Introduction
Le remplacement d’une incisive centrale du maxillaire est l’un des traitements les plus complexes en dentisterie et en implantologie, en raison de la résorption physiologique consécutive à l’extraction, et de la difficulté prothétique pour retrouver une forme et une teinte similaire à l’incisive collatérale, et également pour conserver les papilles lorsque le traitement concerne les deux incisives.
Pour prévenir ce processus de résorption, le protocole d’extraction implantation immédiate a été proposé et recommandé (Hämmerle CH, 2004) (3). Cependant, plusieurs études ne valident pas cette hypothèse et montrent que la mise en place immédiate d’un implant ne prévenait pas la résorption osseuse.
D’après la revue de littérature de Vignoletti (9), il y un manque de preuves à long terme sur l’impact de ce protocole sur la préservation des tissus péri-implantaires. La perte osseuse post-extractionnelle serait un processus biologique inévitable (Vignoletti F, 2014).
Après 4 mois de cicatrisation à la suite d’une EII, Botticelli enregistre une résorption horizontale d’environ 50% au niveau vestibulaire et de 30% au niveau lingual (Botticelli D, 2004) (10).
Néanmoins, une procédure d’EII se révèle intéressante du fait de son remodelage osseux moins important par rapport à une implantation différée (Covani U, 2004) (11). Par ailleurs, les taux de survie retrouvés sont supérieurs à 95% et les résultats cliniques à court-terme sont comparables voire supérieurs pour une implantation immédiate par rapport à une implantation en site cicatrisé (Chen ST, 2004 ; Chen ST et Buser D, 2009) (12,13).
La mise en place immédiate d’implants après extraction est une technique parfaitement codifiée qui donne d’excellents résultats (14). Cette option thérapeutique est particulièrement indiquée après un traumatisme, en présence de fêlures ou de fractures radiculaires lorsque le traitement conservateur est impossible (16,17). Cette technique a été décrite depuis 1975, avec l’apparition des racines en carbone vitrifié, technique mise au point et publiée par Grenoble et Voss, (Université de Californie du Sud USC). La technique a ensuite évolué en utilisant les implants vissés en titane avec comme objectif de chercher un ancrage palatin, donc d’incliner fortement l’axe de l’implant dont le bord vestibulaire se retrouvait au contact de la table osseuse vestibulaire.
La technique impliquait de placer cet implant en nourrice pour respecter les recommandations de Branemark sur les implants enfouis. Il faut rappeler que lors des premières publications, l’équipe Suédoise recommandait strictement la mise en place des implants dans des sites cicatrisés et contre indiquait la mise en place des implants immédiatement après extraction. Cette recommandation s’est avérée être erronée
Il est donc nécessaire d’avoir un regard critique lorsque les résultats cliniques sont en contradiction avec les dogmes.
La technique actuelle
La mise en place immédiate d’implants après extraction est une technique parfaitement codifiée qui donne d’excellents résultats (1,4).
Cette option thérapeutique est particulièrement indiquée après un traumatisme, en présence de fractures ou de fêlures radiculaires, lorsque le traitement conservateur est strictement impossible (15).
Cette technique semble entraîner une cicatrisation osseuse plus rapide qui pourrait s'expliquer par la vascularisation du site osseux provoquée par l'extraction, l'ouverture des espaces médullaires et le moindre échauffement de forage. Le résultat esthétique est exceptionnel dans la majorité des cas car l’implant est situé dans la position d’origine de la dent naturelle.
Elle apporte enfin un avantage psychologique par remplacement immédiat d'une dent non conservable, en n'allongeant pas inutilement la durée globale du traitement.
Si l'indication est bien posée, la simplicité de la technique de mise en place immédiate d'un implant dans un site d'extraction doit faire envisager cette éventualité face à chaque indication d'extraction en pratique quotidienne.
Les avantages très significatifs et les résultats positifs obtenus plaident en faveur de cette technique.
La mise en place immédiate d'un implant après extraction, constitue une technique chirurgicale de pointe de chirurgie reconstructrice pour obtenir un environnement osseux et gingival favorable autour d'un implant stable avec un excellent pronostic (2).
L'extraction qui représente l'acte chirurgical témoin de l'échec des traitements conservateurs, peut ainsi, grâce à cette technique, constituer un acte chirurgical positif de chirurgie reconstructrice dans des conditions de sécurité et de pronostic très satisfaisantes. Cette option thérapeutique de mise en place immédiate d'une racine artificielle compense généralement pour le patient concerné l'aspect psychologique négatif de l'extraction.
En préambule, il est évident que l’indication de cette technique doit être correctement posée (3).
Elle concerne principalement les cas de fractures horizontale ou verticale des racines en absence de signes infectieux aigus, les rhizalyses terminales de dents lactéales et les résorptions pathologiques de dents permanentes. Elle est particulièrement indiquée après un traumatisme, lorsque le traitement conservateur est strictement impossible.
On doit éviter les situations qui empêcheraient d’obtenir une stabilité primaire de l’implant.
L’extraction constitue l’étape la plus difficile de la technique car l’objectif est de conserver le maximum de volume osseux et de préserver impérativement la table osseuse vestibulaire.
Pour réaliser une chirurgie de sécurité, nous recommandons si le biotype parodontal le permet, de réaliser un lambeau d’accès qui permet de pratiquer l’extraction en surveillant l’intégrité de la table osseuse vestibulaire.
Il est évident que le recours à l’alvéolectomie constitue une contre-indication formelle de la mise en place immédiate de l’implant. L’absence totale de table osseuse vestibulaire constitue également une contre-indication formelle. Les élévateurs à lame souple de type Luxator® sont particulièrement efficaces pour réaliser l’exérèse de fragments radiculaires ou d’apex fracturés.
Un curetage minutieux de l’alvéole doit être réalisé à l’aide de curettes de Lucas avant d’entreprendre la séquence de forage. Le forage doit permettre l’insertion de l’implant en respectant l’intégrité de la table osseuse vestibulaire qui est le garant du succès esthétique de la restauration prothétique.
Le premier forage est réalisé avec un foret de précision de 1mm de diamètre avec un point de pénétration plus palatin que l’apex anatomique dans un axe parallèle au mur palatin de l’alvéole. En effet, le positionnement de l’implant doit se situer à distance de la table osseuse vestibulaire. C’est ce positionnement à distance de la table osseuse vestibulaire qui différencie la technique actuelle de pose des implants. On passe ensuite le foret pilote de 2mm puis les forets de diamètre croissant. Il est impératif de s’arrêter à un diamètre de forage inférieur au diamètre de l’implant sélectionné afin de favoriser sa rétention primaire et permettant le respect de la table osseuse vestibulaire et des racines des dents naturelles adjacentes.
Enfin il est vivement recommandé d’attendre que le site implantaire soit rempli de sang avant de commencer le vissage de l’implant. Ce vissage doit procurer une totale immobilité de l’implant. C’est la stabilité primaire de l’implant.
Il est judicieux de choisir un implant avec des spires assez marquées afin d’obtenir un excellent ancrage osseux.
L’implant peut être mis en place :
- soit à l’aide d’un tournevis manuel, cette option permet une sensation tactile de la résistance au vissage et de la densité de l’ancrage osseux et également de rectifier l’axe d’insertion de l’implant au cours du vissage ;
- soit à l’aide du contre angle et du moteur implantaire ;
- soit à l’aide de la clé dynamométrique.
Nous avons une préférence marquée pour la mise en place à l’aide du tournevis manuel qui permet de bien sentir la résistance au vissage et de contrôler l’axe d’insertion de l’implant.
Une fois l’implant mis en place, le praticien a le choix entre plusieurs options :
- visser la vis de couverture ;
- visser un pilier de cicatrisation ;
- mettre en place un pilier provisoire et une couronne provisoire scellée ;
- mettre en place une couronne provisoire transvissée pour une mise en charge immédiate ou mise en esthétique immédiate.
Dans ce cas la couronne provisoire doit impérativement être placée sans interférence avec l’arcade antagoniste tant en OIM que dans les mouvements latéraux ou de propulsion. On comble ensuite le hiatus vestibulaire entre l’implant et la table osseuse vestibulaire à l’aide d’un matériau de substitution osseux soit d’origine synthétique Collapat® ou Novabone®, soit d’origine bovine Bio Oss®, ou humaine Bio Bank® (5).
La littérature préconise de combler le hiatus lorsqu’il est supérieur à 2mm. Pour notre part nous recommandons de combler le hiatus de façon systématique quel que soit sa taille. Le matériau doit être compacté entre l’implant et la table osseuse à l’aide d’un fouloir.
L’instrument de compactage de Patrick Palacci (Denteo compactor®) est très bien conçu pour cette action car sa forme concave est adaptée à la morphologie de l’implant et de l’alvéole. On peut également placer du matériau de substitution osseux sur la face vestibulaire pour augmenter le volume antérieur. Il est possible d’ajouter une greffe de conjonctif enfoui pour améliorer l’environnement muco-gingival mais cette option n’est pas une obligation. Les tissus sont remis en place et suturés minutieusement.
Il se pose donc le problème du choix du matériau de comblement.
Différentes catégories de substituts osseux existent. Ils englobent une grande variété de matériaux et de sources (naturel ou synthétique). La plupart sont des composites, association de plusieurs matériaux, McKee (18).
Laurencin distingue dans sa classification basée sur les groupes de matériaux (19) :
- les allogreffes osseuses ;
- les substituts osseux a base de céramiques (phosphates de calcium, sulfates de calcium, bioverres) ;
- les substituts osseux à base de polymères résorbables et non résorbables ;
- les substituts osseux à base de facteurs de croissance naturels ou recombinées ;
- les substituts osseux à base de produits cellulaires avec ou sans matrice support (cellules souches mésenchymateuses) ;
- les biomatériaux non conventionnels d'origine marine comme le corail.
Les greffes osseuses et leurs substituts peuvent être classés à partir de leur caractère ostéo-inducteur, ostéoconducteur ou ostéogénique :
- les agents ostéo-inducteurs sont en général des protéines stimulant la prolifération et/ou la différenciation de cellules souches en cellules osteéogénitrices ;
- l'osteoconduction est le processus utilisant un treillis microscopique et macroscopique afin de générer la migration de cellules impliquées dans la formation osseuse (cellules mésenchymateuses, osteéoblastes, osteéoclastes...) : HA, matrices à base de collagène, phosphates ou sulfate de calcium, bioverres ;
- l’ostéogenèse se réfère en général à la formation osseuse sans indication sur l'origine cellulaire (issue de la greffe ou de l’hôte).
En fait, on constate que le choix du matériau est très souvent lié aux habitudes du praticien.
Certains matériaux comme le Bio Oss® ont fait l’objet de très nombreuses publications qui rassurent les utilisateurs qui l’utilisent dans d’autres indications comme le sinus lift. Notre choix s’est porté depuis de très nombreuses années sur un matériau composite qui associe collagène et tri calcium phosphate (4).
En effet, nous avons utilisé successivement les Calci resorb collagène (CRC)® qui est devenu le Resorbable Tissue Replacement (RTR cône)® puis le Matribone® et enfin plus récemment le Collapat®.
Le Collapat®.est un biomatériau hybride de substitution osseuse, hémostatique, composé de Collagène mixé à des particules d’hydroxyapatite, ce qui lui confère des propriétés d’ostéo-conduction, l’hydroxyapatite se résorbant lentement. Le collagène est d’origine bovine et se résorbe avec le temps pour disparaitre totalement en quelques semaines. L’intérêt majeur de ce matériau Collapat® réside dans son caractère composite, très facile d’emploi et économique.
Il se présente sous forme d’un cube qu’il est très facile de découper au ciseau ou au bistouri. Sa consistance ressemble à celle de la guimauve et permet une insertion très facile dans le hiatus entre l’implant et l’os alvéolaire adjacent. Du fait de la présence de collagène, il adhère au site opératoire et reste en place après son insertion. Il est fondamental de laisser imbiber ce matériau par le sang du patient lors de son insertion. Ce point constitue l’élément clé du succès de cette technique.
On peut également mettre en place le matériau sur la face externe du site opératoire pour réaliser une légère augmentation du volume osseux sans avoir recours à une membrane complémentaire. Ceci dispense également d’avoir recours à une greffe de conjonctif enfoui, ce qui réduit donc le temps opératoire et évite un site de prélèvement palatin ou tubérositaire au patient et évite également des complications post-opératoires.
L’avantage du matériau composite réside dans sa stabilité dans le site opératoire si l’on compare aux granulés qui ont tendance à s’échapper en particulier lors des bains de bouche post-opératoires ou lors de l’alimentation.
Conclusion
Cette technique EII permet un taux de succès supérieur à la technique classique de mise en place dans un site édenté cicatrisé. Les avantages de la mise en place immédiate d'un implant dans un site d'extraction sont très nombreux.
Cette technique chirurgicale permet en effet :
- de limiter la résorption post-extractionnelle, de disposer dans la majorité des cas du volume osseux nécessaire pour mettre en place un implant et d'obtenir un résultat esthétique satisfaisant- surtout au niveau antérieur au maxillaire- en situant la zone cervicale d'émergence de l'implant au même niveau que celle des dents adjacentes, évitant ainsi le syndrome de "dent longue";
- de mettre en place un implant dans une zone de faible volume osseux où la résorption prévisible de la crête après extraction et cicatrisation constituerait une contre-indication ;
- d'éviter le forage de la corticale osseuse qui est l'acte qui génère le plus de dégagement de chaleur;
- de simplifier grandement la technique chirurgicale de mise en place puisque, après l'extraction, qui reste selon nous le point crucial, il ne reste qu'à calibrer la zone apicale de l'alvéole existant en disposant d'une aide précieuse sur la direction de forage;
- d'augmenter la longueur utile de l'implant, sa surface de contact avec l'os, donc d'améliorer sa rétention et sa stabilité;
- de placer l'implant dans une situation très proche de celle de la racine naturelle, ce qui constitue un avantage fonctionnel et esthétique;
- de constituer une solution de choix dans le traitement de l'expulsion traumatique ou de rhizalyse terminale de dent lactéale avec agénésie de la dent permanente;
- de conserver le plus souvent la gencive attachée qui existait autour de la dent naturelle;
- de combiner la cicatrisation post-extractionnelle avec la phase de cicatrisation osseuse autour de l'implant (mise en nourrice), ce qui réduit de moitié le temps pendant lequel le patient doit porter une prothèse provisoire amovible.
Cette technique semble entraîner une cicatrisation osseuse plus rapide qui pourrait s'expliquer par la vascularisation provoquée par l'extraction, l'ouverture des espaces médullaires et le moindre échauffement de forage. Elle apporte enfin un avantage psychologique par remplacement immédiat d'une dent perdue, en n'allongeant pas inutilement la durée globale du traitement.
Si l'indication est bien posée, la simplicité de la technique de mise en place immédiate d'un implant dans un site d'extraction doit faire envisager cette éventualité face à une indication d'extraction en pratique quotidienne.
Les avantages que nous avons décrits et les résultats positifs obtenus plaident en faveur de cette technique. L’association systématique de mise en place d’un matériau de substitution osseux pour combler les hiatus péri-implantaires donne à cette technique chirurgicale une fiabilité et une reproductibilité exceptionnelles.
La mise en place immédiate d'un implant après extraction, constitue une technique chirurgicale de pointe de chirurgie reconstructrice pour obtenir un environnement osseux favorable autour d'un implant stable avec un excellent pronostic. L'extraction qui représente l'acte chirurgical témoin de l'échec des traitements conservateurs, peut ainsi, grâce à cette technique, constituer un acte chirurgical positif de chirurgie reconstructrice dans des conditions de sécurité et de pronostic satisfaisantes. Cette attitude thérapeutique de mise en place immédiate d'une racine artificielle compense généralement pour le patient concerné l'aspect psychologique négatif de l'extraction.
CAS 1
Il concerne l’extraction d’une incisive maxillaire gauche 21 fracturée verticalement. On a privilégié la technique en un temps chirurgical, avec vissage du pilier prothétique au premier temps et pose d’une couronne provisoire. Ceci permet un bon soutien des papilles qui ont été préservées lors de l’extraction. Un comblement du hiatus entre l’implant et l’os alvéolaire a été réalisé avec Novabone. Après une période de cicatrisation de 2 mois la couronne d’usage en céramique a été réalisée.
CAS 2
C’est une parodontite terminale avec mobilité 4 d’une incisive centrale maxillaire gauche 21. Le traitement a consisté en l’extraction de cette incisive centrale maxillaire avec vissage du pilier prothétique au premier temps et pose d’une couronne provisoire en sous occlusion en OIM et en protrusion. Un comblement autour de l’implant a été réalisé avec le Collapat®. Après une période de cicatrisation de 2 mois la couronne d’usage en céramique a été réalisée.
CAS 3
Le troisième cas concerne une fêlure verticale d’une incisive maxillaire gauche 21. Le traitement a consisté en l’extraction de cette incisive centrale maxillaire avec mise en place du piler de cicatrisation afin de faire une technique en un temps avec un implant Bone Level®. Un comblement autour de l’implant a été réalisé avec le Collapat®. Après une période de cicatrisation de 2 mois la couronne d’usage en céramique a été réalisée.
Bibliographie