Je m’appelle HENRI

La véritable histoire d’un enfant juif, caché à Bruxelles

Henri Aronis & Dominique Verlinden

AO News #68 - septembre 2024


 

Coécrit avec Dominique Verlinden, c’est un très beau et très émouvant témoignage que nous propose notre confrère universitaire belge Henri Aronis*, aujourd’hui âgé de 88 ans, sur sa vie d’enfant caché à Bruxelles pendant la dernière guerre.

En cette triste époque, la vie tenait parfois au fil ténu de quelques secondes pour échapper à une rafle, à une intuition, à une prémonition, pour ceux qui, à temps émigrèrent loin de cette Europe hostile mais aussi, comme le dit Henri Aronis dans le prologue à la rencontre de personnes d’horizons divers, bienveillantes et courageuses, qui ont, pour certaines, sauvé des vies au péril de la leur. Le partage de valeurs humanistes, de tolérance, d’ouverture aux autres et à la richesse de leurs différences.

À l’heure où une vague d’antisémitisme, sans précédent depuis la dernière guerre, submerge le monde, il est essentiel de rappeler l’histoire. Seule cette lumière permet d’éclairer les consciences pour prévenir la barbarie. L’auteur cite, toujours dans le prologue, Simone Veil avec laquelle il réfute le concept de « Devoir de mémoire ». Ainsi écrivait-elle

en ce domaine, la notion de d’obligation n’a pas sa place. Autre chose est le devoir d’enseigner, de transmettre. Là, oui, il y a un devoir.

Grâce au Comité de Défense des Juifs (CDJ organisé dans la clandestinité pour contourner les exigences allemandes et sauver le plus grand nombre d’enfants juifs, avec l’aide importante du réseau de l’ONE (Œuvre Nationale de l’Enfance), Henri Aronis, alors âgé de 7 ans, fut d’abord placé par ses parents dans un orphelinat pour y être caché sous le nom d’Henri Arene et ensuite dans une famille d’accueil, le couple Pieter et Sabina Neirinckx.

Son père, déporté à Auschwitz, heureusement survécu.

J’évoquais la vague immense et incroyable d’antisémitisme en France qui sévit jusque dans les couloirs, les bas-fonds du pouvoir, à l’Assemblée Nationale ou dans les universités. Je citerais Delphine Horvilleur (cf. précédent numéro) de Comment ça va pas : le judaïsme ça s’attrape par la mère, l’antisémitisme par l’amer. Une aigreur terrible que rien n’adoucit ni n’explique. Va savoir si c’est contagieux ou si ça se soigne ?

J’ai été impressionné par toutes les photos de documents officiels présentés dans l’ouvrage : les décrets anti juifs allemands et belges, les fausses cartes d’identité, les convocations au travail obligatoire, les carnets d’enfants juifs cachés, etc. Pour conclure avec lucidité, Henri Aronis cite Albert Einstein : Le monde est dangereux à vivre. Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laisse faire. Pour ma part et dans la même lignée, je citerais Max Frish : pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles.

 

*Henri Aronis est un ancien Régent AO pour l’Europe