Gestion des alvéoles d’extraction

Dossier : L'alvéole, l'essentiel - volet 2

AO News #61 - Novembre 2023

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1. Gestion alveoles P. Margossian AO 62.
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De nombreuses techniques de préservation ont été décrites dans la littérature, parmi lesquelles le comblement alvéolaire et l’extraction implantation immédiate sont les plus utilisées. L’endodontie pré-extractionnelle et l’égression orthodontique demeurent d’excellentes techniques, mais leur caractère contraignant et le fait qu’elles rallongent fortement le temps de traitement expliquent leur faible diffusion.

 

Physiologie post-extractionnelle

 

L’indication d’une extraction dentaire sous-entend une causalité pathologique de l’organe dentaire lui-même ou de son environnement parodontal.

La présence d’un processus infectieux au sein de l’os alvéolaire est généralement associée à une destruction de ce même tissu. La localisation du défaut osseux est d’ailleurs fonction de son origine pathologique : endodontique, parodontale, liée à une fêlure radiculaire ou encore mixte.

Afin de ne pas créer de biais, certaines études sur sujet humain ont étudié l’évolution du procès alvéolaire exclusivement dans les cas de dents extraites pour des raisons orthodontique ou à cause de perte de substance très importante de la portion coronaire, rendant leur restauration impossible (2). Ainsi, on constate sur l’os alvéolaire muni de 4 parois un processus de résorption physiologique. La disparition de la dent et de son desmodonte hautement vascularisé ont une action sur le mécanisme de remaniement osseux post-extractionnel. Ce phénomène est parfaitement décrit dans la littérature sur modèle animal et humain (3,4) ; il aboutit à une perte horizontale d’environ 50% et verticale de 15 % en volume. Les corticales vestibulaires maxillaire ou mandibulaire se résorbent plus, sans doute en raison de leur finesse et à l’action plus marquée des fibres musculaires vestibulaires. (5)

Fig 1 & Fig 2


 

Comblement alvéolaire

 

La gestion de l’alvéole d’extraction doit se concevoir en 2 zones : la partie endo-osseuse et la partie muqueuse.

 

Bien que le comblement alvéolaire avec un biomatériau soit un acte très simple à réaliser, il n’en demeure pas moins que l’extraction de la dent peut, selon la situation clinique, s’avérer très délicate. Le terme d’extraction « atraumatique » résume en réalité l’ensemble des manœuvres visant à extraire une dent sans abimer son procès alvéolaire. Il conviendra ainsi de privilégier les séparations ou sections de racines et les mouvements de rotation doux, afin d’obtenir la luxation de la dent sans fracture de l’os environnant. Les meulages osseux périphériques seront à réaliser en dernier recours si aucune prise d’élévation sur la racine n’est possible.

Une fois la dent extraite, un curetage minutieux de l’alvéole doit être réalisé afin d’ôter tout le tissu de granulation. L’éthio-pathologie de la dent à extraire renseignera sur le temps nécessaire au curetage. Cette étape peut, elle aussi, s’avérer délicate en fonction de la complexité géographique de la lésion. Après un rinçage abondant de l’alvéole, un comblement va pouvoir être réalisé. Le choix du matériau est toujours une question cruciale. Bien au-delà des résultats de la littérature, l’observation clinique est à privilégier. Le résultat sera évalué selon les aspects quantitatif, qualitatif et en fonction du temps nécessaire à l’obtention d’un tissu osseux remanié et implantable.

Ainsi, les matériaux allogéniques (Biobank), grâce à un temps de résorption plus court, présentent le double avantage d’une réintervention plus rapide (environ 4 mois) et d’une meilleure intégration du matériau. A contrario, les xénogreffes (Bio-oss) nécessitent un temps d’attente plus long (6 à 8 mois) afin d’obtenir le même niveau d’intégration. Toutefois, leur faible résorbabilité est un facteur positif sur le maintien du volume. (6)

Fig. 3

Se pose maintenant le choix de la technique de fermeture de l’alvéole (7).

La réalisation d’une greffe gingivale conjonctive ou épithélio-conjonctive reste le nec plus ultra en termes de résultat. En effet, l’apport tissulaire dans la zone crestale va permettre de compenser partiellement l’impact vertical de la résorption alvéolaire. Cela présente en outre l’avantage de sceller l’alvéole et favoriser ainsi une meilleure maturation de la partie crestale du comblement. Du point de vue clinique, cela se traduit par la présence d’un os plus cortical en sommet de crête, ce qui s’avère très rare en l’absence de greffe de gencive. Cet apport tissulaire peut se faire alternativement par la mise en place d’un punch épithélio-conjonctif circulaire, par un greffon mixte conjonctif et épithélio-conjonctif (permettant d’épaissir également les versants vestibulaire et palatin) ou encore par un greffon conjonctif pédiculé issu de la rotation de la partie interne du lambeau palatin (8, 9).

Fig. 4

 

Une autre option consiste à faire le choix d’une fermeture simple par une éponge collagénique. Cette dernière a pour action d’éviter la dispersion du matériau de comblement durant les premiers jours suivant l’intervention, le temps que caillot et la fibrine qu’il contient prennent le relais. Il est évident que la réalisation d’une greffe gingivale concomitamme4nt à l’extraction accentue la technicité de l’acte et par conséquent son caractère opérateur-dépendant. Cette option ne sera retenue que pour le secteur antérieur maxillaire où l’enjeu esthétique est particulièrement important. L’option d’un déplacement coronaire du lambeau vestibulaire dans le but de fermer hermétiquement l’alvéole est à proscrire. En effet, cela a pour conséquence directe de déplacer la ligne muco-gingivale en direction coronaire, diminuant d’autant la barrière de tissu kératinisé fixe vestibulaire (10). Fig. 5

Le délai avant l’implantation dépend du choix fait au niveau du matériau de comblement. La présence de tissu mou sur la crête représente un potentiel intéressant pour les manœuvres de chirurgie muco-gingivale qui seront associées à l’implantation. Le choix d’une technique enfouie ou non sera avant tout conditionnée par la nécessité d’utiliser un deuxième temps chirurgical pour augmenter l’épaisseur des tissus mous. Si une mise en esthétique immédiate est possible dans un site ayant subi un comblement, une mise en fonction immédiate doit quant à elle être analysée avec beaucoup plus de prudence. En effet, un os greffé, surtout par des biomatériaux, n’a aucunement la permissivité de l’os natif.

 

Extraction implantation immédiate

 

Lorsque les conditions s’y prêtent, la pose immédiate de l’implant dans l’alvéole suite à l’avulsion représente une alternative intéressante à plusieurs titres (11).

La présence des 4 parois osseuses, notamment la vestibulaire qui est la plus fine, est un des facteurs de succès de ce protocole. La présence également d’un septum et / ou d’une réserve osseuse apicale est essentielle pour assurer un bon niveau de stabilisation primaire de l’implant. Toutefois la mise en place de l’implant ne suffit pas à elle seul à prévenir les phénomènes de résorption alvéolaire (12). En effet c’est le comblement alvéolaire autour de l’implant et la fermeture de l’alvéole d’extraction par une forme anatomique qui permet de maintenir le volume ostéo- muqueux (13). Ainsi, dans le secteur antérieur, l’extraction implantation et la mise en esthétique immédiates par une dent provisoire en sous-occlusion permettent au patient de bénéficier sans attendre d’une solution fixe et esthétique. Des réserves alimentaires seront nécessaires durant les premiers mois afin de limiter les micromouvements et assurer ainsi l’ostéo-intégration de l’implant.

La présence de la restauration provisoire va pouvoir soutenir les tissus mous et guider leur cicatrisation autour d’une forme anatomique. Ainsi, la bonne position 3D de l’implant, le comblement de l’alvéole, l’aménagement muqueux de la zone transgingivale et la réalisation d’une temporisation aux formes de contour adaptées sont les clés de succès de ce protocole. L’utilisation d’un système de rattrapage d’axe sur la dent provisoire comme sur la prothèse d’usage (AxI® Anthogyr) s’avère une aide précieuse pour conserver un axe implantaire à-même de s’inscrire dans l’anatomie de la dent naturelle et positionner conjointement un axé cingulaire au tournevis. Fig.6

 

Dans le secteur postérieur, le cahier des charges est légèrement différent. Si l’esthétique n’est pas le facteur principal, l’intérêt de l’implantation immédiate postérieure réside une fois de plus dans la préservation des volumes ostéo-muqueux. Comme pour les dents monoradiculées, l’implantation, le comblement de l’alvéole et sa fermeture par une pièce anatomique sur mesure permettent de maintenir les volumes tissulaires (14).

 

Ce protocole influera à la fois sur le rendu esthétique de la future restauration, grâce à un meilleur alignement des collets dentaires, et sur la partie fonctionnelle par un meilleur centrage de l’implant. L’absence de concavité cervicale prothétique et tissulaire permet ainsi une évacuation plus aisée du bol alimentaire lors de la mastication.  Fig.7

 

 


 

Conclusion

 

La gestion des alvéoles d’extraction par comblement et /ou implantation sont, lorsque les conditions initiales sont présentes, des options de choix pour obtenir une bonne préservation ostéo-muqueuse. Les actions de préservation seront toujours à privilégier afin de limiter, voire de faciliter les manœuvres de reconstruction. Bien au-delà de la bonne position spatiale de l’implant, c’est tout l’environnement ostéo-muqueux qui sera préservé. Cela dans de but d’optimiser l’esthétique et la fonction de la future restauration prothétique.

 

Bibliographie

1 : Mardas N, Trullenque-Eriksson A, MacBeth N, Petrie A, Donos N. Does ridge preservation following tooth extraction improve implant treatment outcomes. Clin Oral Implants Res 2015: 26 (Suppl 11): 180–201.

2: Schropp L, Wenzel A, Kostopoulos L, Karring T. Bone healing and soft tissue contour changes following single-tooth extraction: a clinical and radiographic 12-month prospec- tive study. Int J Periodontics Restorative Dent 2003: 23: 313– 323.

3: Trombelli L, Farina R, Marzola A, Bozzi L, Liljenberg B, Lindhe J. Modeling and remodeling of human extraction sockets. J Clin Periodontol 2008: 35: 630–639

4: Araujo MG, Lindhe J (2009). Ridge alterations following tooth extraction with and without flap elevation: an experimental study in the dog. Clin Oral Implants Res 2009: 20 :545-549.

5 : Tan WL, Wong TL, Wong MC, Lang NP. A systematic review of post-extractional alveolar hard and soft tissue dimensional changes in humans. Clin Oral Implants Res 2012: 23 (Suppl 5): 1–21.

6: Avila-Ortiz G, Gubler M, Romero-Bustillos M, Nicholas CL, et al. Efficacy of Alveolar Ridge Preservation: A Randomized Controlled Trial. J Dent Res. 2020 Apr;99(4):402–409.

7 : Meloni SM, Tallarico M, Lolli FM, Deledda A, et al. Postextraction socket preservation using epithelial connective tissue graft vs. porcine collagen matrix. 1-year results of a randomised controlled trial. Eur J Oral Implantol. 2015 Spring;8(1):39–48

8 : Jung RE, Siegenthaler DW, Hammerle CH. Postextraction tissue management: a soft tissue punch technique. Int J Periodontics Restorative Dent 2004: 24: 545–553.

9 : Stimmelmayr M, Guth JF, Iglhaut G, Beuer F. Preservation of the ridge and sealing of the socket with a combination epithelialised and subepithelial connective tissue graft for management of defects in the buccal bone before insertion of implants: a case series. Br J Oral Maxillofac Surg 2012: 50: 550–555.

10: Wang HL, Koichi Kiyonobu, Rodrigo F Neiva, Socket augmentation : rationale and technique. Implant Dent.2004 Dec;13(4):286-96.

11: Botticelli D, Berglundh T, Lindhe J. Hard-tissue alterations following immediate implant placement in extraction sites. J Clin Periodontol 2004: 31: 820–828.

12 : Arauja MG, Silva C, Souza AB, Sukekava F. Socket healing with and without immediate implant placement. periodontol 2000.2019 Feb;79(1):168-177

13: Chen ST, Darby IB, Reynolds EC. A prospective clinical study of non-submerged immediate implants: clinical outcomes and esthetic results. Clin Oral Implants Res 2007: 18: 552–562.

14 : Finelle G, Popelut A, Knafo B, Sanz Martín I. Sealing Socket Abutments (SSAs) in Molar Immediate Implants with a Digitalized CAD/CAM Protocol: Soft Tissue Contour Changes and Radiographic Outcomes After 2 Years. Int J Periodontics Restorative Dent 2021 Mar-Apr;41(2):235-244