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Modification du protocole chirurgical du lambeau déplacé coronairement pour le recouvrement d’une récession parodontale unitaire

AONews #22 - Novembre 2018


Introduction

 

Les récessions parodontales désignent une dénudation radiculaire due au déplacement du bord marginal de la gencive par rapport à la jonction amélo-cémentaire (American Acadademy of Periodontology, 1996). Elles sont plus fréquentes en vestibulaire et souvent associées à différents facteurs : un brossage traumatique, un morphotype parodontal fin, une proéminence radiculaire, un frein iatrogène. Ces différents facteurs peuvent être isolés ou combinés.

Les principales indications pour le traitement des récessions sont : les sensibilités dentinaires, l’évolutivité de la dénudation radiculaire et le caractère inesthétique. (1)

De nombreux protocoles chirurgicaux ont été décrits afin de recouvrir partiellement ou totalement la récession avec un tissu esthétiquement identique aux dents adjacentes. Lorsqu’il persiste du tissu kératinisé de qualité apicalement à la récession, un lambeau positionné coronairement (LDC) seul ou combiné (un tissu conjonctif enfoui ou des dérivés de la matrice amélaire ou une membrane) est le protocole qui donne les meilleurs résultats en termes de recouvrement et d’esthétique. (2) Mais à long terme différents facteurs pourraient influer sur la stabilité des résultats comme le morphotype parodontal, les techniques de brossage ou une malposition (3).

Le lambeau positionné coronairement a évolué au cours du temps : d’abord décrit par Allen & Miller en 1989 (4), Pini Prato et coll. l’ont fait évoluer dans le positionnement des décharges en 2005 (5) et des concepts sans décharges, afin d’augmenter la vascularisation, ont vu le jour avec les travaux de Zucchelli depuis 2009 (6)

 

Analyse d’article

 

« Coronally Advanced Flap with Different Designs in the Treatment of Gingival Recession: A Comparative Controlled Randomized Clinical Trial. »

Cet article est une étude comparative entre 2 protocoles chirurgicaux : le lambeau déplacé coronairement trapézoïdal décrit par De Sanctis et coll en 2007(7) et le lambeau déplacé coronairement triangulaire décrit par Zucchelli en 2016.

Les limites du lambeau trapézoïdal sont essentiellement esthétiques avec des brides cicatricielles chéloïdiennes. Le taux de recouvrement complet (CRC) obtenu par ce protocole est de 96,7% pour des récessions de classe I et II de Miller. (7)

50 patients avec 50 récessions unitaires maxillaires de classe I et II de Miller ont été inclus dans l’étude. Chez ces patients il persiste au moins 1 mm de tissu kératinisé (TK) apicalement à la récession avec une jonction amélo-cémentaire parfaitement identifiable.

Les dents présentant des lésions cervicales d’usures ou carieuses traitées par des restaurations ont été exclues de l’étude, quand bien même il a été démontré qu’il n’y avait pas de différence statistiquement significative dans le recouvrement entre les dents présentant des restaurations cervicales et les dents saines (8), celles-ci pouvaient être un biais sur du long terme.

 

Description du protocole chirurgical utilisé

 

Tous les patients ont bénéficié d’une thérapeutique non chirurgicale au préalable avec modification des techniques de brossage et sont stabilisés au niveau parodontal.

Les patients sont répartis aléatoirement en 2 groupes :

- Groupe Control : patients traités par lambeau déplace coronairement trapézoïdal

- Groupe Test : patients traités par un lambeau déplacé coronairement triangulaire

Dans le groupe contrôle trapézoïdal il est réalisé :

- une incision intrasulculaire au niveau du zénith de la récession,

- 2 incisions horizontales qui sont situés à Y mm depuis le sommet des papilles (Y correspond à la hauteur de la récession + 1mm),

- les 2 incisions horizontales se prolongent par 2 incisions verticales au delà de la ligne muco gingivale,

- le lambeau est de pleine épaisseur en regard de la récession (partie qui recouvrira la dénudation radiculaire est donc plus épaisse pour s’opposer à la nécrose tissulaire) et d’épaisseur partielle ailleurs et s’étend au-delà de la ligne muco gingivale.

 

Dans le groupe Test triangulaire l’objectif est de reformer chirurgicalement deux nouvelles papilles qui vont s’adapter aux papilles de depart. La difficulté est donc de définir où positionner les incisions de décharges afin d’obtenir deux « nouvelles papilles chirurgicales ».

 

- Une récession parodontale est schématisée sur la figure 1

- La distance passant par les papilles 1 mm au-dessus de la jonction amélo-cémentaire est mesurée à l’aide d’un fil souple type fil orthodontique (Fig. 2)

- Le fil est translaté en passant par le sommet de la récession (Fig. 3) et les bords sont repliés vers le sommet de la récession (Fig. 4) afin de déterminer les niveaux des 2 incisions verticales (Fig. 5) qui permettent de recréer « deux nouvelles p

- Deux incisions verticales obliques sont réalisées, parallèles à la marge de tissu mous des dents saines adjacentes et s'étendent au-delà de la ligne mucogingivale. (Fig. 6)

- la marge de tissu mous des dents saines adjacentes est désepithelialisée et est recouverte lors du repositionnement coronaire du lambeau (Fig. 7 et 8)

- Le lambeau est d’épaisseur partielle sauf en regard de la récession ou il est de pleine épaisseur. (Fig. 9)

- Un lambeau de frome triangulaire est ainsi libéré et permet un déplacement coronaire (Fig. 10)

En post-opératoire il a uniquement été prescrit des antalgiques et des bains de bouche à la chlorhexidine (0,12%) trois fois par jours pendant 4 semaines.

A 1 an post-opératoire il n’y a pas de différence statistiquement significative sur le recouvrement entre le groupe test et le groupe contrôle.

En revanche sur les résultats esthétiques on note une différence qui s’accentue avec le temps. Le lambeau triangulaire obtient de meilleurs résultats sur la couleur et son intégration esthétique avec le parodonte environnant. Pour le lambeau trapézoïdal l’apparition d’une bride chéloïdienne apparait chez 40% des sujets à 1 an.

Malgré les limites de l’étude, notamment une absence de résultat à long terme (>1an), les auteurs concluent que les deux protocoles de lambeaux déplacés coronairement permettent d’obtenir d’excellent résultats en termes de recouvrement mais les résultats esthétiques du lambeau triangulaire, meilleurs que ceux du lambeau trapézoïdal, conduisent les auteurs à privilégier ce protocole dans des situations esthétiques.

 

Discussion

 

La limite la plus importante dans ce protocole chirurgical est de déterminer le point de départ des incisions de décharge mais aussi de parfaitement désepithelialisée les anciennes papilles jusqu’à leurs extrémités et de parfaitement adapter les nouvelles papilles chirurgicales.

L’apparition moins importante de brides chéloïdiennes à 1 an est un progrès pour les demandes esthétiques mais celles-ci peuvent apparaitre secondairement à plus d’un an. il serait donc nécessaire d‘avoir des études à plus long terme afin de suivre l’évolution de ce paramètre.

Cet article rapporte seulement 25 cas cliniques traités par lambeau triangulaire. Un échantillon plus important de patients aurait permis d’avoir une meilleure analyse de ce protocole chirurgical.

L’analyse esthétique est trop subjective et les paramètres rapportés ne sont pas standardisés. L’analyse colorimétrique est faite visuellement et pourrait au vu des progrès technologiques s’appuyer sur des critères plus fiables.


Rapport de cas

Conclusion

 

Face à une récession parodontale unitaire les tracés d’incisions ont évolué au cours du temps. La création de nouvelles papilles chirurgicales permet une meilleure adaptation du lambeau et d’augmenter les résultats pour l’intégration esthétique. La difficulté de positionnement des incisions de décharge nécessite obligatoirement une attention particulière afin d’optimiser nos résultats.

 

 

Bibliographie

 

1. American Academy of Periodontology. Consensus report on Mucogingival Therapy. Proceedings of the World Workshop in Periodontics. Ann Periodontol 1996;1:702–706.

2. Roccuzzo M, Bunino M, Needleman I, Sanz M. Periodontal plastic surgery for treatment of localized gingival recessions: A systematic review. J Clin Periodontol 2002;29:S178–S194

3. Tatakis DN, Chambrone L, Allen EP, et al. Periodontal soft tissue root coverage procedures: a consensus report from the AAP Regeneration Workshop. J Periodontol. 2015;86:S52– S55

4. Allen EP, Miller PD. Coronal positioning of existing gingiva: Short term results in the treatment of shallow marginal tissue recession. J Periodontol 1989;60:316–319.

5. Pini Prato et al. coronally advanced flap: the post-surgical position of the gingival margin is an important factor for achieving complete root coverage. Journal of Periodontology 76, no. 5 (May 2005): 713–22.

6. Zucchelli et al. Coronally advanced flap with and without vertical releasing incisions for the treatment of multiple gingival recessions: a controlled RCT. Journal of Periodontology 80, no. 7 (July 2009): 1083–1094.

7. De Sanctis M, Zucchelli G. Coronally advanced flap: A modified surgical approach for isolated recession type defects: Three-year results. J Clin Periodontol 2007;34:262–268.

8. Richardson CR, Allen EP, Chambrone L, et al. Periodontal soft tis- sue root coverage procedures: practical applications from the AAP Regeneration Workshop. Clin Adv Periodontics. 2015;5:2–10

 

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