Cette Blanche est très noire…
Veille de Noël, 1800, Paris vit sous le Consulat, controversé,attaqué de toutes parts par les Jacobins et les Chouans.
Tout sépare deux amants. Elle, Blanche Coudert, d’une beauté exceptionnelle, est l’une des reines de la haute société. Lui, l’inspecteur en chef à Paris, Roch Michel, à la carrière déjà brillante, issu d’un milieu très modeste, son père est tavernier (dans la rue de mon premier cabinet), rue Croix des Petits Champs, (peut-être à l’emplacement même de cette taverne ?) Pérennité des lieux, métier de bouche oblige ! Roch vient à peine de s'évader des bras de sa maîtresse, quand, à quelques rues de là, une explosion fait des dizaines de victimes. La conspiration de la rue Nicaise. L'attentat visait Bonaparte, Premier Consul controversé, sorti indemne du drame. Pour Roch, l'enquête s'annonce délicate. Le ministre de la police, le machiavélique Fouché, la hiérarchie de Roch jusqu’à Bonaparte lui-même, tous sont persuadés que les coupables sont les jacobins. Roch refuse de céder à la facilité tandis que, dans l’ombre les conjurés sont en embuscade. Déjà, à cette époque, on attaquait la police !
Catherine Delors, avocate franco-américaine, a publié un premier roman historique, grand succès de librairie Gabrielle ou les infortunes de la vertu. Avec ce nouvel ouvrage elle nous entraine dans une enquête policière palpitante et une histoire d’amour improbable. Le style de l’auteure est enlevé, l’écriture est rythmée, les connaissances historiques solidement documentées et moult détails nous baignent dans ce Paris du début du 19ème , les tavernes avec leurs spécialités, leurs odeurs et leurs fumets, les bordels sordides, les masures misérables, les palais fastueux et leurs parfums de plaisir. Dans ce quartier du 1er arrondissement (que je connais très bien pour y avoir vécu et exercé pendant près de cinquante ans) j’ai été amusé de me remémorer que sous la révolution, tous les noms des saints avaient été bannis, ainsi les rues Saint-Nicaise, Saint-Honoré ou Saint-Roch étaient devenus les rues Nicaise, Honoré et Roch. Les révolutionnaires n’ont pas coupé que des têtes ! De même, toutes références à la royauté étaient devenues ce que j’aurais appelé « crime de lèse-Révolution », ainsi le Palais-Royal fut débaptisé en Palais-Egalité. L’art de la sémantique dans le débat politique ne date pas d’hier ! Un personnage m’a particulièrement intéressé, l’insondable Fouché, le ministre de la police avec ses innombrables espions sur tout le territoire et dans tous les milieux, soudoyés grâce à sa fortune accumulée dans le commerce des porcs avec l’armée française ! Fouché avait été envoyé par la Convention à Lyon pour y réprimer l’insurrection royaliste. Et là, sous sa direction, des milliers de suspects avaient été rassemblés à coté de vastes fosses et fusillés ou, lorsque des moyens plus expéditifs étaient nécessaires, abattus par des canons qui tiraient dans la masse. Tout cela sans autre forme de procès…Robespierre l’avait fait mettre en accusation et exclure du club des Jacobins. Pour un moine défroqué, quelle reconversion ! Pour tous ceux qui s’intéressent à l’histoire et à ce personnage, je ne peux que vous recommander l’exceptionnel Joseph Fouché de Stephan Zweig.
Avec ce roman, où la petite et la grande histoire s’entremêlent, où des personnages fictifs côtoient des figures célèbres du début du 19ème, Catherine Delors nous propose une enquête d’historienne éclairée sur des évènements bien réels. C’est palpitant, rythmé et très agréable à lire et même si on entrevoie un peu le dénouement, on a soif d’y arriver. Avec Blanche pour maitresse, Roch, sans le savoir, caressait les plus noirs desseins !