La pose d’implants dentaires est souvent limitée par la présence d’obstacles anatomiques et/ou par une forme atrophiée du support osseux, notamment au niveau de la mandibule postérieure. Les impératifs fonctionnels, et dans une moindre mesure, esthétiques dans ces sites, imposent de recourir à des techniques d’augmentation osseuse (Ericsson, 2001).
Pour pallier à ces défauts, l’os autologue est considéré comme le matériau de choix pour ces augmentations pré-implantaires d’apposition (Nkenke, 2014).
On classe souvent de façon simpliste les sites de prélèvements en fonction de leurs sites :
Le choix du site donneur est souvent choisi en fonction du site à greffer, en rapport avec le volume à reconstruire. Toutefois le type d’os prélevé est extrêmement important (cortical en rétro-molaire à cortico-spongieux en mentonnier ou crânien et spongieux en iliaque) mais surtout son origine embryologique et son ossification enchondrale ou membranaire.
La greffe par bloc nécessite la présence de spongieuse afin de permettre la pénétration vasculaire et son remodelage. En cas de forte corticalité (cas des prélèvements « rétro-molaires ») la création d’un espace de comblement autologue par broyât et de plaque(s) corticale (s) périphérique(s) permet alors à la vascularisation de progresser entre les particules. Elle est communément appelée greffe 3D (Khoury, 2007).
Avantages
Inconvénients
Etat de la littérature sur le succès à court terme de la thérapeutique
Keestra et al. 2016, dans une revue systématique, rapportent que la majorité des cas publiés pour les greffes en onlay ont pour origine des greffes autologues et que cet os greffé est de structure cortico-spongieuse plutôt que particulé. Les objectifs communément recherchés étant le maintien d’un volume osseux suffisant et une bonne rigidité face à la tension des tissus mous et cela afin d’éviter l’affaissement des particules, en accord avec Tulasne et al. 2012.
De Stavola et al. en 2013 rapportent un faible taux de résorption de 8,4% à 8 mois pour des greffes d’apposition par un abord tunnélisé. Lumetti et al. en 2014, comparent le taux de résorption à 6 mois entre les greffes autologues et les greffes avec de l’os de banque congelé. Ces taux sont respectivement de 28% pour l’os autologue et de 46% pour l’os de banque.
Alerico et al. 2016, mesurent un taux de de 18,38% à 6 mois pour les greffes d’origine ramique.
Gultekin et al. 2016, comparent la résorption osseuse des greffes osseuses issue du ramus à des régénérations osseuses guidées sur une période de 3 semaines à 6 mois. Les taux de résorption rapportés pour les greffes autologues sont de 7,2% et pour la régénération osseuse de 12,48%.
Dans une autre étude Gultekin et al. 2017, comparent les taux de résorption de 55 cas à 3, 6 et 9 mois. Les taux sont de 12,6% pour les ROG et de 35,4% pour les greffes iliaques après mesures au CBCT. Après la mise en charge des implants les taux sont respectivement de 15,87% pour les ROG et de 41,62% pour les greffes iliaques.
Il en ressort que les taux de résorption sont extrêmement variables. L’étiologie étant multifactorielle, selon la nature embryologique, la densité de la trame et certainement le potentiel d’intégration et de remodelage propre à chaque patient.
Technique opératoire
En ce qui concerne la gestion de la mandibule atrophiée, nous allons décrire à travers un cas clinique un déficit osseux horizontal et vertical (Fig. 1) par tunnelisation. Cette approche permet de conserver une couverture muqueuse parfaitement étanche et non incisée, de favoriser la vascularisation du greffon et de limiter le risque de son exposition durant la cicatrisation primaire (Mazzoco et al, 2008).
La perte osseuse est objectivée par la radiographie panoramique (Fig. 2). Vu la forme de la perte et son volume, le choix se porte vers un prélèvement mentonnier cortico-spongieux. Contrairement aux idées reçues, ce prélèvement ne génère de paresthésie que par des incisons erronées, lésant les terminaisons nerveuses sous-muqueuses en aval du trou mentonnier.
Incision : l’incision est réalisée strictement horizontale le long de la ligne muco-gingivale (Fig. 3)
Décollement : le lambeau est décollé apicalement de pleine épaisseur. La laxité tissulaire obtenue permet un accès au site de prélèvement et au site de greffe distal simultanément.
Prélèvement du greffon : l’examen préalable au cone beam permet de déterminer la position des émergences mentonnières, la position des apex des incisives et canines, l’épaisseur des corticales et l’orientation de la symphyse. Les limites de sécurité doivent se situer à 5 mm des apex et des foramens mentonniers, permettant de prélever un greffon en général situé entre les apex des canines. Seule la corticale vestibulaire et la spongieuse sont prélevés. L’ostéotomie est réalisée dans le cas présent, à l’aide de pièce à main de piezo-chirurgie (ultra-sons) permettant une plus grande sécurité par rapport aux tissus mous et aux organes nobles voisins. De plus ces inserts longs permettent un prélèvement cortico-spongieux en bloc du fait de la précision et de la profondeur de coupes possibles (Fig. 4). Le ciseau à os permet accessoirement le clivage de ce greffon.
Traitement et fixation du greffon : le greffon est plongé dans du sérum physiologique. Il est sculpté pour améliorer son adaptation au défaut osseux. Il est ensuite inséré sous le tunnel et fixé par des vis d’ostéosynthèse antéro-postérieures (Fig. 5).
Sutures : elles permettent une fermeture étanche le long de la ligne muco-gingivale, à distance du site de greffe. Les points d’ancrage primaires sont nécessaires. Des points de rapprochement des berges, continus en surjet fermé, permettent une coaptation sans tension au fil 4/0.
L’image clinique (Fig. 6) et la radiographie de contrôle à 4 mois (Fig.7) montrent une bonne intégration tissulaire. Le remodelage osseux est visible sur les têtes de vis.
Pose des implants : la mise en place des implants est réalisée 4 à 5 mois plus tard. L’aspect de la crête montre un remodelage avancé de la corticale, avec la persistance d’un ilot cortical qui se clivera lors du forage (Fig. 8). Les implants (Screw-Vent®) sont insérés après une séquence de forage complète, afin d’éviter un torque et une compression de l’os en cours de maturation (Fig. 9).
La radiographie à 3 mois lors de la mise en fonction, montre un remodelage continu de cette crête, avec une perte d’environ 1 mm (Fig. 10).
La radiographie de contrôle à 5 ans, montre une stabilité osseuse, matérialisée par l’horizontalité de la crête, avec une réorganisation de l’espace biologique concordant avec le remodelage de la greffe (Fig. 11).
Suivi à court long et moyen terme
Chiapasco et al. 2006, 2009, rapportent dans leurs revues de littérature une morbidité de l’ordre de 10 à 50% pour les prélèvements iliaques, de 0 à 5% pour les prélèvements ramique et nul pour le prélèvement pariétal en ce qui concerne les atteintes neurologiques. Dans 3,3% des cas s’est produit une infection ou une exposition de la greffe ce qui a provoqué la perte de la greffe dans 1,4% des cas. Le taux de survie des implants est en moyenne de 94,5% sur un suivi de 6 à 120 mois. Ils précisent par ailleurs que les implants perdus sont ceux qui ont été posés simultanément à l’augmentation osseuse.
L’étude de Mertens et al. 2013, porte sur des augmentations osseuses étendues consécutives à des résections de lésions tumorales concernant 65 patients, par greffe iliaque ou de fibula. Pour ces auteurs le taux de résorption axial pour les greffes d’os iliaque est de 6,79% à 6 mois, de 10,2% à 11 mois et de 12,58% à 17 mois. La résorption pour les greffes issues de la fibula est de 5,3% à 6 mois, de 8,26% à 11 mois et de 16,95% à 17 mois.
L’étude de Restoy-Lozano et al. publiée en 2015 conclue sur le fait que l’augmentation osseuse par tunnelisation offre d’intéressantes perspectives concernant le sens axial. Le taux de résorption à 1 an est de 14,6%, de 2,1% à 2 ans et de 0,7% à 3 ans pour devenir stable à 4 ans. Ils attribuent le faible taux de résorption à 2 principaux facteurs : l’optimisation de l’apport sanguin par conservation du périoste lors de l’abord par tunnelisation et l’accélération de la vascularisation par l’utilisation de particules osseuses interposées entre les 2 blocs d’os cortical.
La revue de littérature d’Aloy -Prosper et al. 2015, indique que le taux de survie des implants posés dans des greffes osseuses autologues est comparable au taux de survie des implants posés dans de l’os natif, des distractions osseuses ou encore des ROG. Les taux varient de 96,9% à 100% pour les augmentations horizontales et de 89,5% à 100% pour les augmentations verticales. Ils indiquent par ailleurs que l’augmentation verticale est plus difficile à réaliser et que la morbidité y est supérieure. Il tombe sous le sens que le taux de survie ne saurait traduire la stabilité de l’os greffé.
Troeltzsch et al. 2016, dans une revue systématique constatent un gain supérieur dans le sens axial pour les greffes d’origine extra-orales (3,1 à 9,4mm) par rapport aux greffes d’origine intra-orales (1,6 à 5,3mm).
Pour ces auteurs, les taux de complications varient de 7 à 17% pour les augmentations transversales d’origine extra-orales et de 17 à 20% pour les augmentations axiales et de 14,5% pour les augmentations d’origine intra-orales.
Keestra et al. 2016, rapportent un taux de survie des implants de 94,7% pour un suivi de 18 mois à 10 ans ( 3,5 ans en moyenne) et un taux de succès des implants de 93,2%. Pour un suivi de 4 à 5 ans la perte osseuse marginale se situe de 0,3mm à 2,24mm en moyenne. La perte osseuse varie de 0,85 à 3,7mm la première année et est plus faible les années suivantes : 0,18 à 1,14mm sur 4 ans. L’extrême évoquant un risque majeur pour les implants concernés.
Khojasteh et al. 2016 comparent le taux de succès et le taux de survie implantaire ainsi que le taux d’échec de 2 techniques, à savoir la greffe osseuse d’apposition autologue et la latéralisation du nerf mandibulaire. Le taux de survie des implants est comparable mais le taux de succès est bien supérieur pour la technique de latéralisation du nerf (94,56% contre 71,52%). En revanche les atteintes neurologiques sont supérieures en ce qui concerne la latéralisation du nerf mandibulaire.
Chappuis et al. 2017 montrent dans une étude prospective à 10 ans un taux de résorption de 7,7% des greffes autogènes dans les défauts transversaux.
Il en ressort une grande confusion sur les données collectées avec toutefois quelques points clés :
Indications
Contre-indications
Conclusion
La greffe autologue permet de couvrir un nombre important d’indications et permet des reconstructions étendues de volumes importants. L’inconvénient majeur est sa morbidité liée à un deuxième site opératoire et la nécessité de prendre en considération le taux de résorption variable du greffon (Gultekin et al. 2016). L’alternative par l’utilisation d’implants courts doit être considérée. Elle présente un intérêt certain en termes de morbidité mais peut être contre-indiquée en termes de maintien de l’hygiène (Thoma et al. 2017). Parallèlement le recours à d’autres techniques alternatives, telles que les ostéotomies et les régénérations osseuses sont également de mise, contestant la primauté de cet os autologue et sa définition en tant que « Gold Standard ».
Bibliographie :
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