Impact du traitement endodontique sur la résistance de la dent traitée endodontiquement et sur le type de restauration corono-radiculaire.

Télécharger
1. Davis AZARIA AO 63 Dec 2023.png
Format d'image Portable Network 941.3 KB


Introduction

 

L’expression last but not least peut s’appliquer parfaitement à la restauration coronaire : elle est à la fois la dernière étape et l’une des plus importantes du traitement endodontique. Ce continuum endo-restaurateur est aujourd’hui un concept bien connu, qui intègre la fermeture de l’étage coronaire à la suite du traitement endodontique et de l’obturation des entrées canalaires. Ces étapes et leur rigueur de mise en œuvre sont aussi importantes l’une que l’autre pour le pronostic et les résultats du traitement à long terme [1].

 

Les effets du traitement endodontique sur la dent

 

L’idée qui considérait le traitement endodontique comme mutilant est aujourd’hui démentie. En effet, la cavité d’accès et les procédures de soin mises en place fragilisent beaucoup moins la dent que les caries ou les fêlures qui peuvent être à l’origine du soin [2][3]. L’émail ne sera pas altéré par le traitement endodontique, ses propriétés biologiques et biomécaniques seront relativement stables grâce à son faible taux d’eau et sa composition minérale. La dentine est un tissu organo-minéral qui présentera une perte hydrique après le soin endodontique, sans qu’elle soit significative dans le temps [4].

 

La phase organique de la dentine est composée majoritairement de collagène. Elle se dégradera lentement à la suite du traitement endodontique, sans diminuer néanmoins la résistance mécanique globale. L’utilisation des solutions d’irrigation entraine une modification et une altération des surfaces organo-minérales, notamment l’hypochlorite sur le collagène [4][5]. Après nettoyage et dépollution des surfaces, les tissus durs retrouveront leur fiabilité et pourront être utilisés pour la reconstitution.

 

Les effets de la cavité d’accès sur la dent traitée

 

Il est aujourd’hui accepté que la cavité d’accès ne fragilise que faiblement la dent traitée endodontiquement. Les caries, fractures, ou restaurations défectueuses sont plus délabrantes et doivent être assainies avant même le soin endodontique [2]. Néanmoins, l’idée de réduire la taille de la cavité d’accès afin de préserver mécaniquement la dent émerge depuis une dizaine d’années. La démocratisation (encore relative en France) du microscope opératoire, les avancées technologiques comme les instruments de mise en forme toujours plus performants et les dispositifs d’irrigation encore plus efficaces autorisent des traitements plus conservateurs sans compromettre le facteur biologique. Mais les études contredisent cette prétendue nécessitée : Ballester (Clin. Oral Investig., 2021) entre autres a montré dans une méta-analyse que les crêtes marginales ont plus d’importance que la taille de la cavité d’accès dans la résistance à la fracture. De même, aucune étude d’envergure n’a prouvé le lien entre la taille de la cavité d’accès et la résistance mécanique. Comme le résume Brice Riera : la cavité d’accès doit être aussi petite que possible, et aussi large que nécessaire.

 

L’importance de la restauration post-endodontique

 

Le traitement, ou le retraitement endodontique, est réalisé le plus souvent à la suite d’une lésion des tissus durs, ou plus rarement à la suite d’une nécrose sans destruction tissulaire. La majorité des situations rencontrées impliquent donc une fragilisation mécanique de la dent. Elle peut être évaluée en fonction des structures touchées ou détruites. La réalisation d’une cavité d’accès raisonnable n’est, nous l’avons vu, pas l’élément qui fragilise le plus la dent traitée [2].

 

L’étanchéité coronaire et la qualité du traitement endodontique sont des facteurs aussi importants l’un que l’autre pour le pronostic de la dent traitée endodontiquement [1]. Cet impératif d’étanchéité - ou asepsie - nécessite la planification des étapes du traitement pour s’assurer que l’endodonte ne puisse pas être contaminé par la salive. Le champ opératoire joue un rôle majeur, ainsi que la nature et la qualité (en fonction des cas) de la reconstitution pré-endodontique, de la reconstitution temporaire et de la protection de la dent lors de la prise d’empreinte et de la pose [5].

 

La planification permettra enfin au praticien de choisir la restauration d’usage la plus adaptée. Un fois l’asepsie assurée, le critère mécanique primera. Les études montrent en effet que le facteur mécanique est le plus fréquemment en cause lors des échecs sur les dents traitées endodontiquement, plus souvent que les échecs d’ordre biologiques. La prise de décision pour cette étape est donc cruciale [6].

 

Les critères de choix des restaurations

 

Une fois le traitement endodontique réalisé, le critère le plus important sera la perte tissulaire coronaire totale, ou ce qu’il reste de la partie coronaire de la dent [7]. La restauration post-endodontique sera au moins aussi étendue que la restauration initiale éliminée, mais aussi des tissus non conservables. Les restaurations collées en bon état et les reconstitution pré-endodontiques peuvent toutefois être conservées, si elles s’avèrent utiles pour la reconstitution d’usage.

 

La perte tissulaire coronaire totale doit être estimée en premier lieu en fonction des structures perdues, principalement les cuspides et les crêtes marginales. La dentine péri-cervicale joue aussi un rôle majeur. Ces structures sont majeures pour la résistance mécanique de la dent, dépulpée

Restauration post-endodontique = (restauration initiale éliminée + tissus non conservables + cavité d’accès) - restauration collées initiale conservable ou non.

 

D’autres critères entrent en compte dans le choix de la restauration d’usage. Ces facteurs de risques sont multiples, et leur importance ne peut pas être estimée quantitativement. Ils ne doivent cependant pas être ignorés. Les parafonctions comme le bruxisme, l’état parodontal, le nombre de dents adjacentes ou la localisation de la dent à traiter font partie de ces facteurs de risque [8][9].

 

Parmi les structures déterminantes pour la résistance mécanique de la dent, et donc pour le choix de la restauration définitive, le nombre et la localisation des parois restantes est le critère premier. Une cavité d’accès raisonnable ne détruit pas elle-même de paroi dentaire. En revanche, une lésion carieuse ou une ancienne restauration à éliminer peut concerner une crête marginale, ou deux, et fragilise grandement la dent traitée. Les cuspides sont aussi à observer pour le choix de la restauration post-endodontique. Les critères de décision sur le type de restaurations post endodontique, leur protocole de mise en œuvre seront évoqués au cours des différents articles du dossier scientifique.

 

 

Bibliographie :

1. Gillen BM, Looney SW, Gu LS, Loushine BA, Weller RN, Loushine RJ, Pashley DH, Tay FR. Impact of the quality of coronal restoration versus the quality of root canal fillings on success of root canal treatment: a systematic review and meta-analysis. J Endod. 2011 Jul;37(7):895-902.

2. Ballester et al. Current strategies for conservative endodontic access cavity preparation techniques—systematic review, meta‐analysis, and decision‐making protocol. Clinical Oral Investigations. https://doi.org/10.1007/s00784-021-04080-7