Le cathéterisme en endodontie

Dossier l'Endodontie au quotidien

AO News #58 - Juin 2023

Télécharger
Le cathétérisme en endodontie AO 58.pdf
Document Adobe Acrobat 990.8 KB

 

Introduction

 

On considère que le taux de succès d’un traitement de première intention en endodontie est de 85 à 94% (1).

Les études ont montré que les échecs étaient notamment attribués à la persistance de bactéries intra radicualires dans les parties non instrumentées du canal que ce soit dans les isthmes, canaux latéraux ou à l’apex (1, 2, 3,4). Ainsi, maitriser les trajets canalaires et obtenir la perméabilité est essentiel pour effectuer une bonne désinfection et augmenter le pronostic.

Définition

Le cathétérisme est une étape primordiale dans le traitement endodontique. Il est la première rencontre entre les limes et le réseau canalaire. Il n’y a pas de consensus sur la définition exact de ce que l’on appelle cathétérisme ou glydepath. Cependant on peut considérer qu’il s’agit de l’expression du trajet physiologique vers le foramen apical. Il est alors une sorte d’une pré préparation ou pré shaping. (5)

En effet il s’agit de retrouver le tracé originel du canal pour lui «coller » parfaitement lors de la mise en forme (6).

Cette pénétration initiale permet donc à la fois l’évaluation de la « perméabilité » et le repérage tactile de l’anatomie canalaire (7). L’expression de smooth tunnel, que l’on retrouve dans la littérature, image d’ailleurs bien la volonté d’obtenir un trajet « harmonieux » jusqu’à la constriction apicale en respectant son anatomie. En effet le réseau canalaire peut présenter certaines particularités : courbures, coudes, dédoublement, isthmes mais aussi des calcifications ou rétrécissements. L’insertion d’une lime de reconnaissance lors de cette étape va alors nous permettre de prendre connaissance de ces obstacles et de créer une image mentale du réseau canalaire. On peut donc adapter notre séquence en fonction de ces conditions et réaliser notre mise en forme. (fig 1)

Technique de base manuelle

Cette première exploration se fait le plus souvent avec une lime 8 ou 10 précourbée à la précelle ou au doigt et sans forcer. Cette insertion d’abord passive peut ensuite faire place à un travail de l’instrument dans le canal pour progresser jusqu’à longueur de travail. La détermination la plus sure de la longueur de travail (LT) se fait aujourd’hui avec un localisateur d’apex (8) (9). Le fait de précourber la lime lui permet de se faufiler directement dans la courbure sans butter contre les parois. Il est parfois nécessaire d’élargir le tiers coronaire pour éliminer certaines contraintes. (fig 2)

Les limes utilisées pour cette étape sont le plus souvent des limes K et des limes MMC en acier. Les limes K évitent les fausses routes et leur pas serré résiste bien à la fracture. En revanche, elles sont fabriquées par torsion et se « déspiralisent » lors de leurs insertion et travail. Il faut donc les jeter après utilisation si trop de forces ont été appliquées dessus. A l’inverse les limes MMC, plus rigides, sont usinées et non torsadées et évitent ce phénomène. Cependant elles ne doivent pas être utilisées en élargissant trop le canal car elles modifient son anatomie.  (fig 3)


Minimal invasive et glydepath

 

La préparation canalaire a été pensée au départ pour l’obturation. Il s’agissait de préparer suffisamment largement le canal pour y insérer des fouloirs d’un certain diamètre. Mais aujourd’hui la dentisterie se veut plus conservatrice. Et comme pour du collage où l’on va tenter de préserver au maximum l’email et la dentine, on va également essayer en endodontie de préserver au mieux cette dentine radiculaire et d’être moins invasif. De cette philosophie découle une succession d’innovations technologiques qui ont permis la création d’instruments mécanisés de plus en plus fins et résistants pour préserver le tissu dentaire tout en palliant les difficultés anatomiques.

La première révolution est celle des instruments en NiTi présentant une grande flexibilité due à leurs propriétés super élastiques. Plus récemment l’invention du traitement thermique de ces instruments en NiTi a permis d’améliorer la super élasticité et la résistance à la fracture (10). Il s’agit d’un procédé de chauffage et refroidissement qui va venir modifier la structure des alliages et améliorer les propriétés mécaniques. Ainsi, les firmes vont proposer, avec ou sans insertion au préalable d’une lime de reconnaissance, des systèmes de limes ayant pour but de « retracer » le trajet canalaire jusqu’à la LT. Ces limes de faible conicité et faible diamètre sont alors capables de mieux résister à la fracture. Plus largement il s’agit d’éviter que l’instrument ne s’engaine trop dans la dentine et se casse.

Les instruments mécanisés permettent aussi par rapport aux limes manuelles de diminuer le risque de déviation et transport du canal, et respecteraient mieux l’anatomie originale du réseau canalaire en plus d’un temps de travail moins important (11). Parmi les instruments mécanisés on va retrouver 2 types de mouvements : celui de rotation continue et celui de réciprocité. L’un consiste en une rotation à plus ou moins grande vitesse. L’autre à une alternance de mouvements horaire et anti horaire. De nombreux instruments ont été ainsi conçus exclusivement pour cette étape préliminaire de glidepath mécanisé.

Plusieurs études ont montré que le temps de travail et le risque de fracture étaient diminués pour des omnipraticiens utilisant des systèmes en réciprocité. Le temps de travail reste le même pour les spécialistes mais le risque de fracture est également diminué avec ce mouvement (12) (13). fig 4 à 6


 

Séquence de cathétérisme

 

On peut diviser les anatomies en 3 types canaux : les simples, intermédiaires ou complexes.

Canal simple : canal droit et large

Canal intermédiaire : canal fin mais modérément calcifié et/ou légère courbure

Canal complexe : canal calcifié et/ou forte courbure ou double courbure ou présence de butée

Plus un canal est fin et courbe, plus il faut le préparer à recevoir la séquence de mise en forme. Il faut donc travailler en amont le canal avec des limes manuelles ou des instruments de glidepath mécanisés. Il sera parfois utile de combiner les 2. Pour chaque cas a été envisagé une séquence manuelle et/ou mécanisée type à titre d’exemple

(NB : entre chaque passage de lime une phase d’irrigation est nécessaire).

iGP= instrument de glidepath mécanisé

LT= longueur de travail

Fig 7 à 17



 

Irrigation et cathétérisme

 

Il est essentiel d’irriguer dès les premières étapes de traitement. En effet le pouvoir lubrifiant de l’hypochlorite va diminuer les forces de résistance et permettre à la lime de glisser plus facilement dans le canal. 

Le pouvoir chélatant de certaines solutions notamment de l’EDTA peut modifier la structure de la dentine radiculaire et permettre en la rendant moins dure une progression plus aisée jusqu’à l’apex (14).

Son acidité permet une déminéralisation et donc un élargissement des tubulis dentinaires entrainant une modification de la perméabilité. Son utilisation est donc particulièrement intéressante dans le cas de dents calcifiées associée à des instruments de faible diamètre et conicité (15). Enfin le renouvellement de la solution permet de faire remonter les débris organiques et inorganique afin qu’ils n’encombrent pas les spires des instruments.

Et demain ? La place du cathétérisme ? 

Si on se projette un peu plus loin dans l’avenir, on peut se demander si le principe même du cathétérisme et du glidepath ne remplacera pas la mise en forme en endodontie. En effet, l’amélioration des techniques d’activation des solutions d’irrigation permet un nettoyage chimique de zones inaccessibles pour nos instruments mécaniques (16). Puisqu’une grande partie des surfaces canalaires ne sont pas touchées lors de la mise en forme (17), le cathétérisme peut devenir un moyen de ménager un passage jusqu’à l’apex pour l’irrigation, et non plus une étape avant d’élargir le canal. La désinfection chimique devient alors ici largement prépondérante adhérant aux principes de conservation tissulaire.

C’est dans cette idée qu’a été créé le Gentlewave (Sonendo). L’objectif de cet objet est de nettoyer l’ensemble du réseau canalaire, et notamment les anatomies les plus complexes. L’activation se fait par l'émission d’ondes soniques créant des chocs qui vont se diffuser dans la solution. Il s’accompagne d’une technologie de dégazage de l’hypochlorite avant l’injection et d’un phénomène de pression négative (18). L’optimisation de l’irrigation permet de se contenter d’un travail mécanique minimal, de l’ordre d’un cathétérisme mécanisé. Le protocole est aujourd’hui bien maîtrisé, et permet un meilleur nettoyage que des systèmes plus communs et comparables comme l’EndoVac et l’activation ultrasonique (19). 

 

Conclusion

 

La tendance actuelle va vers une simplification des séquences de traitement endodontique. Dans la même optique, l’apparition des instruments de glidepath mécanisés permet d’obtenir la perméabilité canalaire de façon plus simple et plus rapide. A cela s’ajoute l’utilisation de solutions d’irrigation qui facilitent la progression des instruments dans le canal. Le praticien peut alors en tenant compte de l’anatomie de la dent et de ses obstacles préparer la séquence la plus adaptée. Le cathétérisme est déterminant pour le succès du soin en endodontie et il devient accessible à tous les praticiens. Il correspond par ailleurs à une approche minimal invasive du traitement endodontique vers lequel l’avenir s’oriente.

A retenir

- Le cathétérisme se fait généralement avec une lime de reconnaissance manuelle : lime K08 ou K10 précourbée. Certaines marques proposent des systèmes permettant de réaliser cette étape plus rapidement et en diminuant les risques de fracture ou de déportation du canal.

- Il faut constamment irriguer à l’hypochlorite de sodium pour assurer une bonne désinfection mais aussi pour lubrifier les instruments. L’utilisation de chélatants comme l’EDTA permet via son action déminéralisante d’obtenir plus facilement la perméabilité canalaire sur des canaux calcifiés.

- Il faut évaluer la difficulté du cathétérisme, et adapter sa séquence à l’anatomie canalaire.

 

 

Bibliographie

1) Sjögren U, Figdor D, Persson S, Sundqvist G. Influence of infection at the time of root filling on the outcome of endodontic treatment of teeth with apical periodontitis. Int Endod J. 1997;30(5):297–306. 

2 ) Sjogren U, Hagglund B, Sundqvist G, Wing K. Factors affecting the long-term results of endodontic treatment. J Endod. 1990;16(10):498–504. 

3) Simon JH, Enciso R, Malfaz JM, Roges R, Bailey-Perry M, Patel A. Differential diagnosis of large periapical lesions using cone-beam computed tomography measurements and biopsy. J Endod. 2006;32(9):833–7 

4) Lin LM, Skribner JE, Gaengler P. Factors associated with endodontic treatment failures. J Endod. 1992;18(12):625–7. 

5) WestJD.TheendodonticGlidepath: »Secrettorotary safety". Dent Today 2010; 29: 90. RuddleCJ, MachtouP, WestJD. Endodonticcanalpreparation innovations in glide path management and shaping canals. Dent Today 2014; 33: 118–23. 

6) GunesB,Yesildal Yeter K. Effects of different glidepath files on apical debris extrusion in curved root canals. J Endod 2018; 44: 1191–4. 

7) E Laurent, J M Laurichesse, M Lacazedieu, A Auther .Endodontic technics. Canal preparation PMID: 65754158) 

8) Lumnije Kqiku , Peter Städtler .Radiographic versus electronic root canal working length determination PMID: 22484869 DOI: 10.4103/0970-9290.94666 

9) Vaishali Parekh , Chirag Taluja . Comparative study of periapical radiographic techniques with apex locator for endodontic working length estimation: an ex vivo study

PMID: 22186757 DOI: 10.5005/jp-journals-10024-1022 

10) Ajuz NC, ArmadaL, Goncalves LS,Debelian G,Siqueira JF Jr. Glide path preparation in S- shaped canals with rotary pathfinding nickel-titanium instruments. J Endod 2013; 39: 534–7. 

11)Hartmann RC,Peters OA,deFigueiredo JAP,Rossi-Fedele G. Association of manual or engine- driven glide path preparation with canal centring and apical transportation: a systematic review. Int Endod J 2018; 51: 1239–52. 

12) Ana Belén Dablanca-Blanco, Ana Arias , María José Ginzo-Villamayor , María Consuelo Pérez , Pablo Castelo-Baz , Benjamín Martín-Biedma . Influence of operator expertise on glide path and root canal preparation of curved root canals with rotary and reciprocating motions PMID: 34699669 DOI: 10.1111/aej.12585 

13) Gianluca Plotino, DDS, PhD Influence of Negotiation, Glide Path, and Preflaring Procedures on Root Canal Shaping—Terminology, Basic Concepts, and a Systematic Review 

14) H Pawlicka,Goldberg et Abramovich,.The use of chelating agents for widening of the root canals. Determination of microhardness PMID: 695606015 

16) Gutarts, R., Nusstein, J., Reader, A., & BeckK, M. (2005). In Vivo Debridement Efficacy of Ultrasonic Irrigation Following Hand-Rotary Instrumentation in Human Mandibular Molars. Journal of Endodontics, 31(3), 166–170. 

17) Peters, O. A., Schonenberger, K., & Laib, A. (2001). Effects of four Ni-Ti preparation techniques on root canal geometry assessed by micro computed tomography. International Endodontic Journal, 34(3), 221–230.), 

18) Molina, B., Glickman, G., Vandrangi, P., & Khakpour, M. (2015). Evaluation of Root Canal Debridement of Human Molars Using the GentleWave System. Journal of Endodontics, 41(10), 1701–1705.) 

19) Haapasalo, M., Wang, Z., Shen, Y., Curtis, A., Patel, P., & Khakpour, M. (2014). Tissue Dissolution by a Novel Multisonic Ultracleaning System and Sodium Hypochlorite. Journal of Endodontics, 40(8), 1178–1181.).