Activation ultrasonore en endodontie

Irrigation endodontique

Dossier spécial Les Ultrasons, notre quotidien - Oct 2020

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En endodontie, l’un des points les plus importants et les plus débattus actuellement concerne l’irrigation. Plus particulièrement, l’objectif est d’améliorer la circulation de la solution d’irrigation dans l’ensemble du réseau endodontique afin d’obtenir la meilleure désinfection possible. La majorité des praticiens utilise une seringue et une aiguille pour délivrer l’irrigant au sein du canal. Si la seringue d’irrigation seule semble offrir des performances équivalentes à l’activation ultrasonore dans les cas d’anatomies simples (), elle ne suffira pas dans les cas plus complexes. Afin d’atteindre les zones les plus difficiles d’accès, le praticien aura recours à une méthode d’activation de la solution. Parmi ces différentes méthodes, l’activation ultrasonore est la plus populaire ().


Description du phénomène

 

Mécanisme d’action

L’activation ultrasonore en endodontie n’est apparue qu’au début des années 80 (). Cette méthode s’effectue en venant activer la solution d’irrigation présente dans le canal par l’intermédiaire d’un instrument monté sur une pièce à main ultrasonore. L’oscillation de l’instrument, au sein du liquide, fait circuler celui-ci selon différents modes. Il est possible de décrire le phénomène de l’activation ultrasonore en 3 points :

- La composante oscillatoire

Ce phénomène, souvent oublié au début de la recherche sur les ultrasons en endodontie, correspond à l’agitation du liquide par l’instrument ultrasonore, le flux suit la direction de l’instrument. Cette composante permet une agitation très efficace du liquide à proximité de l’instrument mais cet effet décroit très rapidement à distance de celui-ci.

- L’effet de turbulence acoustique

Cet effet est également décrit sous le terme « acoustic streaming », il correspond à des interactions complexes au sein du liquide. Cet effet se manifeste par un flux de liquide qui part de l’instrument dans toutes les directions de l’espace (). Cet effet est largement dominé par la composante oscillatoire à proximité de l’instrument, en revanche, celui-ci décroit nettement moins vite avec la distance. Cet effet devient même dominant à distance de


l’instrument et serait donc responsable de la circulation du liquide dans les zones les plus difficiles d’accès. Il est intéressant de noter qu’il n’est possible d’obtenir ces turbulences acoustiques que dans le cas de l’activation ultrasonore et non pas dans le cas de l’activation sonore pourtant similaire sur certains points (5).

- La cavitation

Le dernier mode d’action de l’activation ultrasonore serait le phénomène de cavitation qui correspond à la formation de bulles de vide relatif au sein du liquide faisant suite à l’oscillation ultrasonore. Ces bulles viendraient participer au nettoyage en implosant au contact des parois canalaires. Ce sujet est débattu depuis un certain temps en endodontie et les différentes études ont montré qu’il est possible de produire des bulles de cavitation. Ceci étant dit, aujourd’hui il n’existe pas de preuve de cet effet favorisant la désinfection, les bulles formées par la cavitation imploseraient en réalité à proximité de l’instrument et non pas au contact des parois canalaires. Au contraire, ces implosions pourraient fragiliser l’instrument ultrasonore donc à l’heure actuelle, la cavitation ne semble pas avoir de bénéfice sur la désinfection (7). L’effet serait très intéressant si nous pouvions provoquer le phénomène de cavitation au contact des parois par exemple. Dans le futur, nous pourrions tenter de combiner deux techniques d’activation afin de « déplacer » ce phénomène de cavitation dans la zone d’intérêt.

 

Protocole d’utilisation

Différents protocoles ont été décrits pour l’activation ultrasonore sans pour autant qu’un consensus se dégage de manière indiscutable. Ceci étant dit la plupart des travaux s’accordent sur certains points. L’instrument doit être placé tout comme l’aiguille d’irrigation sans blocage dans le canal et à une distance de 2 à 3 mm de la longueur de travail : cela semble offrir un bon compromis entre performance et sécurité. Le flux de solution activée ne semble pas dépasser plus de 3mm apicalement à la pointe de l’instrument. De plus une courbure ne semble pas être un obstacle pour la circulation du liquide tant que l’instrument est placé correctement (8). En règle générale, il vaut mieux utiliser un instrument fin (diamètre de pointe de 15/100e ou 20/100e de mm) afin d’allouer à l’instrument le plus d’espace possible pour l’oscillation. De même qu’en présence d’une courbure précoce, il convient de pré courber l’instrument en conséquence afin de minimiser les contacts de l’instrument avec la paroi canalaire (9).

La circulation du liquide semble augmenter avec l’élévation de la puissance de la pièce à main ultrasonore, cela dit une trop grande puissance entrainera un risque accru de fracture instrumentale. La plupart des fabricants conseillent de régler la puissance à 1/3 de la puissance disponible. Concernant les fractures, il est intéressant de noter que les limes ultrasonores se fracturent plus facilement en vibrant librement dans l’air que dans le canal rempli de solution d’irrigation. Les contacts avec les parois et l’irrigant viendraient atténuer l’amplitude de l’oscillation (10). Quand la lime se fracture, la partie active de la lime est plus importante. En conséquence, il vaut mieux activer la lime ultrasonore une fois dans le canal et pas en dehors, de plus quand celle-ci se fracture, elle devra être jetée directement.

Enfin il est préférable de réaliser plusieurs activations successives par à-coups plutôt qu’une seule activation continue. Cela présente deux avantages : premièrement cela permet de renouveler plus souvent la solution d’irrigation et deuxièmement la désinfection semble améliorée lorsque l’activation est réalisée avec des à-coups. Les auteurs attribuent cette différence au mouvement atypique que réalise l’instrument ultrasonore au démarrage : l’oscillation apparait désynchronisée et plus efficace (11).

 

Différents systèmes

Il existe plusieurs types d’instruments ultrasonores qui sont en réalité des limes ou des embouts ultrasonores de formes différentes, ces instruments peuvent être montés sur une pièce à main classique ultrasonore ou sur une pièce à main externe dédiée à l’activation ultrasonore. Ils peuvent être lisses ou similaire à une lime K. Une version plus respectueuse de la dentine radiculaire a également été introduite plus tardivement sous le nom d’IrriSafe (Acteon) : les bords sont nettement moins coupants que sur une lime K ultrasonore (12). Ces instruments peuvent être en acier inoxydable ou en Ni-Ti. Il existe également des aiguilles d’irrigations ultrasonores permettant la délivrance de la solution et l’activation de manière simultanée. Cela dit ces systèmes ont été associés avec une extrusion importante de solution d’irrigation au-delà du foramen apical ce qui n’est pas le cas de l’activation ultrasonore traditionnelle en 2 temps (13)

 

Application clinique

 

Bénéfice de l’activation ultrasonore

Comme nous l’avons évoqué plus tôt, la seringue d’irrigation seule offre des performances équivalentes à l’activation ultrasonore dans les cas de dents monoradiculées. Dans ces cas, en effet, l’ajout d’une activation ultrasonore ne semble pas influer sur le taux de succès du traitement endodontique (15). Sous réserve que l’aiguille est placée correctement à une distance de 1 ou 2 mm de la longueur de travail sans la bloquer : l’aiguille utilisée aura une extrémité fermée à sortie latérale (16). Dans les anatomies plus complexes, comme les isthmes de molaires mandibulaires, l’activation ultrasonore sera plus performante que la seringue d’irrigation seule dans l’élimination des débris dentinaires ou de l’hydroxyde de calcium (17,18). Enfin, dans certains cas, l’activation ultrasonore semble améliorer la désinfection en augmentant la température, cependant cela n’est pas clairement établi. Cette affirmation ne semble valable qu’avec certaines solutions d’irrigation : Hypochlorite de sodium et Chlorhexidine et non avec les solutions d’EDTA.

 Limites de l’activation ultrasonore

L’activation ultrasonore est couramment décrite comme une activation passive sous le terme de PUI (Passive Ultrasonic Irrigation). Dans des conditions expérimentales favorisant une passivité de la lime ultrasonore, l’activation ultrasonore est perturbée par les contacts de la lime avec le canal pendant 70 % du temps total d’activation (19). Le contact de l’instrument avec la paroi canalaire apparait inévitable en condition réelle et vient diminuer drastiquement les performances de l’activation ultrasonore. Dans certaines études in vitro, ce phénomène de contact est soigneusement évité ce qui pourrait avoir tendance à surestimer les performances de cette activation (20). A la lumière de ces résultats, les auteurs proposent le terme d’activation ultrasonore active (21). L’autre conséquence de ce contact avec les parois canalaires est le retrait de dentine radiculaire avec tous les types d’instruments ultrasonore : bien entendu ce phénomène est majoré avec l’utilisation des limes plus agressives comme les limes K ultrasonores et la présence de courbure canalaire (22). Enfin l’utilisation présente le risque de la fracture instrumentale pendant l’activation, bien que les fragments de ces limes ultrasonores soient plus faciles à retirer qu’une lime de mise en forme vissée dans le canal, cela reste une contrainte per opératoire non négligeable. Ces fractures sont des fractures de fatigue apparaissant le plus souvent à 2 mm de la pointe, cette zone correspond à la zone où la lime se plie le plus fortement.

 

Performance face à d’autres systèmes d’activation

Dans le cas d’une racine avec un seul canal, nous avons vu que l’activation ultrasonore ne fait pas mieux que la seringue d’irrigation utilisée correctement. L’aiguille d’irrigation à sortie latérale doit être placée à une distance allant de 1 à 2 mm de la longueur de travail sans blocage. Afin d’atteindre cet objectif nous utiliserons différentes aiguilles (extrémités fermées et sorties latérales) en fonction du cas (27G à 31G). En général l’aiguille la plus utilisée de 30G suffira, cela dit dans les cas de racines fines et courbées nous devrons utiliser une aiguille plus fine de 31G pour atteindre la zone d’intérêt. Les aiguilles fines, en revanche, demande plus de pression de la part de l’opérateur que les aiguilles plus larges. L’utilisation d’une aiguille de 31G sera plus aisée avec une seringue de 2.5mL plutôt qu’avec une seringue de 5mL classique.

Différentes méthodes dans les anatomies complexes (Isthmes des racines mésiales de molaires mandibulaires, canaux en « C » ou résorption interne) ont été analysées.

Concernant l’élimination des débris dentinaires ou de l’hydroxyde de calcium, l’activation ultrasonore offre de meilleures performances que la seringue d’irrigation seule. Actuellement les méthodes d’activations les plus performantes dans cette indication semble être l’activation ultrasonore, l’activation laser (protocole PIPS avec laser Er : Yag) et l’activation mécanique (XP-endo Finisher, FKG Dentaire) (23). Selon les études, il est difficile de départager ces trois méthodes d’activation : Souvent les 3 méthodes d’activation sont supérieures aux autres méthodes disponibles sur le marché comme l’activation sonore (EndoActivator, Dentsply par exemple) ou l’activation manuelle dynamique. L’activation mécanique (XP-endo Finisher) a pour avantage de combiner activation de la solution d’irrigation et éliminations des débris d’obturation dans les cas d’un retraitement endodontique.

Concernant les anatomies simples, actuellement l’activation de la solution d’irrigation avec les ultrasons ne semble pas améliorer la qualité de la désinfection du traitement endodontique. Cela est vrai si le praticien délivre la solution à une distance suffisante de la longueur de travail sans blocage. Dans les cas d’anatomie plus complexes, certaines études mettent en avant l’efficacité de l’activation ultrasonore et d’autres méthodes (activation laser, mécanique). Ces résultats, en revanche, ne portent que sur des éléments précis (élimination des débris dentinaires, élimination de médications intra-canalaires...) Parmi les différents dispositifs, l’activation ultrasonore est un dispositif relativement peu couteux et à la portée de la majorité des praticiens. Ce n’est, en revanche, pas le cas pour d’autres systèmes tel que l’activation laser ou l’activation mécanique. Ces dispositifs, représentent, en effet, un investissement conséquent pour le praticien. Il serait peut-être judicieux dans le futur de pouvoir étudier dans quelle mesure l’activation des solutions influent sur le taux de succès de nos traitements endodontiques.

 

 

Bibliographie

1. Liang Y-H, Jiang L-M, Jiang L, Chen X-B, Liu Y-Y, Tian F-C, et al. Radiographic healing after a root canal treatment performed in single-rooted teeth with and without ultrasonic activation of the irrigant: a randomized controlled trial. J Endod. oct 2013;39(10):1218-25.

2. Dutner J, Mines P, Anderson A. Irrigation trends among American Association of Endodontists members: a web-based survey. J Endod. janv 2012;38(1):37-40.

3. Weller RN, Brady JM, Bernier WE. Efficacy of ultrasonic cleaning. J Endod. sept 1980;6(9):740-3.

4. van der Sluis LWM, Versluis M, Wu MK, Wesselink PR. Passive ultrasonic irrigation of the root canal: a review of the literature. Int Endod J. juin 2007;40(6):415-26.

5. C, van der Sluis LWM, Versluis M. Acoustic streaming induced by an ultrasonically oscillating endodontic file. J Acoust Soc Am. avr 2014;135(4):1717-30.

6. van der Sluis LWM, Versluis M, Wu MK, Wesselink PR. Passive ultrasonic irrigation of the root canal: a review of the literature. Int Endod J. juin 2007;40(6):415-26.

7. Macedo RG, Verhaagen B, Fernandez Rivas D, Gardeniers JGE, van der Sluis LWM, Wesselink PR, et al. Sonochemical and high-speed optical characterization of cavitation generated by an ultrasonically oscillating dental file in root canal models. Ultrason Sonochem. janv 2014;21(1):324-35.

8. Malki M, Verhaagen B, Jiang L-M, Nehme W, Naaman A, Versluis M, et al. Irrigant flow beyond the insertion depth of an ultrasonically oscillating file in straight and curved root canals: visualization and cleaning efficacy. J Endod. mai 2012;38(5):657-61.

9. Lumley PJ, Walmsley AD. Effect of precurving on the performance of endosonic K files. J Endod. mai 1992;18(5):232-6.

10. Verhaagen, « Root Canal Cleaning through Cavitation and Microstreaming ». accès libre sur : https://research.utwente.nl/en/publications/root-canal-cleaning-through-cavitation-and-microstreaming

11. van der Sluis L, Wu M-K, Wesselink P. Comparison of 2 flushing methods used during passive ultrasonic irrigation of the root canal. Quintessence Int. déc 2009;40(10):875-9.

12. Retsas, A., et C. Boutsioukis. « An update on ultrasonic irrigant activation ». Endodontic practice today 13, no 2 (2019): 115‑29.

13. Malentacca A, Uccioli U, Zangari D, Lajolo C, Fabiani C. Efficacy and safety of various active irrigation devices when used with either positive or negative pressure: an in vitro study. J Endod. déc 2012;38(12):1622-6.

14. Retsas et Boutsioukis, 2019, « An update on ultrasonicirrigant activation » Endodontic practice today 13, no 2 (2019): 115‑29.

15. Retsas et Boutsioukis, « An update on ultrasonic irrigant activation » Endodontic practice today 13, no 2 (2019): 115‑29.

16. Boutsioukis, « Syringe irrigation revisited ». Endo 13, no 2 (2019): 101‑13

17. Silva EJNL, Carvalho CR, Belladonna FG, Prado MC, Lopes RT, De-Deus G, et al. Micro-CT evaluation of different final irrigation protocols on the removal of hard-tis

18. Wiseman A, Cox TC, Paranjpe A, Flake NM, Cohenca N, Johnson JD. Efficacy of sonic and ultrasonic activation for removal of calcium hydroxide from mesial canals of mandibular molars: a microtomographic study. J Endod. févr 2011;37(2):235-8.

19. Boutsioukis C, Verhaagen B, Walmsley AD, Versluis M, van der Sluis LWM. Measurement and visualization of file-to-wall contact during ultrasonically activated irrigation in simulated canals. Int Endod J. nov 2013;46(11):1046-55.

20. Retsas et Boutsioukis, « An update on ultrasonic irrigant activation ». Endodontic practice today 13, no 2 (2019): 115‑29.

21. Boutsioukis C, Verhaagen B, Walmsley AD, Versluis M, van der Sluis LWM. Measurement and visualization of file-to-wall contact during ultrasonically activated irrigation in simulated canals. Int Endod J. nov 2013;46(11):1046-55.

22. Boutsioukis C, Verhaagen B, Walmsley AD, Versluis M, van der Sluis LWM. Measurement and visualization of file-to-wall contact during ultrasonically activated irrigation in simulated canals. Int Endod J. nov 2013;46(11):1046-55.

23. Azim AA, Aksel H, Zhuang T, Mashtare T, Babu JP, Huang GT-J. Efficacy of 4 Irrigation Protocols in Killing Bacteria Colonized in Dentinal Tubules Examined by a Novel Confocal Laser Scanning Microscope Analysis. J Endod. juin 2016;42(6):928-34.

 

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