Détermination de la LT, le choix des localisateurs

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Dossier L'endodontie au quotidien - AO News #58 - Juin 2023


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Détermination de la LT, le choix des loc
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Introduction

 

 La longueur de travail (LT) est définie par la distance en mm entre un repère coronaire fixe et une limite apicale où la préparation et l’obturation canalaires doivent s’arrêter. C’est une notion dynamique qui peut varier durant la mise en forme canalaire, en fonction de la courbure radiculaire (1, 2, 3).

 

Repère coronaire

Au même titre qu’un traitement endodontique se termine quand la reconstruction coronaire est terminée, le traitement endodontique débute par la dépose de la reconstruction coronaire. (Le but est d’ordre aseptique, d’étanchéité, de contrôle de la qualité du substrat dentaire résiduel, ainsi que de la conductivité iatrogène. En effet, les résidus métalliques (amalgames, prothèses métalliques) entrainent des aberrations (faux positifs) de mesures par les localisateurs d’apex électroniques. (4)

Cette dépose a pour but de permettre un nettoyage coronaire complet avant de débuter le traitement de l’endodonte. Le repère de choix de la longueur de travail se trouve au niveau de la paroi portant le nom du canal traité. Il est important qu’il soit stable, reproductible et facile à lire depuis la position de travail idéale du praticien (Fig. 1bis). Une reconstruction pré endodontique est nécessaire en cas de délabrement important. (1)

 

Limite apicale

L’endodonte, par définition, se termine à la jonction cémentodentinaire (JCD). À cette jonction, le tissu pulpaire se transforme en tissu parodontal. La JCD est la limite apicale idéale du traitement canalaire, d’un point de vue biologique (1-4). Elle est déterminable histologiquement, mais impossible à déterminer cliniquement.

On considère la constriction apicale (CA) comme limite apicale de la LT. Elle permet de respecter les principes de conicité et de blocage apical de l’obturation. Le blocage apical est indispensable pour réaliser une obturation adéquate de l’endodonte, quelle que soit la technique utilisée. Kuttler montre que la JCD, tout en étant constante (retrouvée dans plus de 94 % des cas)

n’est pas un repère anatomique fixe (Fig. 1). En effet, il note que la constriction apicale coïncide avec la JCD dans moins de 40 % des cas (3) (Fig. 2).


 

Technique de détermination de détermination de la longueur de travail

 

Obsolètes / Empiriques

La sensibilité tactile est décrite comme une recherche de la constriction apicale manuellement à l’aide d’une lime. Cette méthode présente peu de succès, du aux variations anatomiques des constrictions apicales. La douleur et l’humidité ou le sang sur une pointe de papier ont aussi été utilisé, sans grand succès. Ces méthodes ont été abandonnées, cliniquement et ethniquement non acceptables. (1)

 

Méthode radiographique

Pré opératoire

Le cliché pré opératoire est essentiel en endodontie. Qu’il soit 2D ou 3D, il permet d’estimer la LT avec une précision d’environ 1,5mm. Certains programmes informatiques de radiographie permettent de réaliser une estimation de la LT en traçant manuellement une ligne d’un repère à un autre. Ayant un ratio de grossissement de 1/1, le Cone Beam CT (CBCT) est plus précis que la radiographie 2D.

En radiographie 2D, la méthode des plans parallèles avec angulateur radiographique dédié est préférable à celle des bissectrices, qui donnent des distorsions et un problème d’interprétation. (2, 7) ) (Fig. 3 et 4) . Malgré certaines limites (artéfacts, superpositions, ratio de grossissement défavorable), la 2D reste un outil essentiel au quotidien. Elle est même indispensable dans certains cas cliniques : radiographies per opératoires en cas d’apex ouverts, instruments fracturés, cônes d’argent, etc.

La radiographie « lime en place », effectuée avec un angulateur, nous permet d’estimer la LT, ainsi que de visualiser le trajet canalaire, ses courbures et ses obstacles.

La radiographie « maître cône en place » ou « contrôle cône » semble indispensable pour confirmer le bon ajustement du cône de gutta sélectionné et calibré pour l’obturation finale. (1, 7)


Limites de la 2D :

  • image bidimensionnelle dans un plan tridimensionnel
  • ne permet pas de localiser la CA ni la JEC : seul l’apex radiologique ou vertex est identifiable : entraine souvent une surestimation de la LT par méthode de mesure radiographique (Fig. 5) ;
  • ne permet pas de visualiser les courbures radiculaires (principalement les courbures inscrites dans le plan vestibulo-lingual) ;
  • superpositions des structures anatomiques : foramen mentonnier, arcade zygomatique, corticale osseuse épaisse, etc… ;
  • plusieurs clichés pour obtenir une précision : non-respect du principe ALARA (6)

ALARA est l'acronyme de l'expression anglophone As Low As Reasonably Achievable, qui se traduirait en français par Aussi bas que raisonnablement possible. C’est un principe de précaution dans le domaine de la radioprotection et de la toxicologie.

 

Limites de la 3D :

  • principe ALARA ;
  • coût
  • ne permet pas de localiser la CA ni la JEC ;
  • artefacts : gutta, obturations, résidus métalliques (tenons, cônes d’argent etc.). L’artéfact est défini comme une image anormale créée par la technique, sans signification diagnostique, mais pouvant gêner l’interprétation.

Cela induit des plages de perturbations hypodenses, plus ou moins intenses (zones d’ombre, bandes sombres) ainsi que des stries radiaires noires ou blanches, qui sont centrées sur les structures métalliques en question (11). (Fig. 6)

 

Localisateur électronique d’apex (LEA)

Cette méthode est la méthode choix pour la détermination de la longueur de travail. L’appareil fonctionne selon la loi de résistivité des tissus, plus connue en physique générale sous le nom de loi de Ohm (8). Il ne donne en aucun cas une mesure millimétrique de la longueur du canal, mais bien une localisation du foramen apical. La variation des chiffres sur l’écran indique uniquement une progression dans le canal. Les 2 seules indications fiables sont : « 0 » et « over » (10)

 

Utilisation :

- réaliser un contact électrode labiale + crochet localisateur afin de s’assurer du bon fonctionnement du LEA ;

- placement des électrodes : labiale + lime dans le canal ;

- chambre pulpaire sèche / canal humide (NaOCl) ;

- affichage écran : 0 —> avancer lime apicalement —> « OVER » —> retirer lime coronairement —> 0 (important pour s’assurer de la fiabilité du LEA ainsi que de la perméabilité apicale) ;

- placement du stop caoutchouc sur le repère coronaire choisit ;

- report de cette mesure sur une réglette de mesure en mm ;

- soustraction de 0,5 à 1mm : LT provisoire ;

- instrumentation du canal ;

- reprise de la LT en cours et à la fin du traitement : elle peut varier après instrumentation, selon la courbure du canal.

La précision à 0,5 mm est de 80 à 100% selon les études. (5, 8, 9)

 


 

Moteur endodontique avec LEA intégré

 

Dans un souci d’ergonomie, de gain de temps et de simplification des gestes opératoires, des moteurs d’endodontie couplés à des LEA ont été conçus. Une lime rotative montée sur le contre angle du moteur remplace alors la lime manuelle utilisée avec le LEA seul (Fig. 7). La préparation canalaire ainsi que la détermination de la LT se font de manière simultanée. Le praticien peut choisir entre la fonction « Auto Apical Stop », ce qui entraine un arrêt de la lime lorsque le « 0 » est atteint, et « Auto Apical Reverse », ce qui entraine une inversion de la rotation de la lime lorsque le « 0 » est atteint. (9)

La précision de la mesure de la LT est sensiblement la même qu’avec le LEA non couplé, selon les études. (10)

 

Avantages :

  • rapidité de traitement ,
  • confort et ergonomie de travail (car un seul appareil).

Inconvénients :

  • sur ou sous instrumentation si l’appareil n’est pas parfaitement paramétré : dans ce cas, le temps de réaction du praticien peut induire une sur instrumentation. Les auteurs démontrent plus de cas de sur-instrumentations et sur-obturation (8) ;
  • résultats aberrants si la chambre pulpaire est remplie d’hypochlorite de sodium. Il doit s’utiliser dans une chambre sèche (comme un LEA seul), ce qui va à l’encontre du principe des « 4 parois » et du réservoir constant d’hypochlorite de sodium.

Le temps de préparation mécanique du système endodontique diminué. Perçu comme un avantage, si le praticien consacre le même temps pour le traitement endodontique complet, il va par conséquent avoir un temps d’irrigation plus long. En revanche, il peut être perçu comme un inconvénient, si le praticien diminue le temps de traitement endodontique global, les irrigants auront moins de temps de contact avec l’endodonte.

 

La détermination de la longueur de travail est une étape clé du traitement endodontique. En adoptant une méthode systématique et réfléchie, les outils modernes (LEA) nous permettent de la mesurer de façon rapide, fiable et reproductible.

 

 

Bibliographie :

 

1. Perard M, Le Goff A, Hingant B, Le Clercq J, Perez F, Vulcain J-M, et al. Choix de La longueur de travail en endodontie, Limite Apicale Et de La Longueur de Travail. EMC. 2010 ; Odontologie (23-050-A-03).

2. Williams CB, Joyce AP, Roberts S. A comparison between in vivo radiographic working length determination and measurement after extraction. J Endod. 2006;32(7):624‐ 7.

3. Kuttler Y. Microscopic investigation of root apexes. J Am Dent Assoc 1939. 1955 May;50(5):544–52

4. Berman Louis H. Hargreaves Kenneth M, Cohen’s Pathway of the pulp.

5. Tinaz AC, Maden M, Aydin C, Turkoz E. The accuracy of three different electronic root canal measuring devices: an in vitro evaluation. J Oral Sci. 2002 Jun;44(2):91–5

6. Scarfe WC, Levin MD, Gane D, Farman AG. Use of cone beam computed tomography in endodontics. Int J Dent. 2009; 2009:1‐ 20.

7. Vanden Voorde H, Bjorndal AM. Estimating endodontic “working length” with paralleling radiographs. Oral Surg Oral Med Oral Pathol1969; 27:106.

8. Goes Cruz AT, Wichnieski C, et al. Accuracy of 2 Endodontic Rotary Motors with Integrated Apex Locator ; JOE. 2017-07-25

9. Christofzik DW, Bartols A, Khaled M, Größner-Schreiber B, Döfrier CE. The accuracy of the auto-stop function of different endodontics devices in detecting the apical constriction. BMC Oral Health. 2017 Nov 29;17(1):141.

10. Swarup a Ch, Sajjan GS, Sashi Kath Y. An in vitro stereomicroscopic comparative evaluation of a combination of apex locator and endodontic motor with an integrated endodontic motor. J Conserv Dent. 2013 Sep;16(5):458-61

11. R. Schulze et al., Artefacts in CBCT : a review. Dentimaxillofacial Radiology. 2011 Jyl; 40(5): 265-273