Comprendre l’histologie et la cicatrisation des tissus mous autour des implants

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Les tissus mous AO 39 Dec 2020.pdf
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Introduction

 

Apres le concept d’ostéo-intégration, celui de muco-intégration apparaît et traduit l’importance des tissus muqueux péri-implantaires dans le choix des procédures d’implantation, dans l’esthétique et la fonction, dans la pérennité des restaurations implanto - portées. En effet ces tissus sont exposés et contraints de s’adapter aux différentes phases de la cicatrisation péri-implantaire, cohabiter avec les restaurations implanto-portées qui offrent de nombreuses opportunités à l’initiation de l’inflammation. La formation d’un caillot sanguin réduit est le premier évènement du processus cicatriciel à l’interface implant-muqueuse. Si aucune invasion bactérienne ne se manifeste, un joint épithélial circonscrit la reconstruction implanto-portée après 8 semaines de cicatrisation et un réseau de fibres de collagène occupe la portion apicale de l’espace biologique péri-implantaire constitué.

La structure des tissus muqueux qui enveloppent un implant dentaire est analogue histologiquement et cliniquement à celle qui entoure les dents (Listgarten, 1991, Shröeder et Listagarten, 1997). Mais l’anatomie des tissus péri-implantaires est moins complexe: une composante intra-osseuse dans l'os alvéolaire assurant un ancrage structurel, une composante trans-muqueuse facilitant la fixation sur la restauration.

Classiquement on oppose des différences et des similitudes entre dent et implant.

La différence essentielle est l’absence de ligament parodontal et de cément autour des implants dentaires. Cette particularité a des implications cliniques pour la santé, pour le diagnostic et la gestion de la maladie péri-implantaire (Wang et Coll., 2016).

L’une des  similitudes s’approprie la composante trans-muqueuse péri-implantaire, comme la gencive pour les  dents, qui constitue une barrière physique et  biologique, de protection et  de défense entre l'environnement buccal et les tissus sous-jacents. (Berglhund et Coll., 1991, voir pour revue Ivanoski & Lee 2018) L’autre des analogies concerne  l’interface implant – muqueuse composée, comme l’interface  gencive - dent, d’un sulcus, d’un épithélium jonctionnel et de  tissu conjonctif (attache conjonctive) pour assurer la fixation de la muqueuse péri-implantaire (Fig.1).

C’est un point critique puisque la qualité de  cicatrisation de la muqueuse péri-implantaire autour du col de l’implant et sa stabilité influencent la  survie des implants (Romanos & Javed, 2014) .

On fera ici le point sur l’état de la science concernant la réponse clinique mais surtout histologique des tissus muqueux dans les procédures implantaires les plus couramment utilisées.

 

 

Structure histologique des tissus muqueux péri-implantaires

 

 Le système d’attache péri-implantaire

Autour de la dent, l’attachement des tissus mous se développe simultanément avec le parodonte et reste structurellement en continuité avec les tissus environnants (Page & Schröeder, 1997).

Autour de l’implant il y a une adaptation des bords de la partie trans-muqueuse car les cellules épithéliales situées au bord de la plaie sont codées pour proliférer, recouvrir et assurer la fermeture de la plaie. Ces cellules ont la capacité d'adhérer à des biomatériaux inertes (titane, oxyde de zirconium) par l’intermédiaire d’une lame basale et d’hémidesmosomes, créant un joint épithélial qui ressemble à l'épithélium de jonction autour des dents (Listgarten et Coll., 1991). Les cellules les plus internes de l'épithélium de jonction forment l’attache épithéliale, qui assure l'étanchéité contre la surface de la racine (Fig.2). C’est la signification que l'épithélium jonctionnel joue un rôle essentiel dans l'homéostasie des tissus, dans la défense contre les micro organismes et leurs constituants (Booshardt et Lang, 2005).

 

Etapes de la cicatrisation péri-implantaire d’un point de vue histologique

D’importantes similitudes existent, histologiquement et morphométriquement, entre la gencive et la muqueuse péri-implantaire. Pour préciser celles-ci, les différents stades de la cicatrisation péri-implantaire (Berglundh et Coll., 1991, 2007), montrent les points suivants.

 

Histologiquement

- 4 jours après l’implantation la cicatrisation de la muqueuse a débuté par la mise en place d’un caillot occupant l’espace entre la muqueuse - l'implant – os alvéolaire. De petite dimension, il contient des neutrophiles qui secondairement assureront sa détersion. Des fibres de collagène et des fibroblastes peuplent la partie apicale de la muqueuse.

- A 2 semaines de cicatrisation : les fibroblastes dominent la population cellulaire. Entre 1 et 2 semaines, l'épithélium jonctionnel s'étend jusqu'à environ 0,5 mm apicalement par rapport au bord de la muqueuse.

- A 4 semaines : l’épithélium jonctionnel occupe 40% de l’interface muqueuse – surface titane. Au sein du tissu conjonctif, les fibres de collagène acquièrent leur organisation définitive.

- Entre 4 et 6 semaines : le remodelage osseux est intense, l’os crestal se situe à 3,2 mm du bord marginal de la muqueuse.

- Entre 6 et 12 semaines, la hauteur définitive de l'épithélium jonctionnel est établie et varie entre 1,7 et 2,1 mm.

- A 12 semaines : le réseau & l’organisation des fibres de collagène sont en place. Une couche dense de fibroblastes allongés, entre les fibres de collagène qui adoptent une disposition parallèle à la surface implantaire.

L’épithélium jonctionnel est une structure épithéliale de faible épaisseur composée de quelques couches de cellules, qui s'étend 2 mm apicalement à partir de la marge des tissus mous, et qui est considérée comme le résultat naturel de la cicatrisation d’une plaie (Berglundh et Coll.,1991,1994). Ainsi les cellules apicales de cet épithélium se positionnent à environ 1–1,5 mm coronairement à la crête osseuse et sont séparées du tissu osseux par une zone de tissu conjonctif pauvre en cellules (Berglundh et Coll.,1991), non enflammée, riche en collagène. Cet épithélium sera stabilisé après 6 à 8 semaines de guérison (Berglundh et Coll., 2007).

 

Attache conjonctive péri-implantaire

Il existe des similitudes entre le système d’attache autour de la dent et l’adhésion de la portion conjonctive de la muqueuse péri-implantaire au pilier implantaire mais une différence essentielle réside dans la composition cellulaire et l’orientation tridimensionnelle des fibres.

La composition du tissu conjonctif péri-implantaire se répartit principalement en une forte densité de fibres collagéniques (> 80%),de fibroblastes (13% ) ,de vaisseaux sanguins (> 3%) et de tissus résiduels ( 3%) selon Moon et Coll., (1999). Par ailleurs, il faut se convaincre d’un contact direct de la surface implantaire en dioxyde de titane et le tissu conjonctif grâce à un réseau de fibres de collagène orientées parallèlement provenant essentiellement du périoste de l’os alvéolaire voisin à l’implant et s’étendant jusqu’à la marge de la muqueuse. Toutefois, le tissu conjonctif péri-implantaire autour de surfaces implantaires hydrophiles, modifiées chimiquement, serait constitué d'un mélange de fibres de collagène présentant une orientation à la fois parallèle et perpendiculaire. En revanche, les surfaces hydrophobes sont associées à un tissu conjonctif dense avec des fibres de collagène parallèles et une faible vascularité (Rompen et Coll., 2006).

L’attache conjonctive autour de la dent ne se reproduit pas autour des implants : cela constitue une faiblesse structurelle qui se traduit par la présence d’un infiltrat inflammatoire, sorte de protection primaire contre le biofilm (sous des conditions de strict contrôle de plaque chez l’animal). Récemment, chez l’homme, des procédures immuno-histochimiques ont confirmé la présence de populations cellulaires lymphocytaires participant à la régulation de la cicatrisation osseuse et muqueuse péri-implantaires (Martinez-González et Coll., 2018), quelle que soit la procédure d’implantation choisie (un ou deux temps chirurgicaux). L’identification et le rôle de sous -populations lymphocytaires ne sont pas encore expliqués.

Chez l’homme quand on examine la portion de tissu conjonctif proche de l’implant on remarque que les fibroblastes de ce compartiment sont orientés, selon leur grand axe, parallèles aux fibres de collagène adjacentes et à la surface de l'implant (Gaultier et Gogly, 2015). Dans les zones plus éloignées de la zone d’adhésion de la muqueuse péri-implantaire, une vascularisation plus importante existe, la densité des fibres de collagène est élevée, moins de fibroblastes sont présents. En conséquence, le tissu conjonctif, riche en fibroblastes proches de la surface de l'implant, jouerait un rôle important dans le maintien d'une étanchéité adéquate vis à vis de l'environnement externe (Tomasi et Coll., 2014).

 

Morphométriquement

Chez l’homme, la dimension de la muqueuse péri-implantaire est d’environ 4 mm, composée par un épithélium jonctionnel de 3,4 mm et une portion de tissu conjonctif de 0,6 mm. Les dimensions des différentes composantes sont stables à 8 semaines de guérison et reproduisent les conditions expérimentales (Tomasi et Coll., 2014). Cette hauteur des tissus a tendance à croitre avec le temps de maturation de l’épithélium jonctionnel et du tissu conjonctif (Schwarz et Coll., ,2007). D’autre part, les caractéristiques histologiques de l’épithélium jonctionnel entourant les implants dans les systèmes un temps ou deux temps chirurgicaux (Fig. 3 et 5) sont similaires en termes de dimension et composition. (Abrahamsson et Coll., 1996).

La microscopie électronique a révélé des différences morphologiques entre les cellules de l'épithélium sulculaire qui présentent une membrane lisse avec un noyau clairement détectable alors que celles voisines de l’épithélium jonctionnel, présentent une membrane cellulaire plus rugueuse. Les cellules conjonctives à l’interface avec les structures implantaires ont une topographie de surface qui reproduit celle du pilier (Tomasi et Coll., 2014).

Est-ce que la réponse des tissus mous en fonction de différentes caractéristiques de surface peut être modifiée ? L'analyse histomorphométrique (Buser et Coll., 1992) a précisé que les différentes caractéristiques de la surface n'influencent pas le schéma de cicatrisation des tissus muqueux péri-implantaires, elles ont une incidence sur l'emplacement final du contact, plus coronaire, entre l'os et l'implant (Fig. 4).

La vascularisation, enfin, représente une composante anatomique importante car elle propose indirectement une défense active face au défi bactérien. La vascularisation de la gencive et du tissu conjonctif supra-crestal trouvent deux sources : celle provenant des vaisseaux supra-periostés des procès alvéolaires et celle provenant du ligament desmodontal.

Des anastomoses nombreuses et complexes assurent des liens anatomiques qui participent à la formation de ces agrégats vasculaires ou plexus. Autour des implants, une seule origine, celle des branches terminales de larges vaisseaux issus du périoste recouvrant le tissu osseux péri-implantaire. La microscopie électronique a confirmé, d’une manière identique autour des dents et des implants, la présence d’un plexus vasculaire creviculaire latéralement à l’épithélium jonctionnel. Aussi, l’anatomie vasculaire péri-implantaire est déficitaire, structurellement, par comparaison à celle existant autour des dents (Berglhund et Coll., 1991).

En conséquence, la préservation de la vascularisation péri-implantaire ouvre des perspectives techniques dans le traitement implantaire dont les avantages se mesurent au travers :

- de la régénération réussie des tissus mous péri-implantaires ;

- le transport des cellules pro-inflammatoires vers les lésions éventuelles ;

- l’arrivée de nutriments et de l'oxygène vers des tissus inflammatoires pour améliorer le rôle de barrière de la muqueuse péri-implantaire.

Une bonne nutrition de la muqueuse péri-implantaire et de l'os crestal, par le biais de structures vasculaires préservées, maintient le volume des tissus mous et tissus durs, ce qui est d'une importance capitale pour les résultats esthétiques à long terme, notamment (Lazi et Coll., 2015).


 

Techniques de reconstruction des tissus muqueux péri-implantaires

 

Classiquement, deux techniques prédominent. L’augmentation d'épaisseur de la muqueuse alvéolaire au moyen d'une greffe gingivale (greffe épithélio-conjonctive, GEC) a un effet sur la résorption osseuse marginale péri-implantaire et la récession des tissus mous autour des implants (Fig. 6). Comme autour des dents, dans des secteurs où le résultat esthétique n’est pas essentiel.

Une revue systématique récente a révélé que les greffes de tissu conjonctif (GTC) amélioraient la largeur de la muqueuse kératinisée et l'épaisseur des tissus muqueux (Poskevicius et Coll., 2017) Cependant, une réduction en épaisseur des tissus mous peut se produire dans les trois premiers mois, après traitement (Fig. 7). On conclura qu’aucune technique chez l’homme n’est plus efficace qu’une autre (Esposito et Coll., 2012 ; Jung et Coll., 2013; Poskevicius et Coll. ,2017).

La question que l’on peut se poser également est de savoir s’il existe une technique d’augmentation des tissus mous (GEC vs TC) qui modifie l’espace biologique.

Expérimentalement il a été montré que si on reproduit un second temps chirurgical où d’un côté il a été possible de ménager de la muqueuse kératinisée, de l’autre non (GTC versus GEC) :

- les dimensions de l’espace biologique ainsi que l'emplacement de la marge de la muqueuse péri-implantaire par rapport au col de l'implant étaient similaires sur tous les sites (entre 1,7 & 2,1mm) ;

- il n’existe pas de différences de niveaux et de dimensions des mous entre les deux sites testés (Bengazi et Coll., 2015).


 

 Facteurs influençant la stabilité de la muqueuse péri-implantaire

 

On commence à avoir une vision des facteurs qui influencent l’intégrité des tissus muqueux peri-implantaires.

 

L’état de surface

Buser et Coll., (1992) ont testé différents types de sablage de surface implantaire les opposant à des surfaces lisses d’implants non enfouis et non chargés. Il a été conclu que les différentes caractéristiques de la surface implantaire n'influencent pas le schéma de cicatrisation des tissus muqueux péri-implantaires. La densité collagénique est plus forte au contact de surfaces hydrophiles par comparaison à des surfaces hydrophobes avec des fibres de collagène parallèles.

 

Le matériau des piliers implantaires

La nature du matériau aurait une influence positive concernant la fixation de la muqueuse et les dimensions des tissus mous péri-implantaires (Vignolo et Coll., 2006, Abrahamson et Coll., 2007). Des céramiques à base d'aluminium et pilier en titane produisent une cicatrisation normale, pas les matériaux en alliage d'or ou en porcelaine (influence négative) associant le retrait du bord de la muqueuse et une résorption osseuse (Abrahamsson et Coll., 2007, Welander et Coll., 2008). Récemment ont été examinées des différences de comportement de la muqueuse péri-implantaire au voisinage de la zircone et du titane. Le sondage péri-implantaire est moins profond avec la zircone alors que la présence d’un état sub-inflammatoire est plus marqué dans les premières semaines de mise en place de piliers en titane. Cette tendance, évaluée par dosage intra-sulculaire de metallo-proteinases (MMP8), s’estompe après 12 mois (Kumar 2017).

D’autre part, la question concernant la nature du matériau ou son design contribuant à la stabilité de la muqueuse péri-implantaire, ne trouve pas encore de réponse.

En 2015 Linkevicius et Vaitelis soulignent qu’il n’est possible d’identifier des différences entre la zircone et le titane en considérant les paramètres cliniques. Préférence est faite néanmoins pour le choix de la zircone en secteur esthétique.

 

Largeur la muqueuse péri-implantaire

Si celle-ci est inférieure à 2 mm, on peut découvrir des pertes osseuses au col de l'implant. La largeur de la muqueuse péri-implantaire est génétiquement prédéterminée et les dimensions de ce tissu préservent de la résorption osseuse. (Berglundh et Lindhe, 1996, Bressan et Coll., 2017)

 

Impact des étapes prothétiques (devissage –revissage des piliers …)

Les manipulations inhérentes à la réalisation prothétique favorisent un repositionnement plus apical de la zone du tissu conjonctif, le remodelage de l’os crestal accompagné d’une perte osseuse de 0,43 mm, (Abrahamsson et Coll., 1997). Il y a un phénomène de compensation, d’un point de vue tri-dimensionnel, pour assurer le maintien et la stabilité des dimensions de l’espace biologique soit 3mm environ (Bressan et Coll., 2017). Il a été avancé également des modifications de l’espace biologique au cours du traitement prothétique qui résulteraient de variations électrochimiques liées à l’oxydation dans le temps en fonction des alliages utilisés.

 

La situation du col implantaire par rapport à la crête osseuse

Qu’il soit situé plus bas, plus haut ou juxta-crestal et associé aux caractéristiques de surface implantaire ( rugueuse vs lisse), il détermine les dimensions de l’espace biologique aux dépens des dimensions de l'os crestal et du tissu conjonctif (Hammerle 1996, Hermann 2001, Wu 2015). Mais on ne sait pas si 2 ou 3mm sont acceptables ou pas pour maintenir un état de santé péri-implantaire.

Il semble néanmoins, que la position juxta- ou supra-cestale du col implantaire semble être privilégiée (Schwarz, 2014).Il faut également admettre que le processus cicatriciel péri-implantaire évoluera dans le temps après la cicatrisation initiale post-chirurgicale (second temps chirurgical).

 

Le Plateform Switching

Différents et multiples travaux ont validé le plateform switching pour la stabilité des tissus muqueux et le joint épithélial qui apporte de la résistance mécanique, notamment dans la prévention des récessions secondaires après insertion prothétique (Valles et Coll., 2018).

 

Le traitement de surface du col implantaire

Si l’on oppose deux types d’implants type plateform switching, l’un avec une surface sablée et traitée à l’acide, l’autre surface lisse avec des situations du col soit 1,5mm sous la crête osseuse (soit au même niveau, soit 1,5mm au-dessus) on peut conclure que :

- le traitement de surface du col de l’implant ne semble avoir une influence pas sur le remodelage osseux crestal ;

- il n'existe pas de différence statistiquement significative dans la composition et le comportement des tissus mous péri-implantaires d’un point de vue histométrique (nombre de cellules inflammatoires et orientation des fibres de collagène)

- les positions sous-crestale et juxta-crestale ont révélé une perte osseuse nette plus prononcée par rapport aux implants placés en position supra-crestale en raison d’une migration apicale de l’épithélium. (Valles et Coll. 2018). Ce dernier point s’oppose aux résultats de la revue systématique de Schwarz et Coll., 2014.

 

Considérations cliniques en fonction des procédures chirurgicales

 

Dans la zone esthétique, après extraction dentaire, on peut s'attendre à une perte de l'os alvéolaire et à des modifications structurelles concernant la composition des tissus mous ainsi que des modifications morphologiques. Idéalement, la planification thérapeutique commence avant l'extraction dentaire et propose trois options: cicatrisation spontanée de l’alvéole d'extraction; pose immédiate de l'implant et /ou techniques de préservation de la crête alvéolaire sur le site extractionnel.

 

Le processus de prise de décision dépend principalement :

- du moment choisi pour la pose de l’implant et de la possibilité de placer un implant dentaire;

- la qualité et la quantité de tissus mous dans la région de la zone d'extraction;

- la hauteur résiduelle de la table osseuse vestibulaire;

- les taux attendus de survie et de succès des implants. Sur la base de preuves scientifiques, la littérature décrit trois options pour la préservation de la crête alvéolaire: la préservation des tissus mous avec une guérison de 6-8 semaines après l'extraction de la dent (pour l'optimisation des tissus mous); la préservation des tissus durs et mous avec 4-6 mois de cicatrisation après l'extraction dentaire (pour l'optimisation des tissus durs et mous); et la préservation des tissus durs (> 6 mois de cicatrisation) après l'extraction dentaire pour l'optimisation de la cicatrisation des tissus durs. (Jung et Coll., 2018)

 

Un certain nombre d’informations apparaissent dans la littérature pour guider le geste clinique.

- Est ce que la greffe de tissu conjonctif insérée dans le même temps opératoire que la mise en place d’implants supportant une couronne provisoire anticipe la perte de volume osseux vestibulaire ? Un travail récent confirme que la présence d’une greffe conjonctive n’entraîne pas moins de perte de volume après 12 mois, ce qui laisse supposer que le conjonctif enfoui ne peut pas totalement compenser la perte osseuse vestibulaire sous-jacente (Weigl & Strangio, 2016)

- Est ce que le résultat esthétique est acceptable lorsque des implants sont posés immédiatement après l'extraction des dents dans les zones antérieure et prémolaire maxillaire ? Le risque de récession de la muqueuse péri-implantaire existe. La reconstruction de l'os vestibulaire est posée et aucune réponse n’est apportée concernant la relation entre la stabilité à long terme de la muqueuse et la présence / absence de paroi osseuse alvéolaire, l'épaisseur nécessaire de tissu osseux vestibulaire et la position de la crête osseuse. (Van Nimwegen et Coll., 2018).

- Une investigation récente apporte un début de réponse. Si la pose précoce d'implant avec augmentation simultanée du volume osseux est documentée par des études à court et à moyen terme, la stabilité à long terme de cette augmentation du contour est incertaine.

Une étude prospective transversale montre des tissus durs et mous péri-implantaires stables pour 41 implants examinés et des résultats esthétiques satisfaisants. Le suivi de 5 à 9 ans a de nouveau confirmé que le risque de récession de la muqueuse était faible avec la pose précoce de l’implant. En outre, l'augmentation du contour avec régénération osseuse guidée a permis d'établir et de maintenir une paroi osseuse vestibulaire chez 95% des patients (Buser et Coll., 2013).

Il semblerait que la reconstruction osseuse soit un préalable à celle des tissus muqueux, cette dernière ne pouvant en aucun cas compenser la déficience de la première.

- La qualité du biotype est un facteur pronostic important concernant la stabilité des tissus muqueux dans la durée. Ainsi, dans le cadre d’un biotype épais, on note une valeur médiane de remodelage des tissus muqueux et osseux inférieur à 0,95 mm. Les biotypes minces ont tendance à développer une récession muqueuse nettement plus importante (Chappuis et Coll., 2017).

  à cette éventualité, la chirurgie sans lambeau exprime un recours mais la difficulté technique impose une sélection stricte des patients (Chen & Buser 2014, Weigl et Coll., 2016)

Une revue systématique comparant les protocoles de mise en esthétique immédiate opposés aux protocoles conventionnels dévoile des modifications similaires des tissus durs et mous par rapport aux protocoles conventionnels (Yan et Coll., 2016).

- Est ce que la configuration /design de l’implant peuvent influencer la situation marginale des tissus muqueux et osseux péri-implantaires ?

Une étude prospective a évalué la réponse des tissus mous péri-implantaires, au moyen d’indices exprimant la récession muqueuse, la situation des papilles, chez des patients traités avec des implants immédiats aux configurations différentes. Les données ont été stratifiées par catégorie/situation de dent remplacée, l’évaluation de l’épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire et l’addiction tabagique ou pas, sur une période de 3 ans.

La stabilité des tissus mous vestibulaires a été observée en prenant comme repère le zénith vestibulaire coronaire (variation = 0,23 mm). Les papilles retrouvent leur anatomie normale après 2 ans pour les implants cylindro-coniques par comparaison aux implants à morphologie cylindrique. L’anatomie papillaire et la stabilité vestibulaire muqueuse ne subissent pas l’influence de la conception prothétique, quel que soit le type de dent, l’épaisseur de la paroi osseuse vestibulaire (≤ 1 mm =paroi vestibulaire mince), chez des patients tabagiques (Cecchinato et Coll., 2015).

Dans le cadre d’un suivi clinique et radiographique (7 ans) les variations des tissus osseux et muqueux sont fortement corrélées. Si le remodelage osseux vestibulaire se traduit, après 7 années de fonction, par une perte osseuse, le déficit muqueux sera d’au moins 1 mm supérieur à celui communément rencontré (Benic et Coll., 2012).

 

Conclusions

 

La bonne connaissance de la configuration histologique des tissus (muqueux et osseux) enveloppant les implants dentaires permet de comprendre les réponses aux différents traitements proposés, bien documentés par ailleurs. Beaucoup de similitudes anatomiques subsistent autour des implants par comparaison aux dents. Mais des différences majeures (absence de système d’attache) expliquent la grande variabilité des réponses cliniques péri-implantaires dans un cadre de santé parodontale. Dès lors qu’une dent sera extraite, surtout en secteur esthétique, une perte de volume osseux plus ou moins sévère se produira. Seule la qualité de la reconstruction osseuse de celle-ci assurera la pérennité de la stabilité muqueuse et garantira le résultat esthétique. (Jung et Coll., 2018). C’est la tendance aujourd’hui qui se dégage d’un faisceau d’études cliniques prospectives privilégiant cette option de traitement.