Introduction
La qualité de l’obturation coronaire et du traitement endodontique sont aussi importantes l’une que l’autre pour le devenir de la dent traitée [1]. Un soin endodontique et sa reconstitution devront s’intégrer dans un plan de traitement défini au préalable, en fonction des impératifs biologiques et biomécaniques. Les préalables seront de s’assurer que la dent sera conservable après le soin endodontique et de pouvoir la reconstituer le plus rapidement possible. Ce continuum endo-restaurateur, du traitement endodontique à la restauration coronaire définitive conditionne le pronostic et les résultats du traitement à long terme [2].
L’état de la dent traitée endodontiquement
La dévitalisation est une procédure qui modifie et mutile irrémédiablement les tissus dentaires. L’émail ne verra pas ses propriétés biologiques et biomécaniques altérées, mais pourra présenter des fragilités structurelles. Cette fragilisation inévitable est due aux destructions pathologiques et aux procédures de traitement, mais son ampleur doit être maintenue la plus faible possible [3]. La dentine de la dent dépulpée reste un tissu organo-minéral fiable et doit être préservée [3]. Une perte hydrique a lieu après une biopulpectomie mais la déshydratation globale n’est pas significative dans le temps [4].
La phase organique dentinaire est constituée en majorité de collagène. À la suite du soin endodontique, elle se dégradera lentement sans effet significatif sur la résistance mécanique globale [5]. L’utilisation des solutions d’irrigation au cours du soins endodontique (hypochlorite et EDTA) entraîne une modification de la phase organique [3][6]. Un nettoyage rigoureux de la dentine sera nécessaire pour dépolluer la surface. Une fois les surfaces amélaires et dentinaires conservables traitées, elles seront des supports assez fiables et solides pour la reconstitution.
La restauration post-endodontique provisoire
Deux situations pourront être rencontrées à la fin du traitement endodontique : la reconstitution dans la séance, ou la reconstruction différée. La première situation est celle qui consiste, quand cela est possible, de reconstituer la dent définitivement en méthode directe. La seconde situation est rencontrée quand une temporisation est nécessaire.
La restauration post-endodontique provisoire idéale doit avoir entre autres ces caractéristiques : facilité à être identifiée et éliminée pour la suite du traitement, prévenir l’infiltration des bactéries sur un temps suffisant à la réintervention, possibilité de maintenir la dent fonctionnelle en inter-séance, permettre au patient de maintenir une hygiène orale correcte [8].
Elle est définie par l’HAS comme une obturation coronaire temporaire étanche pendant et après le traitement avec un ciment d’au moins 4 mm d’épaisseur (Cavit ®, 3M) placé dans la cavité d’accès sans laisser ni vide ni espace. Cette obturation ne saurait être considérée comme efficace au-delà de 3 semaines [7]. Les études confirment cette recommandation et montrent que ces deux matériaux offrent des résultats assez proches [9].
Une obturation en composite ou en CVI peut aussi être mise en place. Elles assurent une protection au-delà d’un mois quand elles sont réalisées dans de bonnes conditions [10]. Le choix du matériau devra se faire en fonction de la date de réintervention pour la réalisation de la restauration définitive. Dans un souci de faciliter la réintervention, un Teflon stérile tassé au fond de la cavité d’accès pourra être mis en place avant la pose du CVI temporaire afin d’éviter d’endommager le plancher pulpaire lors de la réouverture de la cavité [11]. Si la restauration temporaire est amenée à durer plus d’un mois (temporaire longue-durée), il est recommandé de sceller de manière étanche les entrées canalaires [9]. Les restaurations temporaires devront impérativement se faire sous champ opératoire.
La restauration post-endodontique définitive
Si la perte de substance est minime avec quatre parois, ou la perte uniquement d’une paroi proximale, et les cupides encore présentes, une obturation en résine composite pourra reconstituer la dent traitée dans la séance après traitement de la dentine par exemple avec un sablage. Dans ce cas, la temporisation n’est pas obligatoire [12].
Lorsque les deux parois proximale et/ou plus d’une cuspide sont absents, il est indiqué de réaliser une reconstitution indirecte collée. Celles-ci peuvent être de type inlay (pas de cupide recouverte), onlay (une ou plusieurs cuspides recouvertes), overlay (toutes les cuspides recouvertes) ou endocouronne (toutes les cuspides recouvertes avec un ancrage caméral). Si la dent traitée présentait une couronne, avec ou sans inlay-core, le praticien pourra opter pour une reconstitution corono-radiculaire. Elle peut être collée avec une reconstitution à la résine composite et tenon, ou scellée pour un inlay-core métallique. Aujourd’hui, une restauration avec un tenon en fibre de verre et une reconstitution collée en composite sera préférée [13][14][15][16]. L’évaluation de la résistance des tissus restants, de l’historique de la dent, de l’occlusion et de la qualité des tissus dentaires restants guideront le praticien dans le choix de la restauration définitive [16].
Afin d’optimiser le collage futur des restaurations indirectes collées, des mesures peuvent être prises avant même le traitement endodontique. La reconstitution pré-endodontique peut, par exemple, servir de remontée de marge si elle est en bon état, étanche et utile à la restauration future. Un IDS (Immediate Dentin Sealing) pourra protéger la dentine des altérations causées par des solutions d’irrigation. Elle consiste en la mise en place d’une couche d’adhésif afin de “sceller” la surface de dentine pouvant être modifiée par l’hypochlorite notamment [17]. Enfin, la procédure endodontique devra impérativement être la plus conservatrice possible afin de préserver la dent traitée. Elle est reconnue depuis plusieurs années comme peu fragilisante pour la dent traitée. Les destructions iatrogènes comme les cavités d’accès extensives, la perte des crêtes marginales ou les reconstitutions coronaires délabrantes ont en revanche un impact beaucoup plus important sur la résistance mécanique [18]. La préservation de la dentine péri-cervicale apparaît d’ailleurs comme un facteur déterminant dans la survie de la dent traitée endodontiquement [19][20].
A retenir :
Pour aller plus loin : Recommandations de la European Society of Endodontology sur la restauration de la dent dépulpée: ESE developed by: Mannocci F et al. European Society of Endodontology position statement: The restoration of root filled teeth. IEJ, 2021.
Bibliographie
Retour à au dossier L'endodontie au quotidien - Ao news #58 -Juin 2023