10e anniversaire du congrès SNIF

Compte-rendu de Marie Jannot pour AO News #67 - juillet 2024





Morceaux choisis



Chirurgie guidée : intervention d’extraction/implantation en direct

Sébastien Melloul et Diane Oget-Evin (atelier)

 

Raccourcir la durée du traitement implantaire tout en réduisant le nombre d’interventions est le souhait commun du dentiste et du patient. L’avulsion d’une dent associée à la pose simultanée d’implant et d’une couronne provisoire immédiate en est l’exemple le plus fréquent. Pour réussir ce protocole, l’indication devrait être correctement posée, l’exécution menée avec précaution et, éventuellement, gérer correctement les complications per-opératoires. Dans cet atelier, nous avons assisté en direct depuis le bloc opératoire du Dr Lallam à une chirurgie pour comprendre son déroulement et saisir ses spécificités.

Cette intervention a été préparée en amont, il s’agit de l’extraction-implantation immédiate en chirurgie full guided de la dent 15. Le choix s’est porté sur la dent 15 pour réaliser la chirurgie live d’extraction-implantation immédiate contrairement à 24-25 qui ne représentent pas des situations adaptées pour cette chirurgie, en raison de la volumineuse lésion péri-apicale d’origine endodontique entourant les apex de 24 et 25.

Fig. 1

 

Tout d’abord, pour mettre en place cette chirurgie, il faut rassembler les éléments suivants afin de créer le clône digital du patient (Fig.2) : image du sourire naturel du patient + fichier stl issu d’une empreinte optique + fichier DICOM issu de l’examen CBCT.

Ensuite vient l’étape de la segmentation du fichier stl de l’état initial et du DICOM permettant de supprimer numériquement la dent à extraire et de préfigurer l’alvéole post-extractionnelle. Ensuite, est créé le fichier stl du wax up proposant le projet prothétique idéal qui guidera la chirurgie. Ce dernier est matché avec le DICOM. Ensuite vient l’étape de la réalisation d’un guide chirurgical rigide imprimé en 3 dimensions. Afin de permettre une mise en esthétique immédiate, le pilier intermédiaire d’usage (pilier connect) est intégré dans la planification numérique ce qui permet de modéliser puis d’usiner une couronne provisoire intégralement en PMMA. (Fig. 3)

Ici, le choix de l’implant est MIS C1 (Dentsply Sirona) en 3,75x10mm.

 

Temps par temps des étapes chirurgicales

  • Anesthésie locale et désinfection péri et endo-buccale
  • Extraction douce et atraumatique en utilisant des instruments de micro-chirurgie (lame de bistouri 15c, ostéotomes fins et curettes…)
  • Curetage alvéolaire minutieux
  • Rinçage de l’alvéole au sérum physiologique. Il est important de rincer abondamment l’alvéole dans les situations de chirurgie guidée, non pas pour limiter l’échauffement des forêts (qui est gérée par l’irrigation de forage), mais pour aider à l’élimination des copeaux osseux qui pourraient nuire à l’insertion correcte du guide et/ou du forêt suivant. Il est possible de venir récolter ces copeaux pour les intégrer au comblement osseux.
  • Mise en place du guide chirurgical préalablement essayé et validé (avant le début de la chirurgie
  • Passage des forêts successifs en chirurgie full guided selon notre trousse de matériel. S. Melloul nous explique qu’il sous fore systématiquement, d’autant plus qu’on est au maxillaire (os moins corticalisé) et dans une situation d’extraction/implantation immédiate. Ainsi, par exemple, pour un implant de 3,75mm de diamètre, il passe un forêt de 3,3mm en dernier, et si l’implant a des difficultés à descendre, il va le ressortir et passer le dernier forêt supposé pour un implant de 3,75mm de diamètre, qui est le forêt de 3,5mm, qu’il va forer à -2mm de l’apex supposé de l’implant (donc à 8mm dans le cas de cet implant de 3,75x10mm) afin de laisser 2mm apicaux pour assurer une stabilité primaire correcte. Le col de l’implant doit être situé à 3 ou 4mm du collet de la future prothèse qui viendra le surmonter. Il faut donc aussi analyser verticalement la pose de l’implant par rapport à la future prothèse et ne pas simplement mesurer l’enfouissement par rapport au rebord cortical, ne présentant pas réellement de valeur clinique. L’espace biologique péri-implantaire doit mesurer 3mm pour permettre l’attache des tissus parodontaux, contrairement à l’espace biologique péri-dentaire (2mm) il faut donc 3mm de zircone ou de titane entre la limite cervicale de la couronne clinique et le col implantaire. Il faut donc un pilier ou une embase de 3mm.
  • Mise en place du pilier connect d’usage (connectique implantaire conique)
  • Essai de la couronne provisoire
  • Comblement osseux vestibulaire à l’aide de Symbios (xénogreffe, Dentsply Sirona) (Fig.4) jusqu’au sommet du pilier. Un tuteur est alors mis en place pour éviter le débordement de granules osseuses dans l’implant.
  • Torque de l’implant selon les recommandations du fabricant (ici, 30N). Il faut torquer l’implant au torque d’usage directement afin que le pilier ne se dévisse pas (minimum de 20N et maximum de 40N) et mise en place d’usage du pilier connect.
  • Transvissage à la main de la couronne provisoire en PMMA sans embase titane, qui se visse directement sur le pilier implantaire. Son profil d’émergence a été travaillé en amont, numériquement.
  • Vérification de l’occlusion statique et dynamique (mise en sous occlusion) et recommandation d’alimentation molle pendant 3 semaines
  • Absence de points de suture dans cette situation
  • Radiographie de contrôle (Fig. 5)
  • Fermeture du puits de vissage au composite

Il n’est pas possible d’envisager une prothèse d’usage transvissée direct implant, il est nécessaire de passer par une embase titane.



La vraie vie - La bouche et le plaisir

Vianney Descroix, Françoise Saint-Pierre, Brigitte Regnault (sexologue), (séance magistrale)

 

Bouche et plaisir. Du premier cri au dernier soupir, de quels plaisirs la bouche est-elle l’organe ? Au-delà de la santé orale, au-delà de la médecine orale, au-delà de la simple psychologie ou de la psychanalyse complexe, peut-on, doit-on, porter un autre regard sur la bouche. Organe de plaisir ou des plaisirs ?

Le Pr Vianney Descroix commence sa conférence par une introduction exhaustive sur ce qu’est la bouche : notre « lieu de travail » et passion commune, dont notre métier est de prendre soin.

Quelle morale tirer de ce titre « La bouche et le plaisir », que nous pouvons aussi comprendre de la manière suivante : « la bouche serait elle le plaisir » ?

Le plaisir nait de la sensorialité et donne un sens, une signification. La biologie du plaisir a commencé à être étudiée dans les années 1950 sur une étude animale qui a permis de mettre en évidence le circuit de la récompense, motivé par l’hormone du plaisir appelée « dopamine ». Le désir est biochimiquement et biologiquement non-spécifique à l’activité : que ce soit observer une œuvre d’art, écouter de la musique, manger un chou à la crème ou encore les plaisirs charnels avec son partenaire.

Puis, le Dr Françoise Saint-Pierre continue la conférence illustrée de nombreux tableaux et œuvres d’arts, qui montrent que la bouche est omniprésente dans l’art, sous toutes ses formes.

Elle nous décrit les 4 axes du plaisir :

  • le plaisir verbal : des mots, du langage,
  • le plaisir gustatif : les saveurs,
  • plaisir de plaire, la séduction : la bouche pour séduire,
  • le plaisir affectif, le baiser : le plaisir charnel

Dès la naissance, il existe le plaisir de succion nutrition où les lèvres se tendent et se rétractent vers la source lactée. Puis vient l’acquisition du langage et le plaisir des premiers babillages où on émet des sons variés, où les lèvres et la langue sont agités… puis la bouche devient la sphère primaire du langage. La bouche est désormais le carrefour anatomique du verbe et de l’aliment. Elle accueille deux grands plaisirs de l’existence, la gourmandise et le langage et durant toute notre vie alterneront le gustatif et le verbal.

 

Plaisir verbal

La bouche donne sens aux mots. Il existe un plaisir de la communication, de la conversation, elle permet une rencontre entre esprits et l’expression de l’art, du chant…

 

Plaisir gourmand

Le plaisir de l’alimentation et la stimulation des papilles gustatives habitant les bourgeons du goût et permettant la sécrétion de salive. La gourmandise peut être un plaisir solitaire mais elle est souvent un plaisir de la table. On retrouve alors les deux plaisirs de l’oralité : le gourmand et le verbal.

 

Le plaisir de plaire et la bouche séduisante

La bouche se pare, s’enjolive, s’habille et se maquille pour paraitre sexy et exprime l’érogène qui l’habite dans les schémas de séduction. Elle peut provoquer de l’émotion esthétique. La bouche peut également exprimer le bonheur dans le cadre du rire plaisir.

 

Le plaisir affectif, le baiser

Le baiser est l’œuvre de la bouche. C’est un comportement chargé d’affection et d’humanité. C’est une invitation au partage, il est joyeux et aimant.

 

Pour conclure, le Dr Saint-Pierre annonce une citation issue de son ouvrage La bouche, entre plaisir et souffrance : la vie est une longue histoire des relations humaines, une succession de baiser innombrables et précieux, de mouvements de bouche fascinants…

Brigitte Regnauld, conseillère conjugale et sexologue, terminera la conférence en nous parlant d’éducation à la sexualité, d’oralité et de la bouche et le plaisir. Elle s’est formée en sexologie positive. Son propos s’est orienté autour de deux axes.

 

L’esthétique

Tout d’abord l’esthétique prime dans la séduction, dans les relations de communication, dans le sourire et dans l’attirance qu’on a pour son partenaire. Les études montrent que les raisons qui poussent à ne pas embrasser une personne sont l’halitose et le manque d’hygiène bucco-dentaire, ce qui fait de notre métier un véritable point clé dans la séduction et dans les relations humaines.

L’enjeu et les risques oraux dans la sexualité et les rapports oro-génitaux

La transmission des MST/IST se fait par voie oro-génitale et la praticienne nous fait un rappel sur l’importance de se protéger à l’aide d’un préservatif ou d’une digue dentaire. Au même titre, les violences sexuelles peuvent bien évidemment concerner la sphère orale. Elle nous sensibilise également au dépistage systématique des lésions caractéristiques des MST/IST et à instaurer une prévention chez les plus jeunes, mais aussi chez les autres.