Introduction
La CFAO directe, Conception et Fabrication Assistée par Ordinateur, permet de réaliser l’ensemble des étapes d’élaboration d’un élément prothétique au sein du cabinet et le plus souvent dans la séance.
Bien que la paternité de la CFAO dentaire revienne à François Duret qui a fait sa thèse sur l’empreinte optique en 1974, Ce sont Werner Mörmann et Marco Brandestini qui ont mis au point en 1985 le premier système de CFAO directe : le CEREC®.
C’est à partir de la deuxième version du système, le CEREC® 2, que la CFAO directe a commencé à se développer au sein des cabinets dentaires. Les limitations du système étaient essentiellement d’ordre technologique, directement liées en particulier aux capacités de calcul et de mémoire des ordinateurs de l’époque. Ainsi l’empreinte optique consistait en l’acquisition d’une unique image des surfaces bucco-dentaires préalablement poudrées à l’aide de dioxyde de titane micronisé sur lesquelles était projeté un motif de franges. Ce système ne permettait que la réalisation de restaurations partielles de type inlay / onlay, mais ouvrait déjà la voie à une nouvelle approche de la dentisterie.
En effet, pour la première fois, un système numérique permettait la validation immédiate de la préparation et de l’empreinte réalisée, la détermination des limites, la modélisation en temps direct de l’élément prothétique, le choix du matériau restaurateur et la maîtrise des délais de fabrication par le praticien lui-même.
L’orientation naturelle vers une dentisterie moderne, voire « avant-gardiste » permettait déjà aux praticiens équipés en CFAO directe de pratiquer une dentisterie adhésive, synonyme d’économie tissulaire tout en répondant à une demande grandissante de restaurations « sans métal » de la part des patients (Fig. 1).
Les évolutions constantes concernant l’empreinte optique, les logiciels de CAO et FAO, les machines-outils à commande numérique et les biomatériaux usinables ont par la suite permis d’étendre les possibilités thérapeutiques.
Progrès en empreinte optique
Une très grande partie des évolutions est directement liée aux avantages de l’empreinte optique. La rapidité d’acquisition simplifie le geste clinique et supprime
le risque de réflexe nauséeux. L’enregistrement du rapport intermaxillaires (RIM) par empreinte optique des faces vestibulaires des dents en occlusion apporte une plus grande précision que les
techniques conventionnelles et permet même de réaliser des empreintes optiques sous digue (Fig. 2). La grande profondeur de champ et la technologie confocale
des dernières générations de scanner intra-oraux permet d’enregistrer les volumes creux de faible largeur comme un logement de tenon intra-canalaire sans avoir besoin de recourir à un corps de
scannage spécifique (Fig. 3). Elle facilite également l’enregistrement des embrasures dentaires ouvertes chez les patients présentant des récessions
gingivales importantes (Fig. 4).
La duplication du fichier sans dégradation de l’information permet d’enregistrer une situation initiale pour s’en servir comme référentiel grâce à la corrélation des empreintes optiques entre-elles (Fig. 5).
En cas de défaut au niveau de la préparation ou au niveau de l’empreinte optique, il est possible de découper une partie de l’empreinte optique et de la compléter secondairement.
Progrès logiciels
Les progrès en électronique et en informatique ont, de leur côté, également largement contribué au développement de la CFAO. Les microprocesseurs de plus en plus puissants, l’augmentation considérable de la capacité en mémoire des ordinateurs et l’implémentation d’algorithmes d’intelligence artificielle permettent aujourd’hui de travailler avec des logiciels d’une grande convivialité avec une courbe d’apprentissage assez rapide. La détermination des limites de préparation et le calcul de la morphologie des restaurations sont automatisés et ne nécessitent le plus souvent que très peu d’intervention de l’opérateur (Fig. 6).
La corrélation d’un maître modèle numérique avec les volumes « voxelisés » d’une acquisition radiologique 3D (scanner ou cone beam) permet de réaliser des
planifications implantaires de haute précision, prenant en compte non seulement les volumes osseux, mais également la forme de la future prothèse implanto-portée et les épaisseurs de tissus mous,
difficilement visualisables sur une imagerie radiologique 3D (Fig. 7).
L’enregistrement de la morphologie gingivale péri-implantaire et l’utilisation d’un transfert numérique permettent de modéliser des couronnes implanto-portées avec un profil d’émergence optimisé (Fig. 8). L’intégration des maitres-modèles virtuels et restaurations modélisées par CAO dans une photo du visage du patient via des logiciels de « smile design » permet de prendre en considération des critères anatomiques de la tête du patient et de valider l’intégration esthétique des futures restaurations (Fig. 9).
Progrès mécaniques
Les machines-outils à commande numérique destinées à la CFAO directe ont également bénéficié des progrès technologiques. Initialement constituées d’un disque abrasif et d’une fraise diamantée (système CEREC 2), elles intègrent maintenant des moteurs plus performants « brushless » et peuvent comporter jusqu’à 4 fraises. Ces avancées technologiques permettent d’étendre la gamme des biomatériaux utilisables en CFAO avec des temps d’usinage courts. L’usinage de certains matériaux, comme la zircone, peut se faire à sec avec des fraises en carbure de tungstène (Fig. 10). L’utilisation de deux jeux de fraises de diamètres et de granulométrie décroissants permet de fabriquer des restaurations présentant un niveau de détails élevé tout en réduisant le risque d’écaillage aux limites. Ceci est particulièrement intéressant pour les restaurations de fine épaisseur comme les facettes (Fig. 11).
Progrès en biomatériaux
Concernant les évolutions et les progrès en CFAO, les biomatériaux usinables ne sont pas en reste. Dans un premier temps, les matériaux les plus utilisés étaient
les céramiques et vitrocéramiques. Les blocs de céramique présentant un dégradé de teinte et de saturation permettent de réaliser des restaurations monolithiques avec un rendu esthétique proche
de la dent naturelle (Fig. 12). Les composites usinables à hautes performances mécaniques et les zircones multicouches sont venus, par la suite, compléter la
gamme des biomatériaux destinés à la CFAO ouvrant la porte à de nouveaux types de restaurations comme les facettes palatines ou les tabletops (Fig.
13).
Conclusion
Le recul clinique de plus de 20 ans que nous avons sur la CFAO directe nous permet d’affirmer que ce mode d’élaboration des restaurations prothétiques fait partie des données acquises de la science. Longtemps considérée comme avant-gardiste, la CFAO directe s’intègre aujourd’hui de plus en plus dans la pratique d’une dentisterie contemporaine.