Voyage en mollarhchie …..Un monde qui tue
François-Henri Désérable est un auteur que je suis pour son style, son humour et sa sincérité. Je vous ai déjà, dans ces colonnes, livré mon enthousiasme pour certains livres de cet écrivain avec Un certain monsieur Piekielny (Hommage à Romain Gary) et Mon maitre et mon vainqueur (Grand prix du roman de l’Académie Française). Je le suivrai désormais pour son courage.
En effet en 2023 il a décidé, contre l’avis de ses amis, de ses confrères et du ministère des Affaires Etrangères, de partir en Iran pour quarante jours au milieu des émeutes et des manifestations quotidiennes, qui suivent la mort de Mahsa Amini, morte pour avoir osé montrer ses cheveux ! Manifestations qui secouent le pays en entrainant une répression sanglante vis-à-vis du peuple iranien mais aussi de tous les journalistes et particulièrement s’ils sont étrangers.
La peur était pour le peuple iranien une compagne de chaque instant, la moitié fidèle d’une vie. Les Iraniens vivaient avec dans la bouche le goût sablonneux de la peur. Seulement, depuis la mort de Mahsa Amini, la peur était mise en sourdine : elle s’effaçait au profit du courage.
Fin 2022, François-Henri Désérable traverse l’Iran de part en part, de Téhéran aux confins du Baloutchistan. Il rend ainsi hommage à Nicolas Bouvier, parti avec un ami, à l’âge de 24 ans pendant un an et demi, des Balkans à l’Iran en passant par l’Anatolie en juin 1953. Un livre culte est tiré de ce voyage : L’Usage du monde publié en 1963. Le voyage autour du monde, est pour l’homme le plus court chemin qui le conduise à son être …. On a moins mal au cœur quand on a mal aux jambes. François-Henri Désérable veut, avec ce voyage, donner un sens à sa vie et ne pas se contenter juste d’exister, malgré les dangers bien réels et bien qu’il ne se reconnaisse pas une réserve de courage illimitée.
Cet hommage aux femmes iraniennes qu’il côtoie de jour en jour au fil de son périple, avec tous les risques pour sa liberté, ne l’empêche pas d’ironiser sur toutes celles, dont quelques starlettes, qui timidement, bien à l’abri et de façon très éphémère se coupaient une mèche de cheveux en solidarité avec les femmes iraniennes. Investissement minimal pour un rendement maximal : ça demandait peu de temps, ça ne présentait aucun risque, ça rapportait des likes et ça donnait bonne conscience.
Ce n’est pas tant des lieux, si magnifiques soient-ils, que F.H. Désérable veut nous dépeindre, mais plutôt ses rencontres avec autant de personnages étonnants, énigmatiques, certains peuvent être des espions à la solde du régime même dans les contrées les plus reculées. Ce sont avant tout des portraits de femmes qui font preuve d’un courage peu commun. Il y a très peu de références à la religion, pas d’antiaméricanisme chez la plupart de ces témoins de voyage, juste la haine de ce régime qui tue et réprime : derrière chaque personne qui meurt battent mille autres cœurs.
Peu de temps avant la fin de son périple, François-Henri Désérable est arrêté par les Gardiens de la Révolution, sommé de quitter le pays. Il en revient avec ce récit envoûtant dans lequel il raconte l’usure d’un monde : celui d’une République islamique aux abois, qui réprime dans le sang les aspirations de son peuple. Je voudrais dédier à toutes ces femmes iraniennes, une phrase que je trouve très belle, qui dit tout en quelques mots et que F.H. Désérable met en exergue sous forme de dédicace et sur laquelle je souhaiterais conclure : "Aux iraniennes vent debout cheveux aux vents ".