Pourquoi la navigation est-elle l’avenir de la chirurgie implantaire ?

Conférenciers : Hadi Antoun, Paul Challita, Liliane Malakani, Ghita Debbagh

Responsable de la séance : Jérôme Lipowicz

 

 

 

Compte-rendu de séance par Coralie Dericbourg pour AON NEws #72 - Février 2025



Introduction

 

L’objectif de toute chirurgie implantaire c’est obtenir la plus grande similitude entre la planification opératoire (mentale, analogique ou numérique) et le résultat chirurgical final peu importe la méthode utilisée.

 

Évolution

 

La chirurgie à main levée 

 

Les premières poses d’implants ont été exécutées seulement avec l’aide du panoramique dentaire, des rétro alvéolaires et d’une planification mentale ; le CBCT arrivant dans ce domaine une dizaine d’année plus tard. Les logiciels de planification n’existants pas à cette époque, c’est à l’aide de calques reportés sur les négatoscopes que l’on prévoyait le placement et la taille des implants.

Fig 1 : Follow-up à 30 ans d’un bridge sur implant posé sans guide ni 3D en 1992

 

C’est ensuite la création des guides analogiques, crées par les prothésistes, qui augmenteront la précision de nos actes chirurgicaux grâce à l’essor des planifications informatiques. Ils sont élaborés grâce à l’étude pré-implantaire et l’étude pré-prothétiques via un wax-up. La prothèse passe au centre du projet de restauration implantaire, la vraie difficulté étant de transposer la position des implants par rapport au projet prothétique. Les guides radiologiques utilisés avec de la résine imbibée de sulfate de baryum permettront donc, dans un second temps, de visualiser le projet prothétique par rapport au volume osseux dont on dispose. Le résultat final peut être très semblable à celui imaginé lors de la planification mais il restera « approximatif ».

 

Fig 2 et 3 : Guide radiologique permettant la planification des implants 12 et 22  


=> Implant trop vestibulé = dent trop longue

=> Implant trop palatinisé = trop gros décalage entre l’implant et la future couronne compliquant l’accès au nettoyage.

Ce qui a fait passer Hadi Antoun à la chirurgie guidée, c’est justement le manque de précision qu’apporte la chirurgie à main levée ; il n’y a pas d’échec prothétique mais une ambition de précision est recherchée.

 

De la chirurgie à main levée… à la chirurgie guidée statique

 

Il est indispensable de savoir poser un implant à main levée avant d’utiliser les systèmes de chirurgie guidée. Le système n’est pas infaillible, il est donc nécessaire de pouvoir s’en défaire. Le guide chirurgical statique est stabilisé par une cale occlusale et fixé par des clavettes latérales afin de réaliser la pose des implants en flapless full-guided.

La mise en place de la chirurgie guidée statique nécessite plusieurs étapes :

  • CBCT
  • Wax-Up ou Modélisation informatique : issus de l’examen clinique et des empreintes numériques ou chimiques
  • Matching du projet prothétique avec le CBCT
  • Planification : simulation des futures dents et des futurs implants
  • Impression du guide chirurgical numérique

=> Il est possible de déléguer ces étapes à son prothésiste ou à une entreprise dédiée.

Fig 4 : Guide chirurgical statique

 

Intérêt de la chirurgie guidée

  • Précision, prédictibilité, sérénité
  • Repères anatomiques : on peut les contourner et augmenter nos indications
  • Contournement des greffes osseuses
  • Moindre invasivité - flapless (cicatrisation, confort, saignement) : Gain de temps au fauteuil

La Chirurgie guidée statique

 

Inconvénients de la chirurgie guidée statique

  • Stabilité : lié à l’empreinte, le prothésiste, l’imprimante 3D, la résine mal employée…
  • Adaptation : si des soins ont été fait sur une dent entre deux rendez-vous. Les fenêtres d’inspection sur les guides sont indispensables afin de vérifier l’enclenchement maximal du guide
  • Fracture : généralement liée au positionnement en force du guide. Rare.
  • Compression des tissus mous : notamment si des lambeaux doivent être levés
  • Ouverture buccale limitée : règle des 3 doigts. Les instruments sont allongés d’ 1cm.
  • Chirurgie bloquée : il n’est pas possible de changer de plan de traitement en cours de chirurgie, l’implant devra alors être posé à main levée.
  • Sensation tactile : la douille ne permet pas de ressentir la stabilité primaire de l’implant.
  • Trousse différente dédiée : sauf si l’on utilise la chirurgie guidée pilote seulement (guide l’axe et la position de l’implant)
  • Absence de vérification de précision : on ne sait pas si le guide correspond parfaitement à la planification ou s’il est bien enclenché.
  • Encombrement qui peut réduire l’irrigation des forets

=> La responsabilité pleine et entière du succès ou de l’échec de la chirurgie repose sur le chirurgien-dentiste. Les laboratoires ou entreprises fabricantes ne seront pas responsables y compris si le problème résulte d’une mauvaise confection.

 

Avantages de la chirurgie guidée statique

  • Approche avec le plus de recul
  • La plus accessible à un plus grand nombre de praticiens par son faible coût de fabrication et l'absence d'investissement important
  • Plus accessible aux débutants en implantologie
  • Meilleur contrôle du guidage des forêts et de la mise en place des implants

La Chirurgie guidée dynamique

 

Principes

 

Elle est basée sur la technologie de suivi de mouvement et permet d’éviter les guides chirurgicaux. Des caméras stéréoscopiques placées au-dessus du patient permettent de suivre la chirurgie sur un moniteur. Nous posons ensuite deux trackers sur la mâchoire du patient (fixe) et au contre-angle (en mouvement) afin de permettre aux caméras de capter, puis d’afficher les mouvements de ces derniers sur le moniteur. La gestuelle est différente et nécessite une courbe d’apprentissage importante, c’est l’un des inconvénients de cette technique. Le dispositif est un peu encombrant mais léger.

Fig 5 : Chirurgie implantaire menée avec la chirurgie guidée.

 

Protocole de base

  • Scan CBCT : réalisé avec des repères fixes en bouche (X-Clip)
  • => Dr Lipowicz préfère faire le CBCT sans le clip, il le synchronisera et le calibrera le jour de la chirurgie. Cette technique est un peu chronophage mais encore plus précise.
  • Planification du traitement : avec ou sans empreinte optique
  • Passage à la chirurgie et mise en place des implants avec la navigation ++
  • X-Clip : Dispositif thermoplastique chauffé puis porté par le patient pendant l’acquisition tomographique et le jour de la chirurgie. Il doit impérativement être replacé dans la position exacte où il se trouvait lors du CBCT afin d’avoir un repère fixe en bouche.

Fig 6 : Schéma et photo du X-Clip


Les avantages de la chirurgie guidée dynamique

  • Rapidité : le CBCT, planification et la chirurgie peuvent être faites en une journée
  • Pas d’imprimante 3D
  • Suivi et visualisation en temps réel : possibilité de vérifier la précision à tout moment de l’intervention
  • Planification plus simple et plus rapide : Lorsque l’on ne prend pas d’empreinte optique sinon c’est pareil qu’en statique.
  • Meilleure vision du champ opératoire
  • Possibilité de modification de la planification lors de l’intervention
  • Sensation de forage et de stabilité primaire inchangée : un des grands avantages relevés par H. Antoun.
  • Amélioration de l’irrigation 
  •  Pas de gène lors d’espaces étroits : comme pour les incisives mandibulaires
  • Pas de trousse spécifique et universelle

=> Autre indication : lorsque l’on oublie d’imprimer le guide :-)

 

Les inconvénients de la chirurgie guidée dynamique

  • Temps de calibrage : environ 5-10 minutes, possibilité de le déléguer aux assistantes.
  • Encombrement dans la bouche du patient
  • Coût élevé car peu de fournisseur : 40 000 euros + clips personnels consommables. Il faut l’intégrer dans le devis car l’opération est préparée et menée « en amont ». Il y a un code CCAM pour la chirurgie guidée.
  • Courbe d’apprentissage plus longue
  • Grand champs CBCT nécessaire
  • Plus invasif pour les édentés complets car nous devons faire une incision pour fixer le clip sur la symphyse ou sous les fosses nasales.

 

Précision chirurgie guidée statique vs dynamiques

           

Trois études ont été sélectionnées pour évaluer la précision des deux différents systèmes de navigation calculant les déviations du col de l’implant, la déviation à l’apex et la déviation angulaire. À quelques dixièmes près, nous obtenons des valeurs environ équivalentes avec un léger avantage pour la navigation dynamique qui n’est pas statistiquement significatif.

Fig 7 : Résultats de comparaison des déviations. 

Les études :

Comparison of Implantation Accuracy Among Different Navigated Approaches. A Systematic Review and Network Meta-analysis. Kang et al. Int J Oral Maxillofac Implants 2024

Accuracy assessment of dynamic navigation during implant placement: A systematic review and meta-analysis of clinical studies in the last 10 years. Yu et al. J Dent 2023

Is dynamic computer-assisted surgery more accurate than the static method for dental implant placement? A systematic review and meta-analysis Vinnakota.

Nag et al. Journal of Prosthetic Dentistry 2023

 

Stratégies thérapeutiques de la chirurgie guidée dynamique

 

Les indications de la chirurgie dynamique 

  • Unitaires
  • Édentement petite et moyenne étendue
  • Édentements unilatéraux
  • Édentements complets

=> La chirurgie guidée dynamique permet de faire une extraction implantation avec soulever crestal contrôlé du sinus en flapless.

=> Les greffes osseuses peuvent être évitées même avec des implants très angulés.

=> La navigation a réponse à tous les inconvénients de la statique

 

Difficultés pré-opératoire 

  • Stabilité du dispositif intra-buccal
  • Reconnaissance du dispositif par rapport au CBCT

Complications per-opératoire 

  • Manque de précision (attention aux valeurs aberrantes)
  • Repérage plaque, contre-angle
  • Accès difficile par l’encombrement

Suivi de cohorte par H. Antoun et son équipe : la chirurgie guidée naviguée par Xguide

Objectif : évaluer l'influence de la mise en place d'implants par chirurgie guidée naviguée sur les paramètres cliniques et radiologique.

C’est une étude monocentrique menée entre 2019 et 2023 sur 484 patients, âgés en moyenne de 61 ans, avec 564 implants posés dont 17 en secteur antérieur. 310/564 ont été posés en flapless et 270/564 était des extractions implantations immédiates.

Résultats préliminaires : 2 implants déposés ( tous n’ont pas encore reçu leur prothèse).

 

Conclusion