de la corticale vestibulaire et à distance du positionnement des futurs implants ; et la dernière corticale stricte, apicalement située dans un axe horizontal. Le guide chirurgical est utilisé afin de valider la position des implants, et par conséquent des futures vis d’ostéosynthèse (Fig. 5).

 

Les inserts sont ensuite passés axialement jusqu’à la hauteur d’expansion décidée. Une mobilisation modérée du segment permet de valider la désinsertion de la totalité de la table concernée. L’ostéosynthèse est alors réalisée avec une ou plusieurs vis. Elle est transcorticale et se situe dans les espaces interdentaires afin de ne pas interférer avec la position terminale des implants.

 

L’ouverture des espaces médullaires permet un afflux sanguin conséquent ce qui aboutit à la formation d’un caillot de qualité, condition indispensable à un remaniement osseux favorable (Fig. 6). Les implants (Anthogyr) sont alors positionnés lors de ce temps opératoire : ils joueront alors le rôle de mainteneurs d’espace entre les deux corticales dissociées (Fig. 7). Une attention particulière doit être apportée afin d’éviter toute effraction du canal alvéolaire par le forage ou une compression par les implants.

 

Des particules de BioBank® sont associées avec l’exsudat des facteurs plaquettaires (A et I-PRF), formant alors une masse homogène et cohésive (Fig. 8). Les espaces laissés libres entre les berges osseuses et/ou les implants sont comblés. Un comblement en périphérie de la paroi vestibulaire est nécessaire afin de permettre son remodelage en limitant sa résorption (Fig. 9). La fermeture du site augmenté nécessite la relaxation des tissus mous afin de suturer sans tension (Fig. 10).

 

Certains auteurs proposent d’interposer un greffon afin de maintenir l’espace entre les corticales. Néanmoins cette technique nécessite de différer la pose des implants. La radiographie post-opératoire objective les traits de fracture (Fig. 11). La saillie de la vis en sous-muqueux traduit un remodelage de régénération périphérique (Fig. 12). Le contrôle radiologique à 4 mois montre un remodelage osseux et la disparition des traits de fracture (Fig. 13). La tomodensitométrie en coupe axiale, objective la position tridimensionnelle des implants par rapports aux vis d’ostéosynthèse (Fig. 14). Les coupes transversales (Fig. 15 a, b, et c) montrent un volume osseux vestibulaire maintenu après le remodelage osseux.

 

La réentrée à 4 mois montre la bonne intégration des biomatériaux et des implants (Fig. 16). Le suivi radiologique à X mois montre la stabilité osseuse qui présente une forte corrélation avec la connectique prothétique et sa réalisation.

 

Suivi à court, moyen et long terme

 

Altiparmak et al. (2017) comparent les complications et les taux de survie implantaire en cas de défaut transversal corrigé soit par ostéotomie (28 patients), soit par greffe d’apposition (28 patients). Les résultats ne montrent pas de différence statistiquement significative que ce soit au niveau des taux de survie implantaire (92 % pour les greffes et 100 % pour les ostéotomies) ou au niveau des complications.

 

Bassetti et al. (2016), dans une revue de littérature, analysent le bénéfice qu’apporte une ROG en complément de la technique d’expansion/ostéotomie : les taux de survie des techniques d’expansion vont de 91.7 % à 100 % en fonction des études, et les taux de succès de 88.2 % à 100 %. Il convient néanmoins de noter que plusieurs études retenues révèlent des pertes osseuses crestales. Celles-ci peuvent être minorées par une ROG additionnelle afin de préserver la hauteur et l’épaisseur de crête. Certains auteurs (dont Stricker et al. 2014, Ella et al. 2014) proposent, afin de réduire la résorption consécutive à l’ostéotomie, d’adjoindre un biomatériau latéralement ce qui semble stabiliser le volume osseux et assure la longévité des implants.

 

Indications

  • Augmentation exclusive de l’épaisseur de la crête résiduelle.
  • Corticales vestibulaire et linguale non-soudées.
  • Epaisseur minimale de 3 mm (l’utilisation de piezotomes, associés à une ROG, permet néanmoins l’exploitation de crêtes plus fines).
  • Adéquation axes osseux / axes prothétiques.

 

Contre-indications

  • Hauteur de crête insuffisante.
  • Inadéquation axes osseux / axes prothétiques.
  • Soudures corticales traduisant une insuffisance de vascularisation.

 

Conclusion

 

L’ostéotomie transversale est une technique éprouvée et fiable de clivage de l’os alvéolaire qui permet de s’affranchir d’un site de prélèvement. Néanmoins les crêtes atrophiées dans les secteurs postérieurs mandibulaires présentent fréquemment des défauts d’épaisseur et de hauteur, ce qui limite les indications d’ostéotomie transversale qui ne permet qu’une correction de l’épaisseur.

 

Milinkovic et al. (2014), dans une revue de littérature, cherchent à comparer les taux de survie implantaire et les taux de complication en fonction des procédures d’augmentation utilisées (ROG, greffes d’apposition, ostéotomies…) et en fonction des spécificités cliniques (édentement partiel, défaut horizontal/ vertical, fenestrations…).

 

Bibliographie:

 

-Altiparmak N, Akdeniz SS, Bayram B, Gulsever S, Uckan S. Alveolar Ridge Splitting Versus Autogenous Onlay Bone Grafting: Complications and Implant Survival Rates. Implant Dent. 2017 Apr;26(2):284-287.

-Bassetti MA, Bassetti RG, Bosshardt DD. The alveolar ridge splitting/expansion technique: a systematic review. Clin Oral Implants Res. 2016 Mar;27(3):310-24.

-Chiapasco M1, Zaniboni M, Boisco M. Augmentation procedures for the rehabilitation of deficient edentulous ridges with oral implants. Clin Oral Implants Res. 2006 Oct;17 Suppl 2:136-59.

-Ella B, Laurentjoye M, Sedarat C, Coutant JC, Masson E, Rouas A. Mandibular ridge expansion using a horizontal bone-splitting technique and synthetic bone substitute: an alternative to bone block grafting? Int J Oral Maxillofac Implants. 2014 Jan-Feb;29(1):135-40.

-Jamil FA, Al-Adili SS. Lateral Ridge Splitting (Expansion) With Immediate Placement of Endosseous Dental Implant Using Piezoelectric Device: A New Treatment Protocol. J Craniofac Surg. 2017 Mar;28(2):434-439.

-Milinkovic I, Cordaro L. Are there specific indications for the different alveolar bone augmentation procedures for implant placement? A systematic review. Int J Oral Maxillofac Surg. 2014 May;43(5):606-25

-Rahpeyma A, Khajehahmadi S, Hosseini VR. Lateral ridge split and immediate implant placement in moderately resorbed alveolar ridges: How much is the added width? Dent Res J (Isfahan). 2013 Sep;10(5):602-8.

-Scarano A, Piattelli A, Murmura G, Iezzi G, Assenza B, Mancino C. Delayed expansion of the atrophic mandible by ultrasonic surgery: a clinical and histologic case series. Int J Oral Maxillofac Implants. 2015 Jan-Feb;30(1):144-9.

-Stricker A, Stübinger S, Voss P, Duttenhoefer F, Fleiner J. The bone splitting stabilisation technique--a modified approach to prevent bone resorption of the buccal wall. Oral Health Dent Manag. 2014 Sep;13(3):870-6.