Le Conseil de l’Ordre et les juridictions civiles se montrent de plus en plus sévères à l’encontre des praticiens dont les soins s’apparenteraient à ce qu’on peut appeler des mutilations volontaires. Ainsi, le fait de dévitaliser des dents saines ou de réaliser des soins inutiles en toute connaissance de cause sur un patient peut être sanctionne au niveau civil, ordinal et même pénal. Ce comportement peut être assimilé à une faute intentionnelle du chirurgien-dentiste. Nous verrons au travers de deux affaires, l’une ordinale et l’autre civile, que de tels comportements sont sévèrement condamnés. Selon les dispositions du Code de la Santé publique les chirurgiens-dentistes s’engagent à prodiguer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science et à agir avec correction et aménité envers leurs patients. Ils sont libres de leurs prescriptions et doivent les limiter a ce qui est nécessaire à la qualité et a l’efficacité des soins.
Sur le plan ordinal : un chirurgien-dentiste radié pour manquement déontologique grave
Le Conseil de l’Ordre des Chirurgiens-dentistes veille au respect des principes de moralité, de probité, de dévouement et a l’observation, par tous ses membres, des devoirs professionnels, ainsi que des règles édictées par le code de déontologie (article L. 4121-2 du code de la santé publique). Les juridictions disciplinaires statuent sur les plaintes dirigées contre les chirurgiens-dentistes et formées principalement par les conseils départementaux agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes déposées par des patients ou des praticiens. Les sanctions infligées peuvent aller de l’avertissement, au blâme, à l’interdiction temporaire ou permanente avec ou sans sursis, jusqu’à la radiation du tableau de l’Ordre.
Cette sanction ultime a été prononcée par la Chambre disciplinaire de la région Provence Alpes Côte d’Azur le 27 janvier 2018 à la suite de la plainte d’un patient qui reprochait à son chirurgien-dentiste de lui avoir dévitalisé toutes ses dents, pose des coiffes qui se sont descellées le jour même et d’avoir provoqué des infections liées aux traitements endocanalaires incomplets. Il produit à l’appui de sa réclamation des certificats médicaux établis par d’autres confrères.
Après avoir rappelé les dispositions du code de la santé publique en vertu desquelles : tout chirurgien-dentiste doit s’abstenir, même en dehors de l’exercice de sa profession, de tout acte de nature à déconsidérer celle-ci et Le chirurgien-dentiste au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine, le Conseil régional de l’Ordre considère que le praticien mis en cause a accédé à la volonté du patient de dévitaliser toutes ses dents afin de les couronner par la suite mais rappelle toutefois qu’il appartient au praticien de déterminer le traitement nécessaire à chaque patient dans la limite de son utilité. En l’espèce, les clichés radiographiques produits, dont la technique d’acquisition est étrangère aux recommandations des bonnes pratiques, montrent qu’un certain nombre de dents ont été dévitalisées sans aucune nécessité avec des traitements endocanalaires très insuffisants, constituant ainsi des soins non conformes aux règles de l’art. Le Conseil de l’Ordre estime que le chirurgien-dentiste doit donc être regardé comme n’ayant pas respecté son patient ce qui s’apparente à des mutilations.
La sanction : radiation du tableau de l’Ordre
La Chambre Disciplinaire considère que le praticien a fait preuve de manquements déontologiques graves, délibérés et répétitifs des infractions commises. En effet, déja sous le coup d’autres sanctions ordinales, la Chambre disciplinaire de la région Provence Alpes Côte d’Azur prononce la radiation à l’encontre de ce praticien, décision qui a été récemment confirmée en appel.
Sur le plan civil : un chirurgien-dentiste condamné pour mutilation volontaire
Dans cette seconde affaire, une patiente, qui présente de nombreuses sensibilités au niveau du secteur maxillaire gauche, consulte son praticien qui décide de procéder à l’extraction de la 28 et de réaliser différents traitements endodontiques après surfaçage de la zone parodontale. La patiente constate alors que 4 dents sont coupées au ras de la gencive et interrompt le traitement pour mettre en cause le praticien devant le juge des référés et solliciter la désignation d’un expert.
La sanction : une condamnation civile
A l’issue de cette expertise, l’expert retient la responsabilité du chirurgien-dentiste qui a mutilé volontairement sa patiente en pratiquant des soins totalement inutiles. En effet, le praticien a arasé, en toute connaissance de cause les dents 24-25-26 et 27 pour tenter d’y poser des inlay-cores alors que ceux-ci n’étaient pas nécessaires. En agissant ainsi, il a compromis la perennité des racines à long terme en les fragilisant. Les juges considèrent que ces actes sont constitutifs de manquements fautifs engageant la responsabilité du praticien qu’ils condamnent au
versement d’une indemnité de 12 000 €.