Samedi matin, Hugues de Belenet nous a parlé de vertiprep lors d’une passionnante conférence avec Anne Longuet en tant que responsable scientifique.
Aujourd’hui, les progrès en matière de biomatériaux nous permettent de nous affranchir des limites horizontales cervicales définies. On peut dorénavant réaliser des limites verticales qui offrent des avantages cliniques à la fois esthétique, mécanique, biologique et ergonomique. Ce sont les vertiprep.
Les limites horizontales se sont imposées comme le gold standard car pendant longtemps, faute d’alternative, afin de réaliser une couronne céramo-métallique en secteur esthétique, nous devions laisser suffisamment d’épaisseur au prothésiste pour l’armature métallique et la céramique jusqu’aux limites. Définir une limite claire permet également de l’enregistrer précisément afin de la transmettre au prothésiste. Ce dernier pourra ensuite réaliser une couronne qui sera parfaitement en continuité avec la dent et donc sans sur-contour.
Mais cette limite horizontale a des défauts. Tout d’abord, elle a un gros coût tissulaire. Elle est délabrante pour les tissus dentaires dans la zone cervicale, qui pourtant, a une grande importance pour la résistance mécanique de la dent. Elle nous rapproche inévitablement de la pulpe, sur une dent vivante, et on s’expose donc d’avantage aux risques de sensibilités post opératoires ou de nécrose.
Le deuxième inconvénient est technique. Obtenir un congé correct en lingual d’une 47 sur un patient avec une langue volumineuse et une petite ouverture buccale est très laborieux. De même que d’obtenir une limite avec une épaisseur homogène sur toute la périphérie. Limite qui doit être nette et enregistrable lors de l’empreinte, qu’elle soit physique ou numérique. Fig 1
La littérature est également claire sur ce sujet, les préparations verticales ont un meilleur ajustage cervical et de fait une meilleure réponse parodontale. Intuitivement on pourrait penser que le sur-contour lié à la vertiprep devrait causer de l’inflammation parodontale. Mais ce sur-contour est présent dans la nature également avec la jonction émail cément. La vertiprep va simplement repositionner artificiellement ce sur-contour naturel là où on le souhaite. Le matériau que l’on préférera utiliser pour cette technique est la zircone. Mais cette couronne a quelques particularités. Tout d’abord, elle ne doit pas avoir de surplomb. De plus il faudra laisser un bandeau cervical sans glazure, simplement polie « miroir », pour obtenir une bonne bio compatibilité avec la gencive.
La BOPT ou technique edgeless
C’est une technique beaucoup plus complexe à maitriser et qui demande un bon savoir-faire.
Elle consiste à mettre la dent de dépouille à partir de l’os. On va ainsi blesser la gencive et profiter de sa cicatrisation pour la guider avec la prothèse. On peut agir pour modifier le profil d’émergence, aligner les collets et épaissir la gencive. Mais c’est une préparation très mutilante, plus mutilante encore qu’une préparation horizontale. On va chercher très loin et on va atteindre la gencive jusqu’au tissu conjonctif.
Une fois la préparation réalisée on va guider la cicatrisation avec une couronne provisoire particulière, gonflée au niveau des limites. Le rôle du provisoire est fondamental. C’est lui qui va soutenir les tissus et appuyer sur ces derniers pour retravailler leur position. On ne veut pas chercher trop profondément pour ne pas violer l’espace biologique, donc on n’ira pas à plus d’1 mm sous la gencive. On obtiendra une forme de champignon. On laisse ensuite passer 6 à 8 semaines de cicatrisation, puis on va enregistrer la forme de préparation et on va transmettre au prothésiste le profil d’émergence gingival.
La couronne finale ne va donc pas recouvrir entièrement la zone qui a été préparée. Le nouveau sulcus sera différent, il sera plus horizontal avec un sillon gingival plat, peu profond et avec une accroche plus coronaire que précédemment.
La littérature commence à avoir un peu de recul sur la BOPT aujourd’hui. Le gros point fort est la stabilité de la gencive dans le temps grâce à cet épaississement parodontal.
Cette approche BOPT repose sur 3 éléments : l’espace obtenu par la préparation profonde, le « gingitage » (la blessure de la gencive qui va permettre la formation d’un caillot et son remaniement), et le guidage avec un provisoire de qualité.
L’une des difficultés liées à cette technique c’est la préparation de dépouille jusqu’à l’os avec une fraise flamme. Il faut donc faire varier les angulations de la fraise. C’est un geste très technique. Il ne faut pas faire de contre dépouille, ni de dépouille excessive. Ensuite, il faut réaliser un beau provisoire malgré le saignement et gonfler ses limites. Enfin, il faudra réussir à transmettre le profil d’émergence et que le prothésiste parvienne à le reproduire. Il faut cibler l’indication de cette méthode qui est principalement esthétique. En dehors des indications pour gonfler la gencive, on peut se contenter d’une vertiprep, moins à risque, plus reproductible, et plus conservatrice. Fig. 4
La Vertiprep ou technique shoulderless
Une fraise a rendu la préparation beaucoup plus simple, la « Batt bur ». C’est une fraise droite qui permet de faire un mur droit. De plus l’extrémité est non travaillante et permet de nous guider lors de la préparation en restant dans le sulcus. La blessure gingivale sera ainsi beaucoup plus superficielle. On touche l’attache épithéliale mais pas l’attache conjonctive. La gencive cicatrisera et retrouvera son état initial sans provisoire sous 3 semaines. Le provisoire n’est donc plus aussi essentiel qu’avec la BOPT. De plus on peut faire l’empreinte le jour de la préparation puisque l’hémorragie ne sera plus aussi importante. Il reste tout de même préférable d’attendre la cicatrisation pendant 2 à 3 semaines avant l’empreinte. On ne parle donc plus d’approche edgeless mais d’une approche shoulderless, puisqu’il y a toujours ici bien un angle sous la gencive. Cet angle est la limite de notre préparation. Fig. 5 et 6
Si le prothésiste voit cet angle avec notre empreinte, il s’y positionne. S’il ne le voit pas il doit aller chercher le plus loin possible en restant à moins d’1mm en sous gingival pour éviter d’interférer avec l’attache supracrestale. Pour réaliser l’empreinte, on met en place une technique double cordonnet et on peut ensuite faire une empreinte physique ou numérique. Fig. 7
La deuxième chose à voir avec le prothésiste c’est la gestion du spacer, de l’espacement entre la couronne et la dent. Classiquement sur une préparation horizontale on va mettre du spacer sur la face axiale et pas sur la limite cervicale de manière à avoir un bon ajustage cervical. Sur une limite verticale on veut éviter la tension sur cette zone qui est la plus fine. De plus on risque de mal mettre en place la couronne et d’empêcher l’excès de ciment de sortir. On va donc inverser le spacer pour les vertipreps. Ainsi on va inverser la butée, elle sera en occlusal et non plus en cervical.
Le ciment de scellement pourra ainsi s’échapper, et les tensions cervicales seront ainsi minimes évitant à la restauration de casser sur cette zone. En revanche, les contraintes seront alors en occlusal, et c’est là qu’il faudra impérativement laisser suffisamment d’espace au prothésiste. Pour finir une limite très fine en cervical le prothésiste devra de son côté sur-usiner la pièce, puis la réduire manuellement en grattant la zircone après glaçure. Fig. 8 et 9
Pour conclure, nous avons ici une perspective très intéressante qui devrait se généraliser et peut être un jour devenir la nouvelle norme en termes de préparation périphérique par ses nombreux avantages. Fig. 10