Introduction

Aujourd’hui, bon nombre de nos patients en quête d’embellissement de leur sourire, sont déjà très largement informés sur nos nouvelles techniques (en bien ou en mal du reste…). Ils sont devenus de véritables consommateurs de soins dentaires et, à ce titre, ont besoin d’instantanéité, d’argumentation juste et descriptive, d’une interaction privilégiée avec leur praticien, de voir des photos, des vidéos, des simulations de leur éventuel nouveau sourire et de s’impliquer dans une « Expérience « nouvelle qui pourrait changer leur vie loin de cette image de ’l arracheur de dents bien ancrée dans l’imaginaire collectif…

L’intégration du numérique couplée à la relation humaine nouée entre patient et praticien me semble répondre à ces demandes et à l’évolution de notre société. Mon expérience digitale a réellement débuté avec l’achat d’une caméra optique, même si les radios numériques en 2 et 3D, la photographie, la vidéo et le Digital Smile Design avaient déjà investi mon univers professionnel depuis quelques années. J’ai eu la chance d’aller me former chez Olivier Boujenah et d’y découvrir un monde passionnant qui m’a fait sortir de ma zone de confort et me permet de repousser toujours un peu plus les limites d’une dentisterie minimalement invasive et conservatrice.

Il est toujours plus confortable pour un praticien de gérer toutes les étapes d’un même traitement. Nous verrons, dans le cas clinique suivant, que la patiente qui n’avait initialement pas conscience de ses problèmes parodontaux, a également apprécié cette séquence de soins chez un seul praticien et cette proposition de flux de travail numérique.

Cas clinique

Le cas présenté ici est celui d’une patiente âgée de 46 ans adressée par ses collègues de travail, elle souhaite avoir un sourire plus harmonieux et des dents mieux alignées à l’aide d’un traitement COURT. (Fig. 1 et 2)

La notion de digital intervient dès que la patiente est en salle d’attente car elle peut tester l’application Smile View (Fig. 3) qui permet, en se prenant un simple selfie, de visualiser en moins d’une minute, le sourire qu’elle pourrait obtenir après un traitement d’alignement dentaire et de valider son nouveau visage. (Fig 3)

Lors de la première consultation (anamnèse, bilan clinique, radiologique, photographique, orthodontique examen musculaire, fonctionnel, endo buccal ….), on prendra une empreinte optique (Fig. 4), bien plus conviviale, rapide et agréable qu’une empreinte physique. Elle permettra en plus de figurer l’étape initiale, de travailler et partager des informations avec le laboratoire ou des confrères en temps réel, de délivrer des informations et de motiver la patiente qui n’avait jamais vu ses dents, leur encombrement, ses gencives et les dépôts de tartre. De cette façon; elle prend conscience de ce qu’elle n’avait pas appréhendé jusque-là, et de ce fait, sera plus réceptive aux explications et au plan de traitement qui lui sera proposé ultérieurement.

Le diagnostic (toujours primordial) esthétique, fonctionnel, biologique et structurel étant posé, il est clair qu’avant de parler alignement dans ce cas, il faudra d’abord prévoir une phase initiale parodontale (Fig. 5) couplée à de l’éducation thérapeutique : l’enseignement des bons gestes à adopter en matière de soins locaux bucco-dentaires et d’hygiène de vie reste primordial. Lors du bilan parodontal, le sondage objective des poches de 4 millimètres de profondeur en moyenne (parodontite stade 2 grade B) et un prélèvement bactérien (Fig. 6) indiquent une véritable dysbiose avec la présence de bactéries du complexe rouge en nombre et des bactéries des complexes orange et orange associé.

Nous décidons de réaliser un assainissement parodontal laser assisté et de vérifier la motivation et les résultats obtenus au terme d’une phase de temporisation de quelques mois. Le binôme patient praticien a bien fonctionné puisque l’on constate une motivation sans faille, une bonne gestion du biofilm, pas d’inflammation, la stabilisation de l’alvéolyse avec cicatrisation et création d’un long épithélium de jonction. (Fig. 7) Il est clair qu’avoir un parodonte sain est un pré-requis à tout traitement orthodontique.

L’alignement dentaire sera fait ici avec un produit spécialement conçu pour l’omnipraticien, déplaçant les dents antérieures uniquement (de la 2nde prémolaire à la 2nde prémolaire) en bénéficiant de l’image de marque de la firme (pionnière en la matière) et des avancées technologiques en terme de recherche notamment sur le matériau des gouttières, la fiabilité et la prédictibilité des résultats. Ce traitement répond à la demande de la patiente qui a refusé un traitement orthodontique global, nous ne ferons donc pas de correction antéro postérieure (la stabilité de l’occlusion est nécessaire et indispensable). L’orthodontie figure en toute première place du Gradient Thérapeutique édicté par les Gil Tirlet et Jean Pierre Attal. Nous harmoniserons donc la position des dents en optimisant les résultats esthétiques, fonctionnels et biologiques.

Nous passons ensuite à une prise de photos pré traitement via l’application très intuitive Invisalign Photo Uploader (Fig. 8) qui nous permet de bien cadrer nos photos et de les récupérer directement sur le dossier patient. Nous prenons une nouvelle empreinte optique pour avoir une précision maximale en vue de la réalisation des gouttières d’alignement (scanner les deux maxillaires et l’occlusion ne prend que quelques minutes). Nous pouvons alors obtenir une évaluation de traitement (Fig. 9) en moins d’une minute, et même une simulation de résultats si l’on possède un scanner iTero®.

Une fois les empreintes et les photos envoyées avec notre prescription (intégrant les doléances de la patiente, notre diagnostic, nos objectifs et moyens de traitement), nous recevrons un plan de traitement numérique ou Clin Check (Fig. 10) qui est en réalité une simulation 3D du déroulé du traitement. Nous pourrons modifier autant de fois que souhaité ce Clin Check jusqu’à obtenir le plan de traitement le mieux adapté avant de le valider. Nous l’approuverons en tenant compte des mouvements effectués et de leur innocuité sur le parodonte car nous devons toujours garder la maîtrise de nos plans de traitements. Les modifications se font avec un contrôle 3D sécurisé permettant de bouger chaque dent individuellement dans tous les sens de l’espace en vérifiant les quantités et les directions tant au niveau des couronnes que des racines. Nous présentons ce plan de traitement sous forme de vidéo que l’on fait défiler, selon différentes vues, à notre patiente qui est emballée par la visualisation du résultat et accepte notre proposition.

Elle pourra même voir cette fois-ci le véritable résultat de son nouveau sourire, issu du plan de traitement retenu, intégré dans son visage et non plus une simulation comme lors des étapes précédentes (Fig. 11).

Cette patiente s’engage à porter ses gouttières d’alignement 22 heures sur 24 et à changer ses aligners tous les 14 jours. Compte tenu du terrain parodontal, de la réduction inter proximate peu invasive sera réalisée ici pour gérer l’encombrement en limitant la vestibule version des dents. Elle est répartie notamment à la mandibule et au niveau des prémolaires maxillaires pour ne pas modifier l’occlusion, très stable, et éviter la création d’un overjet. Les forces appliquées sont légères et permettront un bon remodelage physiologique.

Les taquets (matérialisés en orange sur le ClinCheck) correspondent à des plots de composite collés à l’aide d’un template ou gouttière de collage, et sont réalisés sur mesure pour la largeur, le grand axe et le contour de chaque dent. Ils sont positionnés avec exactitude pour fournir les forces nécessaires en éliminant les interférences.

Le numérique interviendra encore dans le suivi de traitement car nous reverrons la patiente en moyenne tous les 2 mois soit toutes les 4 gouttières. Avec l’outil évaluation de progression sur iTero (Fig. 12), nous pourrons vérifier l'évolution du traitement conformément au Clin Check accepté. Cela nous permettra de continuer sereinement ou d’anticiper d’éventuelles modifications en cours de route.

Possibilité également d’utiliser l’application My Invisalign que la patient télécharge sur son smartphone et qui lui permet de suivre les progrès de son traitement en se prenant des selfies lors du changements d’aligners, de rester motivé et d’informer son praticien via l’onglet Virtual Care. (Fig. 13)

Le praticien peut suivre le traitement à distance, rassurer et même planifier des rendez-vous sécurisés de contrôle en ligne si besoin. Les mouvements réalisés seront très doux et étalés sur 9 mois toujours dans le but de protéger le parodonte. La phase d’alignement est terminée et la patiente est déjà ravie du résultat mais celui- ci reste encore perfectible. Nous souhaitons néanmoins, à l’aide des images d’un code beam valider la quantité d’éruption passive incomplète par la position de la jonction amélo-cémentaire et réaliser un guide de gingivoplastie qui nous permettra d’améliorer encore sensiblement la morphologie dentaire et les résultats esthétiques, sans nécessité de pose de facettes.

Réalisation d’un guide de gingivoplastie grâce à la combinaison de l’envoi du fichier STL final et du fichier Dicom. On peut partager le flux digital avec son laboratoire ou directement usiner au cabinet.

Mise en bouche de la gouttière de retouche gingivale (Fig. 17). Les retouches ont été faites à l’aide de lasers Erbium et Diode pour harmoniser les collets et désépaissir la gencive, les papilles. Une photobiomodulation a permis de stimuler la cicatrisation et d’annihiler la douleur. La photo a été prise immédiatement après cette plastie. (Fig. 18)

Nous avons répondu à la demande de cette patiente à l’aide d’un traitement rapide, et non invasif : elle est pleinement satisfaite du résultat obtenu et a décliné la proposition d’aligners additionnels et d’éclaircissement. (Fig. 19)

Interêt de l’outil Time Lapse en fin de traitement pour créer une animation et superposer les scanners avant/après traitement (Fig. 21 et 22). On imagine les possibilités offertes par cet outil en termes de motivation des patients.

Après une séance d’équilibration occlusale très minutieuse, une nouvelle empreinte optique est prise le même jour pour la réalisation des contentions amovibles (Fig. 23) qui assureront la stabilité et la pérennité du traitement. Nous en avons fourni 3 jeux à la patiente. Les consignes de port sont : 15 à 20 heures par jour pendant 6 mois (temps durant lequel les fibres parodontales supra crestales restent étirées) puis toutes les nuits les 6 mois suivants. Par la suite, la patiente pourra les porter une nuit sur deux si tout est stable: nous conseillons une contention à vie.

Nous avons privilégié dans ce cas ce type de contention amovible pour éviter toute rétention de plaque au niveau d’un éventuel fil collé. Cette patiente ayant signé un consentement éclairé tant en parodontologie qu’en orthodontie s’est engagée à venir en contrôles très réguliers pour sa maintenance parodontale et son suivi. Le fait d’avoir aligné ses dents facilite le brossage, le passage des brossettes (l’encombrement de plus de 3 mm est un facteur hôte de la plaque dentaire).

Conclusion

Avec la mode des selfies, le port des masques, la demande de traitements simples et courts pour l’embellissement des sourires est exponentielle. Intégrer un système d’aligners en omnipratique (à condition de bien se former et de connaître ses limites et les indications du système) permet d’explorer de nouveaux horizons comme celui du numérique, de travailler de manière moins invasive en respectant, voire, en restaurant les critères esthétiques, structurels, fonctionnels, biologiques et parodontaux.

La dentisterie vit une véritable révolution car l'ère du numérique a déjà changé notre pratique quotidienne en matière de diagnostic, de communication (avec nos patients, nos prothésistes, nos correspondants) et de prédictibilité des résultats. On peut également anticiper d’éventuelles erreurs de plan de traitements et éviter de les réaliser sur les patients en les testant sur nos ordinateurs. De plus, des contrôles qualité sont réalisables à chaque étape des traitements ...On ne peut donc évidemment pas se permettre de rater le train du numérique et refuser le progrès et les magnifiques opportunités qui nous sont offertes pour valoriser notre travail et dispenser à nos patients les meilleurs soins possibles dans le confort. Ils apprécient ce côté high-tech et novateur, et leur expérience chez le dentiste sera différente.

De notre côté, on profite de cette aide digitale précieuse même si évidemment tous ces outils numériques ne remplaceront jamais l’œil, l’expérience et l’expertise clinique du praticien qui se doit d’observer le patient de façon holistique, poser le bon diagnostic, avec des objectifs et une stratégie de traitement réalisables. L’intégration d’une caméra optique et d’un système d’aligner est un bon tremplin pour prendre le virage du digital et de l’innovation en rajoutant un outil à son arsenal thérapeutique car le flux numérique est présent depuis le diagnostic jusqu’à la pose de contentions en passant par la planification, la réalisation et le suivi du traitement avec un standard qualitatif élevé, une optimisation du temps de travail, et une réduction du taux d’erreurs et des coûts.

Cela commence avec le recueil des informations du patient, se poursuit avec le traitement numérique des photos et empreintes optiques pour une simulation quasi immédiate du sourire puis d’une optimisation du traitement, et des mouvements effectués avec la planification prévisionnelle de toutes les étapes en vue de résultats prédictibles, fiables et reproductibles.

Smile View, Invisalign Photo Uploader, empreinte optique iTero, Evaluation de traitement ou Case Assesment, Simulation de résultats ou Outcome Simulatot, plan de traitement virtuel ou ClinCheck modifiable à l’envie (de nombreuses options sont proposées grâce à des filtres), planification du traitement et suivi grâce à l’évaluation de progression et au Virtual Care couplé à My Invisalign App, Time Lapse et les contentions Vivera, l’export de fichiers STL, Exocad sont les différentes facettes numériques utilisées pour ce cas clinique.

Note de l’auteure

Même si le plan de traitement détaillé ici n’est pas idéal, il a répondu au mieux à la demande de la patiente informée bien évidemment de toutes les autres possibilités s’offrant à elle. Je l’ai retenu, en respectant le gradient thérapeutique et en essayant de réaliser, avec l’accord de la patiente, la proposition la moins invasive et la plus pérenne possible tant au niveau esthétique, biologique que fonctionnel. Nous avons amélioré les tissus mous, les profils d’émergence des dents et leurs positions, la fonction avec une meilleure répartition des forces occlusales, l’harmonie faciale, préservé le tissu dentaire, limité la chirurgie gingivale et redonné le sourire à cette patiente.

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