Introduction
Laser, grande question : réelle utilité ? Quelle valeur ajoutée dans nos traitements classiques ?
La même polémique s’est posée il y a plus de trente ans avec le traitement implantaire. Les pionniers de l’implantologie étaient montrés du doigt et passaient pour des apprentis sorciers. Actuellement l’implantologie est présente à l’échelon international dans toutes les conférences. Malheureusement nombre de détracteurs du laser ne l’ont jamais utilisé et le rejettent sans argumentation fondée, alors que dermatologues, ophtalmologistes, phlébologues et autres spécialistes médicaux l’utilisent avec succès dans leurs traitements et ne remettent pas en cause son efficacité.
Le cas clinique présenté ci-dessous amène à réfléchir sur le plan de traitement et sur la décision de conserver ou non des dents dont le pronostic de conservation à court et moyen terme serait engagé.
Le laser interviendra à différentes étapes du plan de traitement : lors du traitement chirurgical (avulsion et pose d’implant), du traitement parodontal (poches parodontales profondes de 18 mm), du traitement de caries profondes, du traitement endodontique, du traitement de régénération osseuse, de la prise d’empreinte et enfin lors de multiples bio stimulations.
Objectif : améliorer dans chaque discipline les résultats per et post opératoire, diminuer les suites (douleur, œdème, inconfort), accélérer la cicatrisation et obtenir la pérennité de nos restaurations. Enfin assurer la réussite du traitement.
Présentation du cas clinique
Monsieur S, 59 ans, sans antécédents médicaux, se présente en urgence avec des douleurs irradiantes du maxillaire droit.
L’examen clinique (Fig. 1) montre un bridge dento-porté 17.16.15 très mobile, une gingivite gingivorragique, une douleur à la percussion sur 17 et 15 ainsi qu’une violente douleur à la palpation vestibulo apicale. Les tests de vitalité sont négatifs La radiographie met en évidence des abcès apicaux ainsi qu’une lyse osseuse importante péri radiculaire, un sinus procident et une importante destruction osseuse sous-sinusienne (Fig. 2). L’analyse scanner axiale montre l’ostéolyse crestale sur 17 et 15. (Fig. 3 et 4)
La coupe coronale en 15 montre une destruction osseuse totale s’étendant au-delà de l’apex avec perforation de la corticale en vestibulaire. (Fig. 5) La coupe coronale en 18 montre une alvéolyse atteignant presque l’apex de la dent. (Fig. 6) La coupe coronale en 17 montre une destruction totale de l’os atteignant le plancher sinusien, créant une communication et une inflammation de la membrane de Schneider. (Fig. 7 et 8).
La réussite d’un traitement dépend de plusieurs facteurs qui vont de la compétence du praticien à l’observance du patient en passant par l’utilisation d’une instrumentation adaptée. Il faut évaluer à chaque phase de traitement la faisabilité de l’étape suivante. Dans ce cas-ci, à la lumière des éléments cliniques et radiographiques, les piliers du bridge maxillaire droit semblent inconservables ainsi que la 18 mobile et cariée. La notion d’information du patient prend toute sa valeur car il va orienter notre position.
Monsieur S ne veut ni prothèse amovible, ni greffe osseuse et veut une réhabilitation occluso prothétique qui soit la plus rapide possible. Or, un plan de traitement comprenant des extractions des 15.17.18, suivies d’un comblement sinusien 2 mois après, puis pose de 3 implants 6 mois post greffe et enfin la réalisation d’une prothèse implanto portée 4 mois après, nous amène à un total de 15 mois avec des risques de complications. Chaque acte de chirurgie : greffe, membrane, implants, apporte son lot de complications et la sommation de toutes ces complications peut compromettre le projet final (Bert M.).
Nonobstant la longueur du traitement, le cout, non négligeable, du traitement suscite nombre de questions, de réflexion et parfois de découragement. Le traitement le plus conservateur possible sera proposé.
Extraction laser associé
Le bridge 17.16.15 est déposé. La 17 est extraite dans un premier temps. Les racines sont recouvertes d’un important tissu de granulation mélangé à du tartre. (Fig. 9) La coupe coronale en 17 (Fig. 10) objective une absence de corticale vestibulaire. L’alvéole de la 17 est curetée, l’action irradiante du laser va dans un premier temps, par effet photo acoustique et photo ablative, débarrasser l’alvéole des tissus pathologiques résiduels en respectant la structure osseuse (Fig. 11). L’alvéole sera ensuite irriguée par de l’eau oxygénée 10 volumes qui sera activée par le laser dans le principe de la thérapie photo dynamique (Fig. 12) puis le laser agira en perforant la corticale interne de centaines de petits orifices microscopique (Er YAG 20 hertz 250 mj Tip chisel). Le sang remplira l’alvéole qui sera à son tour irradiée en faveur d’une coagulation. Ainsi, la réalisation d’une membrane occlusale protectrice isolera le caillot nouvellement formé de la cavité buccale par l’action du laser Er YAG à 12 hertz et 120 mj en utilisant un Tip de 600 microns de diamètre.
Evolution du plan de traitement
La 17 non conservable a été extraite. Après analyse des images scanner, (Fig.13 et 14), se pose le problème de mettre un implant en 16 et de conserver la 15. Une zone d’ostéolyse d’environ 5 mm entoure l’apex de la 15, la destruction du tissu osseux est en distale de la 15 et l’élargissement desmodontal est important du côté mésial. Cette dent a une mobilité extrême classée niveau 4 (signe de Béliard), mobilité axiale et latérale. Un problème se pose : si la 15 est extraite et que le patient désire une solution fixe, il ne reste que la pose d’un bridge de 5 éléments. Ce bridge s’appuiera sur la 14 et la 18 qui est alvéolysée. La stabilité de cette prothèse risque d’être compromise et ce type de reconstruction ne fait pas partie des données acquises de la science. Quid de la pose d’un implant en 16 dans un secteur fortement alvéolysé avec une hauteur sous sinusienne réduite ? Dans un premier temps, la conservation de la 15 sera tentée.
Endo paro laser associé
La mise en place d’un cône de gutta (Fig. 15) met en évidence la profondeur clinique de la poche parodontale objectivée par la radio rétro alvéolaire (Fig. 16). Au cours de cette séance, l’action irradiante du laser se fera à la fois dans la poche parodontale de 15 et dans l’alvéole déshabitée de 17 (Fig. 17). Le retrait du cône de gutta avec son extrémité en tire-bouchon confirme la totale lyse périphérique apicale (Fig. 18). Le traitement canalaire de cette dent mortifiée se fera avec le laser ND YAP, avec la fibre de 320 microns, à une fréquence de 10 Hz et une énergie de 400mj dans des mouvements de va et vient sous irrigation d’une solution d’hypochlorite de sodium à 2.6%. La figure 19 montre l’obturation canalaire finale après condensation à chaud. On constate un léger dépassement de pâte à l’apex. Dans la semaine suivante, pour palier toute infiltration bactérienne intempestive, un inlay core claveté est scellé définitivement (Fig. 20). La radiographie réalisée un mois après l’extraction montre une amélioration de la situation parodontale de 15 en faveur d’une reconstruction osseuse. Une dent provisoire est immédiatement réalisée, en sous-occlusion, pour éviter toute surpression occlusale (Fig. 21). On note une amélioration de l’état muco gingival sur le site de la 16. Un coiffage pulpaire indirect est réalisé sur la 18 (Fig. 22). Traitement réalisé au laser ND YAP (fibre 320 microns, 160 mj à 30 Hz), après éviction du tissu carieux en mésial de cette dernière. Le même réglage sera utilisé pour traiter les poches parodontales autour de cette dent sous irrigation d’eau oxygénée 10 vol.
Implanto laser associé
L’image coronale du scanner en 16 nécessite une augmentation de la hauteur osseuse sous sinusienne (Fig. 23). Une simulation de la pose d’implant par transparent interposé le situe dans la cavité sinusienne (Fig. 24). Après un premier forage, dans la bonne position et le bon axe du futur implant, l’ostéotome va effracter la corticale sous sinusienne, décoller la membrane de Schneider et la soulever (Fig. 25). L’ostéotome évolue par percussion frappée avec un maillet chirurgical de mm en mm créant un puits osseux qui sera stimulé par des actions laser courtes (Er YAG 25 Hz 200 mj) dont l’effet sera de créer des petits orifices dans les parois osseuses du puits de forage, les rendant plus plastiques et facilement déformables. Lorsque la corticale sous sinusienne est franchie (Fig. 26), le laser Er YAG va coaguler le saignement intra osseux (tip diamètre 600 microns, énergie 120 mj et fréquence 12Hz). Une membrane caoutchouteuse est ainsi réalisée. L’implant est alors vissé dans ce coagulat amélioré et énergétisé par le laser (Fig. 27). La vis de couverture de l’implant est alors vissée en position sous gingivale (Fig. 28). La radio à moins de 2 mois post op (Fig. 29) montre une amélioration très nette du tissu péri implantaire.
Réalisation prothétique laser associé
A ce stade, on peut déterminer la nature de la réhabilitation occluso-prothétique de l’hémi-maxillaire droit : bridge implanto-dento porté de 4 éléments avec 18 et 15 comme pilier dentaire et 16 comme pilier implantaire. La 18 conservera sa vitalité. Après dévissage de la vis de couverture de l’implant 16 (Fig. 30) et mise en évidence d’un bon bandeau de gencive kératinisée autour du col implantaire (Fig. 31), l’empreinte (Fig. 32) est réalisée après mise en place d’un faux moignon d’empreinte (Fig. 33) et de son contrôle radiologique (Fig. 34). Un faux moignon est placé une semaine après (Fig. 35) et torqué à 32 Newtons cm après contrôle radiographique (Fig. 36). Le bridge est alors scellé provisoirement (Fig.37) et le contrôle radio (Fig.38 et 39) permet d’apprécier la qualité de la cicatrisation osseuse péri dentaire et péri implantaire. Mais il faudra attendre plusieurs mois pour une reconstruction ad integrum car ce processus est en évolution constante. Les figures 40 et 41 montrent une évolution significativement favorable 6 mois la pose du bridge et 13 mois après le début du traitement.
Action et argumentation
Les bases du laser
La pénétration du faisceau laser dans un tissu dépend de son absorption dans l’hémoglobine, la mélanine, l’hydroxyapatite, le collagène et l’eau constituant ce tissu. Chaque longueur d’onde sera absorbée différemment. L’objectif est d’atteindre ce tissu de façon très localisé, d’obtenir une bonne prestation avec la plus faible diffusion thermique. La puissance est calculée à partir de la formule reliant l’énergie délivrée par le laser au temps d’impulsion. Le mode d’émission pulsé permet la libération de lumière laser par paquets de photons avec de très courtes impulsions entrecoupées de période de repos qui offre un temps de relaxation thermique du tissu irradié. Le travail se fait par puissance de crête. Ce qui produit des effets mécaniques sur les tissus.
Présentation des deux lasers
Le Nd YAP, dont la longueur d’onde est 1340 nm se situe dans l’infrarouge. Il est pulsé. Il élimine la boue dentinaire, permet l’hémostase, la chirurgie des tissus mous ainsi que la décontamination endodontique ; sa forte puissance de crête permet de volatiliser des instruments métalliques fracturés dans les canaux.
L’Er YAG dont la longueur d’onde est 2940 nm se situe dans l’infrarouge. Il est pulsé. Il élimine le tissu carieux, la boue dentinaire, permet le surfaçage radiculaire, mais il est peu hémostatique. Il est indiqué dans la chirurgie des tissus durs et mous, dans la décontamination endodontique et dans le traitement des poches parodontales.
La PDT est une réaction photochimique utilisée pour la destruction sélective de cellules cibles. Les tissus adjacents ne subissent aucun dommages et l’équilibre de la fore buccale est préservée (Séguier S, 2008) et (Ficheux H. 2009).
Ces deux lasers peuvent faire de la « Low Laser Level Therapy » ou LLLT. La LLLT Stimule les processus de cicatrisation.
Principes : appliquer des énergies faibles et répétées sans produire d’échauffement, basé sur l’activation enzymatique de certains processus cellulaires favorisant la prolifération du collagène, des cellules épithéliales et endothéliales, des cellules de la dentine et ostéoblastes, par stimulation de la pompe Na+ / K+ des membranes cellulaires. L’irradiance doit être faible inférieure à 500 mW /cm². (Bouvet-Gerbettaz, 2012)
L’action combinée de ces deux lasers représente une valeur ajoutée à différentes étapes du traitement.
Sur la chirurgie : contrôle du processus inflammatoire aigu ou chronique en réduisant l’œdème post opératoire en stimulant les cellules endothéliales, la synthèse des fibres de collagène associée à la restructuration de la matrice extracellulaire. Donc, stimulation du processus de cicatrisation, gestion de l’analgésie et accélération de la régénération tissulaire. Effets dus à l’augmentation de l’activité mitochondriale. (Karu T. 1987) Des études sur le tissu osseux montrent une augmentation de l’activité des phosphatases alcalines, du nombre des vaisseaux sanguins et de la différenciation ostéoblastique. Desmons SO (2010) démontre une augmentation de ponts vasculaires en réponse au stress de la chaleur dans les aires osseuses irradiées.
Sur la parodontologie : la Thérapie Photo Dynamique ou PDT joue un rôle incontesté dans l’accélération des processus impliqués dans la réparation tissulaire. Les bactéries colonisent l’espace parodontale, s’organisent en biofilm, envahissent la poche parodontale et leur production d’enzymes fait progresser la maladie parodontale. (Bezzina, 2010)
Le contrôle des possibles dommages thermiques est basé sur les temps d’application, la fluence et la vitesse de déplacements de la fibre. L’Erbium très absorbé dans l’eau et dans l’hydroxyapatite sont à l’origine d’une vaporisation explosive superficielle du tissu irradié, absence de diffusion en profondeur, effet thermique très superficiel de l’ordre du micron et des tirs de courte durée de l’ordre de la micro seconde. L’Erbium agit par vaporisation de l’eau, par l’augmentation de la pression interne qui se poursuit par des micros explosions de la structure sans dommage sur la surface cémentaires (Schwartz F. et al, 2001 et 2003) et (Aoki, 1994 et 2000).
L’Erbium YAG à 80 mj, 10 Hz, muni d’un chisel saphir à une fluence de 6,15 j/cm² élimine rapidement les calculs tartriques. (Keller U et al. 1997) Par effet photomécanique il agit sur la charge bactérienne et les cellules sollicitées dans les processus de l’immunité cellulaire (destruction de la paroi bactérienne) destruction d’endotoxines telles que les LPS. Sa pénétration en profondeur est de l’ordre de 0.5 à 1 mm. Desmons SO, (2010) observe une augmentation de protéines de choc thermique dans les aires osseuses irradiées.
Le laser est donc indiqué dans la chirurgie parodontale et dans le traitement des tissus durs (Vescovi P et al. 2016).
Sur l’endodontie : le laser facilitera la désinfection canalaire par l’élimination de la couche d’enduit de boue dentinaire qui est un mélange de produit inorganiques et organiques incluant des bactéries et leurs produits de dégradation (enzymes, endotoxines, acide).
Les bactéries sont protégées par un biofilm que les solutions d’irrigation telle NaCIO ne peuvent traverser (Svenstater G, 2004). Alors que l’hypochlorite de sodium ne pénètre que de 40 à 130 µm dans les tubulis dentinaires et que les bactéries peuvent les coloniser jusqu’à 1 mm, le laser en chauffant cette solution et par effet photo acoustique permet une pénétration jusqu’à 1000 µm (Olivi G, 2013). Le laser va activer les solutions d’irrigation en augmentant la température. Le laser peut induire une couche d’enduit ainsi qu’une modification de structure (recristallisation, fusion et carbonisation en faveur d’une fermeture des tubuli.
Dans la technique LAI ou irrigation laser activé (Ordinola-Zapata R. 2013 et Matsumoto H, 2011), la fibre est insérée dans le canal (fibre de diamètre de 300 microns) à une énergie de 75mj à 11 Hz pendant 15 secondes, 3 à 4 fois en alternant NaOCl et EDTA. La technique PIPS ou Photon Induced Photoacoustic Streaming, a une action photo acoustique et photo mécanique, avec une énergie de 20 à 50 mj, une fréquence de 10 à 15 Hz et avec des impulsions de 50 µsecondes, à une puissance moyenne de 0.2 à 0.5 W. Chaque impulsion interagit avec les molécules d’eau à une puissance de crête de 400 à 1000 W, créant un phénomène d’onde de choc conduisant à la formation d’un flux puissant à l’intérieur du canal sans effet thermique. On obtient un écoulement turbulent à une distance de 21 mm de la pointe, les vitesses obtenues avec PIPS sont 4 fois supérieures à celles des ultrasons. La pointe de la fibre a une longueur de 9 mm et 600 µm de diamètre (Di Vito E ,2012).
Hulsmann M (2005), utilise l’association PIPS et EDTA pour éliminer complètement la boue dentinaire. D’autres auteurs utilisent la fibre 400 µm positionnée dans la chambre pulpaire avec une énergie entre 20 à 50 mj et à une fréquence 10 à 15 Hz, pour un temps d’irradiation de 20 à 40 sec renouvelé 2 fois (Olivi G et al. 2014).
Sur l’odontologie conservatrice : le laser est indiqué dans la prévention des lésions carieuses par la diminution de la solubilité des cristaux d’hydroxyapatite, (Appel C 2004, Castellan CS 2007) et permet l’éviction du tissu carieux sans l’échauffement tissulaire qui mettrait en péril la vitalité pulpaire. (Renton-Harper P 1992, Curti M 2005). Il permet en outre le traitement de l’hypersensibilité dentinaire par la stimulation des cellules nerveuses. (Kimura Y 1991). Pour le coiffage pulpaire, certains auteurs utilisent une énergie de 50 à 80 mj, une fréquence très basse à 5 Hz qui ne génère aucune douleur, sans irrigation, en défocalisé (Schoop U et al. 2007, et Jayawardena JA 2001).
Sur la question du sinus lift : quand on sait que le nombre de complications après chirurgie par abord latéral et de procès de patients mécontents est depuis quelques années en progression constante, il est préférable d’adopter une technique moins longue, moins onéreuse et moins risquée.
Déjà, en 2011, le rapport de la MACSF concernant Implantologie et comblement de sinus est accablant. On note une augmentation importante des déclarations : 77 en 2007, 100 en 2008, 124 en 2009, 136 en 2010, en corrélation avec une augmentation de la pratique de ces actes, mais pas uniquement, en ce qui concerne la chirurgie implantaire. Problème exclusivement lié à la chirurgie implantaire (88, contre 38 en 2008, 59 en 2009, 60 en 2010) : péri implantite, absence ou défaut d’ostéointégration, douleurs, infections, mise en charge immédiate, communications bucco sinusiennes (CBS), sinusite, échec de greffe osseuse ou de soulevé de sinus, lésions nerveuses avec perte de sensibilité ou paresthésies (ces dernières liées pour l’essentiel à une absence de précautions ou de mesures radiologiques préopératoires).
Dans notre cas clinique précité, le Sinus lift se fera sans greffe, sans matériau étranger, sans membrane, sans chirurgie complexe et sans lambeau. Une technique chirurgicale simplifiée, sera associée à la technologie laser jouant ici le rôle de stimulant de l’ostéogénèse par la libération de facteurs de croissance, par la néoangiogénèse, par la transformation des tissus rencontrés (amélioration du biotype gingival).
Description du protocole opératoire
Anesthésie de la zone édentée préalablement désinfectée à la Bétadine. Le laser réglé avec une fluence réduite va balayer ces zones pour faire réagir dans un premier temps les tissus mous superficiels. Une fraise boule pénètre la gencive au point du futur forage. Puis un forêt de 1 .5 mm de diamètre va pénétrer l’os sur 3 mm et une radiographie rétroalvéolaire, tuteur de parallélisme en place va objectiver la bonne position de l’axe du futur puits de forage Les ostéotomes vont fracturer la corticale sous sinusienne et compacter l’os périphérique. Leurs passages seront entrecoupés d’irradiations laser pour accélérer le caillot et provoquer des ondes de choc par vaporisation explosive de l’os spongieux. Le laser Erbium YAG va alors stimuler ces puits : diamètre de fibre 400 microns, 20 hertz et 250 mj par impulsion dans le but de créer des pertuis dans l’os, des points hémorragiques et provoquer une onde de choc qui va déplacer la membrane qui sera soulevée par le souffle du laser, la vaporisation explosive et la projection de sang. Une modification de la fluence 12 Htz 120 mj va alors accélérer la coagulation et le puits de forage sera rempli d’un caillot de sang organisé avec libération immédiate de facteurs de croissance. Une étude de Gavriel et Dana Kesler, Yariv Siman et George Romanos sur la sécrétion de PDGF montre que l’irradiation de l’os par un laser Erbium YAG génère une meilleure cicatrisation à court et long terme par rapport aux techniques conventionnelles. Quand le puits de forage correspond à la longueur de l’implant, il est aussitôt soumis à une nouvelle irradiation laser de basse fluence pour accélérer la coagulation et le dépôt de fibrine à l’entrée du puits. L’implant est alors vissé sans irrigation et à vitesse très lente jusqu’à obtenir un ancrage solide avec une stabilisation primaire de bonne qualité. Enfin, l’application de laser à la même fluence sans air et sans eau va souder le caillot en noyant la vis de couverture de l’implant, pour faire un bouchon de cicatrisation de 2ème intention que le tissu épithélial va recouvrir sans s’invaginer dans le caillot du puits de forage. Cette opération n’aura duré que quelques minutes. Trois mois plus tard l’implant est operculisé au laser par un programme thermo mécanique d’ablation tissulaire, dont l’avantage par rapport à d’autres lasers est de ne pas endommager le titane. La vis de couverture est retirée.
Mode d’action du laser :
Le mode d’action principal du laser (Dahan et coll.) consiste à induire une réaction inflammatoire du tissu conjonctif superficiel et moyen. Cette réaction inflammatoire de faible niveau est suivie d’une activation et d’une prolifération fibroblastique à l’origine de la formation d’un néo collagène et à terme d’un remodelage du tissu conjonctif.
L’utilisation d’un laser dont la longueur d’onde est préférentiellement absorbée par l’eau présente dans la gencive, entraîne une élévation de température modérée. Le laser dont la longueur d’onde est préférentiellement absorbée par les vaisseaux superficiels de la gencive entraîne une activation plaquettaire ; les plaquettes pourraient jouer un rôle important dans ce phénomène de remodelage (Mordon S. 2001 et 2002). Leur transmigration, suivie d’une dégranulation, conduit à la libération de plusieurs facteurs de croissance (PDGF, TGF-ß…) qui stimule les fibroblastes et par conséquent la production de néo collagène. Une modification de la température intervient au niveau du site :
Dès 45 °: apparition de phénomènes de vasodilatation et de dommage endothélial
A 50° : disparition de l’activité enzymatique
A 60° : désorganisation des membranes cellulaires et dénaturation des protéines dont la structure tertiaire est définie par des liaisons fortes (pont disulfure) et faibles (liaisons H et hydrophobes). La chaleur n’altère pas les ponts disulfures, ni les liaisons covalentes mais elle rompt les liaisons H. Ainsi la protéine dénaturée a une structure plus allongée ; elle est plus visqueuse en solution
Entre 60° et 70° : les protéines plasmatiques sont dénaturées et augmentent la viscosité du sang. Le collagène est aussi une protéine mais sa résistance à la chaleur est supérieure car sa structure est plus hiérarchisée. Le procollagène se présente sous la forme d’une triple hélice polypeptidique maintenue en place par des liaisons H. L’association par des liaisons covalentes de plusieurs unités de procollagène forme une fibrille collagène. C’est l’association de plusieurs fibrilles par l’intermédiaire de liaisons ioniques et H grâce à la présence d’eau (liquide interstitiel) qui forme une fibre de collagène. L’échauffement produit une évaporation du liquide interstitiel.
A 75° : les liaisons H inter fibres créées grâce à la présence de liquide disparaissent avec l’eau. Enfin la chaleur provoque un démasquage des groupements réactifs susceptibles de former des liaisons hydrophobes. Ceci entraîne une augmentation importante des liaisons hydrophobes et glycoprotéines qui forment alors une « colle » : la fibronectine. Ce processus qui apparaît à 75°, modifie la structure tissulaire et s’accompagne d’une réaction tissulaire avec déshydratation totale. Si la température s’élève rapidement à 100°, la vaporisation du liquide interstitiel conduit à la volatilisation des constituants tissulaires et à la destruction de l’architecture du tissu. Enfin, dès que l’eau a disparu, en fonction de la température atteinte, apparaissent des phénomènes de carbonisation et de combustion des composants organiques. Le résultat médical de l’action thermique du laser n’est pas seulement dû à l’échauffement induit par l’absorption de la lumière, mais aussi au processus cinétique de cette transformation.
La photothérapie dynamique : L’association de l’eau oxygénée à 10 volumes et du laser permet une action bactéricide sur les germes anaérobies parodonto-pathogènes. L’effet photo thermique va dissocier la molécule d’eau oxygénée pour libérer dans le milieu des ions OH-, H+ qui sont bactéricides, de l’eau H2O, de l’ozone indispensable dans les réactions immunitaires et de l’oxygène singulet fortement bactéricide
La Biostimulation du laser modifie l’équilibre cellulaire par des réactions photochimiques, photoélectriques et photo thermiques produites par des énergies faibles pendant des temps d’application plus longs. Un faisceau de photons déclenche des modifications du métabolisme cellulaire. Les quanta de lumière sont absorbés par la cellule qui réagit par un processus de régulation cellulaire : action sur la chaîne respiratoire et augmentation de l’ATP ainsi que l’activation des cellules liée à son état physiologique. Il en résulte une prolifération des macrophages, des lymphocytes, des fibroblastes, des cellules endothéliales, des kératinocytes et une libération de facteurs de croissance.
Conclusion
Entre le début et la fin du traitement, 8 mois seulement se sont écoulés. Le laser a permis de booster la cicatrisation osseuse et d’obtenir un volume osseux acceptable et assaini pour poser un implant et conserver 2 dents qui au départ semblaient compromises. Le patient est tenu de faire des contrôles clinique et radiologique tous les 3 mois pendant 2 ans puis tous les 6 mois comme il est stipulé dans le consentement éclairé remis en début de traitement. Une hygiène rigoureuse sera nécessaire pour pérenniser ce traitement complexe. En conséquence, le laser est un accélérateur de cicatrisation avec des suites opératoires favorables. Cet outil thérapeutique a une action anti inflammatoire sans les inconvénients des anti inflammatoires. L’adhésion du patient à ce traitement est totale. Cette méthode, sans complications est rapide, sûre et respectueuse de la biologie des tissus traversés. Ses principaux atouts sont : réduction ou suppression des douleurs post opératoires, absence d’infections sinusiennes, réduction du coût pour le patient, augmentation de la vitesse de cicatrisation permettant une mise en charge plus précoce. Le laser apparaît ici comme un instrument de choix comme stimulateur biologique en limitant la survenue de processus infectieux ou inflammatoires, permettant ainsi la réduction de consommation d’antalgiques, d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires.
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