Patrick PHILIP (Nice)
Izahk BINDERMAN (Tel Aviv)
Gérad SCORTECCI (Nice)
Le tissu osseux représente au sein du corps humain un complexe multi cellulaires semi rigide doté de propriétés élastiques. Ce complexe multicellulaire qui renferme les cellules souches et le tissu hématopoïétique est en résonance constante avec ce monde interne qu’il protège et l’environnement externe dans lequel l’homme devra évoluer pour survivre. L’os apparait comme une structure tissulaire que la nature a créée dans le but de pouvoir transmettre des contraintes en tension/compression, en cisaillement et en torsion sur de longues distances. De telles contraintes sont nécessaires dès que le squelette est soumis à la gravité ou que l’individu fournit une activité musculaire. Tous les tissus osseux des os de la tête et du corps sont associés et mobilisés par les muscles. Les os de toutes les composantes du tissu osseux vont donc subir en permanence des variations de tensions liées à l’exercice et à la gravité transformant ainsi tout os en un capteur de contrainte qui devra répondre et s’adapter en permanence au cours du temps à ces variations de tensions.
Julius Wolff à la fin des années 1800 (Wolff J.D. 1892) stipule un principe à savoir que la forme externe d’un os s’adapte en fonction des contraintes auxquelles l’os est soumis. La deuxième contribution de Julius Wolff concerne l’optimisation de l’architecture interne des os, c’est-à-dire des trajectoires trabéculaires à l’intérieur des cavités médullaires (Frost HM 1994). Les trabécules ne sont pas orientées au hasard mais suivent un arrangement qui est lui-aussi gouverné par les sollicitations externes. Ainsi, un os long diminue sa courbure et se redresse afin de mieux répondre à des contraintes appliquées le long de son axe principal.
La forme de chaque os représente la mémoire de forme donc de structure d’une espèce. La forme et la structure de l’os seront associées à une fonction dans le cadre d’une contrainte de forme liée à sa fonction et à la gravité. La forme et donc sa structure sont génétiquement définiés et reproduitesau cours du temps (mémoire de l’espèce) grâce aux cellules souches (mémoire de la vie) et aux contraintes biomécaniques qu’elles subissent en permanence de par l’exercice et la gravité (Vico et al.,. 2000).
Le tissu vasculaire permet à tous les tissus de communiquer entre eux et donc d’être tous thermorégulés. Si le tissu osseux structure l’être humain, le tissu hématopoïétique qu’il renferme permet à tous les tissus de l’organisme de s’oxygéner, de se défendre et de maintenir l’intégrité du réseau vasculaire. Ces trois tissus dérivent tous de la même cellule souche mésenchymateuse produite au niveau du mésoderme primitif, l’un des trois feuillets embryonnaires dérivés de l’épiblaste après le processus de gastrulation. Cette cellule souche est commune, à titre de rappel, aux lignées cellulaires ostéo-cartilagineuses, musculaires striés, adipeuses, vasculaires, et hématopoïétiques ainsi qu’à toutes les cellules chargées de la production des Matrices Extra Cellulaire (MEC). Cette cellule souche va persister au cours de la vie adulte et va donc être impliquée dans tous les processus cellulaires de réparation et de régénération du tissu osseux. Cette cellule souche est observée principalement au niveau de deux structures histologiques de l’os, le périoste et l’endoste, mais peut être aussi localisée dans la circulation sanguine ainsi que dans de très nombreux autres tissus de l’organisme.
Les tissus osseux, hématopoïétique et vasculaire représentent donc bien des entités complexes multi tissulaires et interdépendantes. Ces complexes sont en permanence en résonnance au sein de l’entité du corps humain au travers des tensions musculaires révélatrices des relations et des tensions du monde externe et interne pour maintenir un équilibre et une harmonie interne définis sous le terme d’homéostasie.
Sur le plan embryonnaire, l’ossification endochondrale se développe à partir de ces cellules souches mésenchymateuses amenées par les vaisseaux qui ont pénétrés dans l’ébauche cartilagineuse pour produire l’os trabéculaire et l’os alvéolaire.
L’ossification endoconjonctive est quant à elle produite dans le périoste où se niche d’autres familles de cellules mésenchymateuses qui vont être à l’origine de la formation de l’os cortical primaire après la transformation du périchondre en périoste. Puis, dans un deuxième temps, cette structure corticale primaire multi lamellaire va progressivement être transformée par le remaniement osseux en os cortical haversien avec l’apparition des premiers ostéons.
Les premiers ostéoclastes nés de l’hématopoïèse qui s’est développé dans la moelle osseuse avec l’arrivée des vaisseaux et des cellules souches mésenchymateuses, vont pénétrer l’os cortical primaire. Un bourgeon vasculaire va suivre ces ostéoclastes qui creusent l’os cortical primaire pour pouvoir amener progressivement des cellules souches mésenchymateuses et des ostéoblastes dans le canal de Havers creusé par l’ostéoclaste. Ces cellules souches vont donc permettre simultanément in situ, l’accroissement du réseau vasculaire cortical et la production des précurseurs osseux, les ostéoblastes qui vont tapisser les faces internes du canal de havers puis le refermer par voie centripète pour former un ostéon. Le bourgeon vasculaire, au centre des « Bone Multicellular Units » (BMU) ordonne donc chronologiquement ces phénomènes de résorption et de formation osseuse à partir d’une cellule souche commune, la cellule souche mésenchymateuse. Un BMU peut prendre deux formes suivant sa localisation (Frost HM, 1969). Sur une surface, il va produire une érosion localisée connue sous le nom de « lacune de Howship ». À l’intérieur d’un trabécule ou dans l’os cortical, le BMU va s’activer en formant un « cône de coupe », c’est-à-dire fonctionner comme un tunnelier en érodant le minéral ancien sur une surface approximativement circulaire et en redéposant de l’ostéoïde. En histologie, cette forme de réparation est connue sous le nom de « remaniement Haversien ». Le nombre de BMU actifs simultanément est estimé de 1 à 3 millions. Leur densité sur des coupes histologiques est de 1 à 2 par mm2. La durée de vie d’un BMU est de six à neuf mois, durée pendant laquelle il érode et redépose environ 0.05mm3 de tissu osseux (Frost HM, 1989).
Ces ostéoclastes vont ainsi permettre de développer la constitution d’un réseau de canaux, les canaux de Havers qui communiquent tous entre eux par les canaux de Volkman jusqu’au canal médullaire. Ces réseaux de canaux intra-osseux qui renferment les vaisseaux sanguins, vont ainsi permettre d’établir une continuité vasculaire entre le réseau vasculaire cortical péri-osseux et le réseau vasculaire intra-médullaire.
Ce réseau de canaux va permettre in fine :
Toute déformation d’une pièce osseuse va donc engendrer une modification du déplacement de fluide à l’intérieur de la structure osseuse. Les cellules osseuses sont capables de détecter ces minimes variations de pressions sur la MEC et d’envoyer par méchano transduction des signaux aux cellules de surface de l’endoste afin d’augmenter le nombre d’ostéoblastes et donc, la déposition de nouvelles couches minérales.
Ce mécanisme montre bien que les ostéocytes ne sont pas isolés dans leur lacune mais fonctionnent comme un réseau cellulaire interconnecté par l’intermédiaire :
Par ailleurs, ces fluides sont fortement chargés électriquement. En se déplaçant, ils vont entraîner des ions et créer une différence de potentiel électrique locale. Ce phénomène est appelé « Streaming potentials ». Ces variations de potentiels peuvent avoir des actions sur la migration, la croissance et la différenciation des cellules souches (Sundelacruz et al.,. 2009 ; Sundelacruz et al.,. 2015 ; Levin et al.,. 2017 ; McLaughlin et al.,. 2018).
La circulation intra-osseuse présente une double particularité : l’os est une cavité close où la pression intra-osseuse doit être maintenue constante. C’est en partie pour cela que les structures vasculaires, notamment veineuses, sont particulièrement malléables
Cette circulation intra-osseuse va ainsi permettre avec le liquide interstitiel qui circule entre le réseau des ostéocytes, les fibres de collagène et les cristaux d’hydroxyapatite :
Ainsi sur le plan vasculaire, l’ostéonécrose aseptique et l’infarctus osseux peuvent être les conséquences d’oblitérations vasculaires aiguës alors que l’ostéoporose peut être les conséquences de l’artériosclérose.
Une autre des particularités de la structure du tissu osseux est donc de pouvoir se résorber et se régénérer en permanence à partir de ces cellules souches mésenchymateuses pour maintenir ces complexes tissulaires fonctionnels en parfaite résonnance au travers d’un équilibre méchano biologique complexe (Wiskott HWA, 2011).
L’os cortical, qui s’est développé autour des vaisseaux contenus dans les canaux de Havers et de Volkman, est composé sur un plan structural de deux éléments : Le premier élément est constitué par la partie organique associant les cellules du tissu osseux et des fibres, principalement du collagène de type I, mais également des glycosaminoglycanes produits par des ostéocytes. Ces fibres sont toutes interconnectées pour former un réseau fibrillaire qui constitue la partie organique de ce tissu osseux (35%). Le deuxième élément est constitué par la partie minérale, associant les cristaux d’hydroxyapatite produits par les cellules osseuses et incrustés autour de ces fibres de collagène (65%). Ces cristaux d’hydroxyapatite ont la forme de plaques hexagonales de 40-50 nm de long et 2-5 nm d’épaisseur. Chaque cristal représente une unité fonctionnelle pour les échanges ioniques au travers de deux zones fonctionnelles : une zone profonde où les échanges ioniques sont lents et une zone superficielle avec une coque d’hydratation où les échanges sont très rapides avec le liquide interstitiel qui diffuse à partir et vers les vaisseaux sanguins, au travers de toutes les composantes de la fraction minérale et organique. Du fait de leur forme et de leur nombre, les cristaux d’hydroxyapatite offrent une surface considérable (de l’ordre de 10 à 200 m2 par gramme de tissu osseux). Toutes ces composantes, minérale et organique du tissu osseux, sont structurellement liées et inter-reliées entre elles par des récepteurs multiples et divers tels que l’ostéocalcine, l’ostéonectine, l’ostéospondine, la thrombospondine…Le liquide interstitiel en diffusant entre ces cristaux va déposer ou libérer les composants phosphocalciques permettant une régulation de la calcémie.
L’os apparait donc comme un composite organique dans lequel les fibres assurent la résistance en tension et les minéraux, la résistance en compression.
Le Dr Robert O. Becker, chirurgien orthopédiste, a mis en évidence qu'une compression sur un os produit un courant électromagnétique par piézoélectricité. Ainsi, une compression mécanique entraîne un courant électrique et inversement, un courant électrique sur cette structure entraîne une réaction mécanique.
In vivo, quel que soit l'espèce animale, une l'activité physiologique normale produit de 2 000 à 3 500 microdéformations, sachant qu’une microdéformation correspond à un allongement ou un rétrécissement relatif d’un millionième de la longueur totale du spécimen. Si ces microdéformations sont inférieures à 1 000 microdéformations, le tissu osseux tend à disparaître : la résorption l'emporte alors sur l'apposition.
Dans le monde dentaire, l’os est souvent perçu comme un tissu qui doit être « protégé » des contraintes par peur d’une surcharge et la crainte d’une résorption. En fait, c’est la démarche opposée qui s’applique car c’est la sous-stimulation de l’os qui provoque sa diminution de masse. Au contraire, si ces microdéformations sont supérieures à 4 000 microdéformations, il y a augmentation de la masse osseuse : l'apposition l'emporte alors sur la résorption. Nombre de publications ont attribué la perte d’intégration d’un implant dansde son lit osseux à une surcharge mécanique. Cependant cet effet n’a jamais pu être reproduit expérimentalement car il est virtuellement impossible de « désintégrer » un implant sous des charges masticatoires normales.
Le remodelage de l’os repose actuellement sur trois hypothèses non exclusives.
Les mécanismes par lesquels l’os détecte les augmentations de contrainte et réagit par une augmentation de masse ne sont que partiellement élucidés. Compte tenu de l'étendue de son apparition dans le corps, le remodelage osseux est un processus complexe qui fonctionne en étroite coordination avec d'autres processus physiologiques aussi divers que le métabolisme énergétique, le cycle veille-sommeil et la reproduction. Les circuits neuronaux dans le cerveau jouent un rôle très important dans la coordination du remodelage osseux et remplissent cette fonction en synchronisation avec les signaux hormonaux environnementaux et périphériques (Quiros-Gonzalez I et Yadav VK, 2014).Quiros-Gonzalez I et Yadav VK, 2014). La structure du tissu osseux va ainsi résulter d’un développement et d’une homéostasie complexe co-intégrant ainsi simultanément :
Du fait des variations de tensions qu’il subit durant tout son développement, le tissu osseux va devoir développer des mécanismes biologiques spécifiques et complexes qui vont lui permettre de s’adapter en permanence aux variations des contraintes mécaniques externes qui lui sont imposées. L’objectif pour ce tissu osseux élastique, est de parvenir à conserver cet équilibre subtil qui maintienne avec son micro environnement la mémoire de forme de l’espèce au cours de la vie et sa structure au cours du temps.
Si les cellules souches sont localisées et protégées à l’intérieur du tissu osseux, certaines vont le quitter et circuler en permanence au travers du réseau vasculaire de l’os, mais aussi de tout l’organisme pour participer à la réparation et à la régénération de tous les tissus.
Les tissus osseux, hématopoïétique et vasculaire apparaissent donc comme une complexe tripartite indissociable, dérivée d’une cellule souche commune, la cellule souche mésenchymateuse qui va avec son microenvironnement
Par définition, toute cellule souche a la capacité de s’auto-renouveler indéfiniment par division cellulaire et de se diviser de manière asymétrique donnant naissance à de nouvelles cellules souches et à des cellules progénitrices qui vont proliférer, tout en se différentiant jusqu’aux stades des précurseurs de lignées du tissus osseux, hématopoïétique et vasculaire. A ce stade, les cellules vont s’arrêtées de proliférer et vont se différencier en produisant les molécules fonctionnelles et spécifiques de la lignée cellulaire impliquée dans cette évolution. Les cellules souches ont donc pour mission d’assumer le renouvellement et l'homéostasie des tissus de l'organisme tout au long de l'existence.
Chaque cellule souche n’est jamais totalement isolée dans les tissus. Elle est toujours associée et connectée à des cellules du microenvironnement, les cellules stromales regroupées autour des cellules souches pour constituer des niches cellulaires. La niche est une structure anatomique et fonctionnelle qui assure la maintenance et la régulation des fonctions des cellules souches. Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) ont leur propre niche spécifique, située au sein de la moelle osseuse chez l'adulte. Celle-ci doit assurer à la fois la maintenance des cellules souches et l'hématopoïèse, mais aussi réguler la mobilisation des cellules souches en dehors de la niche dans le sang circulant. et leur adressage à nouveau dans la niche. La situation et la composition de cette niche sont encore très mal connues.
Deux types de niches ont été décrites au sein de la moelle osseuse : les niches endostéales et les niches vasculaires. De nombreux arguments expérimentaux sont en faveur d'une localisation de CSH près de l'endoste, les cellules de la lignée ostéoblastique en étant le principal composant. L’ostéospondine apparait comme un élément capital dans cette niche endostale en attirant, retenant et régulant ainsi le devenir de ces CSH au sein de cette niche (Nilsson et al, 2005). Toutefois, d'autres résultats indiquent que des CSH pourraient se situer aussi en région péri vasculaire, à proximité immédiate des capillaires sinusoïdes de la moelle. Les cellules composant cette niche vasculaire, outre les cellules endothéliales, seraient composées d’un ensemble de cellules souches situées en amont des cellules souches mésenchymateuses et d’autres encore plus immatures situées autour et dans la paroi vasculaire.
Récemment, l'existence d'une troisième niche, de type mésenchymateuse péri-vasculaire, a été proposée comme étant le chaînon manquant entre les niches endostéales et vasculaires. Il est actuellement admis que les niches endostéales, principalement constituées par les ostéoblastes d'origine mésenchymateuses et les ostéoclastes d'origine hématopoïétique, participent au maintien des CSH en quiescence ainsi qu'à l'expression de leur fonctionnalité (Frenette et al.,. 2013, Yu et al.,. 2015).
Enfin, la participation du système neuro-sympathique, des cellules de Schwann ainsi que des lymphocytes Treg, a apporté une nouvelle dimension neuro-immune à la régulation par les niches médullaires. Au sein de telles niches, la régulation des CSH fait intervenir des interactions avec les différents types cellulaires (cellules stromales, cellules mésenchymateuses, cellules ostéo-compétentes, adipocytes, cellules endothéliales…), des facteurs diffusibles (cytokines, chimiokines...), des molécules de la MEC et des éléments environnementaux tels que la concentration en oxygène et en calcium (Haylock et al.,. 2005).
La question de la dualité de la niche hématopoïétique, ostéoblastique et vasculaire, ou de son unicité, n'est pas actuellement résolue. Toutefois, quel que soit le modèle, la niche semble résulter d'un duo entre cellules souches mésenchymateuses et hématopoïétiques.
La compréhension du fonctionnement des niches de cellules souches, qui peuvent être permanentes ou transitoires, est devenue un sujet majeur pour les sciences fondamentales et la médecine. Il est important de comprendre ces interactions multiples et complexes (Fig. 1) et trouver des réponses aux questions :
Impacts d’un trauma osseux sur les interactions tissulaires en implantologie
Tout trauma osseux produit lors de la pose d’un implant dentaire, va induire une désorganisation de ces structures osseuses donc de leur homéostasie.
Tout acte d’implantologie, va donc induire et produire au sein du tissu osseux du fait du trauma :
Tout acte d’implantologie va enfin enclencher, du fait du trauma, une réponse inflammatoire qui va amplifier à des degrés variables ces perturbations biomécanique et fluidique :
Qu’est-ce qu’une réponse inflammatoire ?
La réponse inflammatoire est par définition la réponse de l’organisme à une agression de l’atteinte de l’intégrité tissulaire, et ce, quel que soit l’agent responsable de cette agression. L’atteinte de l’unité fonctionnelle du tissu osseux par l’activation ou la rupture d’une anse capillaire en est le facteur déclenchant. Cette atteinte initiale est suivie d’une cascade d’évènements qui se succèdent dans le temps au travers de 53 phases que le praticien se doit d’appréhender et de maitriser (Fig. 2) :
Toute réparation tissulaire après un traumatisme tissulaire ne pourra donc se faire sans l’implication et la coordination de chacune de ces phases de la réponse inflammatoire. Cette réponse inflammatoire qui est chargée de réparer l’intégrité et la fonctionnalité tissulaire répond à des séquences chrono biologiques bien précises. L’accompagnement de cette réponse inflammatoire par le chirurgien est primordial. Le praticien pourra aboutir selon son niveau de maîtrise :
Toute atteinte de la structure et des composants du tissu osseux qui ne peut pas être gérée physiologiquement par les processus de réparation et de cicatrisation, dépendant de la réponse inflammatoire, conduira à une réponse inflammatoire chronique délétère avec une fibrose synonyme d’échec en implantologie.
Dans un organisme sain, le système immunitaire inné fournit la première ligne de défense contre les signaux de danger externes ou internes, en déclenchant une réponse inflammatoire protectrice qui se développe au cours du temps par différentes phases, de l'initiation, et de l'inflammation complète à la résolution et au rétablissement de l’intégrité des tissus. La première phase d'une réaction inflammatoire vise à détruire les agents pathogènes.
La seconde phase d’une réaction inflammatoire est la phase d'élimination des cellules mortes et mourantes, de la matrice extracellulaire endommagée et des débris cellulaires pour aboutir à une phase de récupération dans laquelle le tissu est réparé et entièrement fonctionnelle.
En fait, si la défense contre les menaces est une priorité pour éviter les dommages tissulaires, maintenir l'homéostasie (c'est-à-dire maintenir la morphologie tissulaire et la fonction tissulaire) est l'objectif ultime d'un tissu dans des organismes multicellulaires.
Dans cette perspective, l'inflammation a vraisemblablement évolué comme une réponse adaptative à un dysfonctionnement tissulaire ou à un déséquilibre homéostatique. Ainsi, alors que l'état de la maladie est un déplacement de l'homéostasie, l'inflammation est la réponse tissulaire pour restaurer l'homéostasie. Cependant, étant donné que les activités inflammatoires sont potentiellement nocives pour l'hôte, celles-ci doivent être étroitement contrôlées pour éviter des dommages tissulaires excessifs.
Les propriétés fonctionnelles des macrophages varient selon leur distribution tissulaire et leur état d’activation.
Il a été montré dans les années 1970 que les macrophages deviennent pleinement microbicides lorsqu’ils sont exposés à deux signaux successifs, une cytokine de type 1, par exemple l’interféron (IFN)- ou le Tumor Necrosis Factor (TNF) et un produit bactérien comme le LP, SLPS mais il est apparu par la suite que l’activation des macrophages par d’autres molécules conduit à un tableau quelque peu différent.
Une classification M1/M2 des macrophages a été proposée ces dernières années sur le modèle de la polarisation lymphocytaire Th1/Th2. Les macrophages activés par la voie classique (cytokines de type 1 et produits microbiens) sont appelés macrophages M1 et ceux qui sont activés par des voies alternatives sont appelés macrophages M2. Macrophages M1 et M2 diffèrent en termes de récepteurs membranaires, de synthèse de cytokines et d’activité fonctionnelle (Fig. 3). Alors que les macrophages M1 sont inflammatoires et microbicides, les macrophages M2 modulent la réponse immune et sont faiblement microbicides. Les macrophages M2 incluent au moins trois sous-populations : les macrophages M2a induits par l’interleukine l’IL-4 et l’IL-13, les macrophages M2b induits par les complexes immuns, les agonistes des Toll-Like Receptors (TLR) ou les récepteurs de l’IL-1 et les macrophages M2c induits par l’IL-10 et les hormones glucocorticoïdes. En réalité, cette notion de polarisation M1/M2 des macrophages recouvre un continuum d’états fonctionnels (Liu et al.,. 2014). Les macrophages peuvent ainsi être, dans un premier temps, inflammatoires avant de participer à la résolution de l’inflammation, ce qui suggère que les changements fonctionnels des macrophages résultent de modifications de leur microenvironnement.
Le rôle physiologique des sous-ensembles de monocytes in vivo n'est pas complètement défini. Ils peuvent avoir des rôles différents pendant l'homéostasie, la défense en rapport à l’inflammation/ inflammation immunitaire et la réparation tissulaire, en termes de capacité à s'activer et à sécréter des cytokines inflammatoires en réponse à différents stimuli, traitement, et présentation des antigènes, comportement pro-angiogénique et patrouillant (Duque GH, 2014).
Les macrophages sont des acteurs clés dans de nombreux scénarios physiologiques, y compris l'homéostasie tissulaire. En réponse à la lésion, typiquement l'équilibre entre les sous-populations de macrophages passe d'un phénotype M1 (pro-inflammatoire) à un phénotype M2 (anti-inflammatoire) (Italiani et al.,. 2014 ; Wang et al.,. 2014). Dans les scénarios d'ingénierie tissulaire, après l'implantation de n'importe quel dispositif, il est souhaitable d'exercer un contrôle sur cette progression M1-M2 et d'assurer une transition rapide et en douceur de l'étape inflammatoire à la phase de guérison (Jetten et al.,. 2014 ; Alvarez et al.,. 2016) (Fig. 3).
Les recherches s’orientent actuellement sur :
La compréhension de l'équilibre des macrophages M1-M2 et leurs applications sur le plan thérapeutique dans le cadre de l’implantologie osseuse (Fig. 4 et 5) est un véritable défi pour les applications futurs de génie tissulaire et de médecine régénérative (Spiller et al.,. 2015 ; Sridharan et al.,. 2015 ; Ghaemmaghami AM, 2016 ; Rostam et al.,. 2016 ; Scatena et al.,. 2017).
Les principales étapes d’une réponse inflammatoire sont résumées sur la figure 6. La première étape implique l’hémostase avec l’activation des plaquettes et du complément. La seconde étape implique la réponse inflammatoire cellulaire non spécifique avec la phagocytose et la destruction des germes et des débris tissulaires par les monocytes et les polynucléaires neutrophiles. Cette seconde étape peut évoluer alors de deux façons, soit être amplifié avec l’afflux de nouveaux monocytes et polynucléaires neutrophiles, avec le risque d’effets délétères sur les tissus avoisinants, dans l’attente d’une réponse immunitaire adaptative, soit passer directement à la troisième étape avec la réparation de la structure tissulaire, associant l’angiogenèse et à la réparation de la MEC. La quatrième étape impliquera le remodelage du tissu.
Les temps requis pour la reconstruction du tissu osseux après un trauma en implantologie vont donc dépendre de la nature et de la stratégie de l’acte opératoire du praticien. L’apport de plaquettes et de monocytes sur le site du trauma par le saignement du trauma ou par l’apport de Plaquettes RichesRiche en Fibrine (PRF), va venir accélérer le processus de passage de l’étape 2 à l’étape 3. Le PRF apporte de nombreuses plaquettes mais augmente aussi le nombre de macrophages et de leucocytes, cellules importantes pour la défense de l'hôte et la cicatrisation. De plus, les monocytes et plaquettes activées produisent un grand nombre de facteurs de croissance comprenant le facteur de croissance transformant β1 (TGF-β1), le facteur de croissance dérivé des plaquettes (PDGF), le facteur de croissance endothélial vasculaire (VEGF) et le facteur de croissance insulinique-I (IGF- 1) capable de promouvoir davantage la migration cellulaire, la prolifération et la différenciation (Ghanaati SGhanaati S et al., 2014 ; Miron et al., 2017) (Fig. 7). Cet apport de bio facteurs va créer un micro environnement favorable à cette évolution, probablement du fait de l’induction d’une évolution chrono biologique respectueuse de l’évolution du ratio M1/M2, ce qui va donc favoriser un retour rapide à un équilibre homéostatique.
Par ailleurs, les cellules souches mésenchymateuses impliquées dans l’hématopoïèse, l’angiogenèse et l’ostéogénèse sont connues pour avoir aussi de nombreuses fonctions régulatrices au cours des processus inflammatoires donc de la réparation et de la cicatrisation des tissus (Kulkarni et al.,. 2017) (Fig. 8).
Un autre champ d’application de ces données fondamentales est symbolisé par l’emploi, l’impact des ostéotenseursTM sur la bio réparation et surtout sur la bio régénération de tissu osseux. La figure 9 résume les bénéfices observés sur le plan thérapeutiquethérapeutiques : micro trauma, micro thrombus avec la libération des facteurs des plaquettaires activées, mobilisation de cellules souches sur le site du trauma, micro tensions des structures avec leurs impact sur l’ostéogénèse, circulation des liquides interstitiels avec leurs impacts sur les ostéoblastes et cellules souches, développement rapide d’une angiogenèse et d’une ostéogénèse, du fait de l’absence de trauma osseux et d’infection, donc de l’absence d’une amplification de la réponse inflammatoire aigüe avec ses effets délétères.
En conclusion, le tissu osseux représente bien au sein du corps humain un complexe multi cellulaires semi rigide doté de propriétés élastiques en résonance constante avec le monde biologique interne qu’il protège, dans le respect de ses contraintes homéostatiques et de l’environnement externe dans lequel l’homme devra évoluer pour survivre.
Tout dysfonctionnement tissulaire ou tout déséquilibre homéostatique induit physiologiquement un processus inflammatoire. Ce processus biologique a évolué et continue d’évoluer au cours du temps comme une réponse adaptative qui lui permet de maintenir et de rétablir un équilibre homéostatique au sein de ce complexe multi cellulaires. Ainsi, l’inflammation apparait comme une réponse tissulaire naturelle destinée à restaurer une homéostasie. Le devenir des succès en implantologie osseuse et de leur pérennisation passe par le développement de ces connaissances et la maitrise par le praticien de ces interactions tissulaires multiples et complexes.
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