Introduction
Les usures dentaires sont des pertes de substances non carieuses dont les étiologies peuvent être multiples, voire combinées. Érosion et abrasion sont des phénomènes progressifs qui s’accompagnent généralement d’une égression compensatoire des dents atteintes ou de leur antagoniste laissant souvent peu de place pour leurs restaurations. D’autre part le sourire gingival peut avoir un impact sur le rendu esthétique du sourire de nos patients et ainsi créer un véritable complexe. Les étiologies sont tout aussi multiples et peuvent être d’origine dento parodontale, alvéolaire, ou musculaire, mais il se peut bien également que la cause soit une association de différents facteurs. Le cas clinique présenté ici illustre une réhabilitation esthétique pluridisciplinaire du sourire d’une patiente qui présente des usures dans un contexte de sourire gingival.
Cas clinique
Mme C, 41 ans se présente à la consultation avec le désire d’améliorer l’esthétique de son sourire, en effet elle trouve ses dents trop petites et elle est gêné par les espaces quelle a entre les dents. La patiente ne présente pas de pathologie et ne consomme pas de tabac. Elle ne se plaint pas de douleur musculaire ni de claquements articulaires.
Examen clinique
L’examen de la face montre une harmonie de proportion au niveau des différents étages de la face, sans perte de dimension verticale (Fig.1). Cependant, on note une asymétrie du visage marquée par une différence de hauteur du couple œil sourcils. Le sourire de face est composé d’une lèvre supérieure fine et une lèvre inférieure charnue, on note un sourire gingival assez marqué (classe I de Liebart) ainsi qu’un léger décalage vers la droite du milieu inter incisif. La ligne des bords libres des incisives maxillaires effleure le contour de la lèvre inférieure ce qui indique que le bord libre est déjà bien situé dans le sourire.
Au niveau intrabuccal, on observe un contrôle de plaque sensiblement à améliorer et un biotype parodontal épais (Fig. 2). On note une usurdu bord libre et de la face palatine des incisives et canines maxillaire avec une compensation alvéolaire dont l’étiologie est probablement mécanique et chimique (boisson acide). Des anciennes restaurations en composite ont été placées pour remplacer une partie du bord libre usé. Les incisives, de forme triangulaire, assez courtes, présente des diastèmes liés à une dysharmonie dento-dentaire.
Au niveau occlusal on observe une classe I d’angle molaire et canine une supracclusion de 2mm et un surplomb de 1 mm. L’examen fonctionnel ne révèle pas de parafonction particulière ni de signe de bruxisme, cependant, on note un guidage non fonctionnel lié à des usures de composantes plutôt érosives.
Diagnostic
La patiente présente un sourire gingival mettant en avant une dysharmonie dent dentaire par insuffisance des dents maxillaire, associé à une usure de type érosive de la face linguale et du bord libres des incisives et canines maxillaires. Ces usures ayant entraîné une insuffisance dans le guidage antérieur en propulsion et diduction. Aucun retentissement fonctionnel n’ayant été encore ressenti au niveau des articulations temporo-mandibulaires.
Vailati et Belser ont décrit la classification ACE (Fig. 3) qui correspond aux niveaux d’usures lié aux érosions des dents antérieures maxillaires. Selon cette classification le cas présent est une classe IV qui correspond à une perte de l’émail palatin associé à une perte verticale du bord libre supérieure à 2mm, tout en conservant de l’émail vestibulaire. La classification est aussi une classification oriente aussi la thérapeutique vers une réhabilitation par facettes palatine et facette vestibulaire. Cependant, dans le cas présent une égression des incisif limites l’espaces prothétique résiduel au niveau des faces palatines.
Objectifs du traitement
Améliorer l’esthétique du sourire de la patiente
- En augmentant la luminosité des dents
- En diminuant la partie gingivale présente dans le sourire
- En améliorant les proportions des dents antérieures maxillaires
Rétablir la fonction
- En réalisant un guidage antérieur efficient
Préserver les tissus dentaires atteints
- En créant de l’espace grâce à une approche orthodontique
Plan de traitement
- Éclaircissement par voie externe
- Phase orthodontique de récupération d’espace prothétique
- Réhabilitation du guide antérieur par mise en place de facettes palatines
- Aménagement parodontal par gingivectomie
- Réhabilitation esthétique par facettes en céramiques
L’éclaircissement par voie externe permet d’augmenter la luminosité globale des dents présentes dans le sourire. Celui-ci est réalisé en ambulatoire avec du peroxyde de carbamide à 10% à la fréquence de 8h par jour pendant 3 semaines. Aucune sensibilité n’a été décrite pendant la durée du traitement (Fig. 4).
Une phase orthodontique dont l’objectif est l’ingression et la vestibulo version des incisives maxillaires est réalisée à l’aide d’une plaque de Hawley avec un arc vestibulaire activé à l'aide de boucles distales. L’arc exerce alors une force douce sur des taquets en composites placés sur les faces vestibulaires des incisives maxillaires (Fig. 5). Après une durée de traitement de 5 mois, l’espace créé a été suffisant pour passer à la phase restauratrice.
La réhabilitation du guidage antérieur est réalisé concomitamment à la fin du traitement orthodontique afin d’éviter la récidive.
Les usures situées aux niveaux des faces palatines des incisives maxillaires sont restaurées par des facettes palatines en céramique hybride du type Enamic. Les préparations dentaires sont minimales du faite de la perte de substance existante et de l’espace prothétique récupéré par le traitement orthodontique et ne sont réalisées uniquement dans le but de facilité le travail du technicien de laboratoire ainsi que pour sécuriser le positionnement de la pièce lors de la phase de collage (Fig. 6).
L’aménagement parodontal dans les cas d’un sourire gingival est souvent nécessaire, que ce soit par une simple gingivectomie ou bien par des élongations coronaires, cela dépend principalement du projet esthétique (Fig. 7 a) et de la profondeur disponible au niveau du sulcus pour que la limite dento-prothétique ne se retrouve pas en conflit avec l’espace biologique. Dans le cas présent l’aménagement orthodontique avec le mouvement d’ingression et de vestibulo version a aidé à faire remonter le parodonte support des incisives, néanmoins une gingivectomie est nécessaire afin d’augmenter les proportions des incisives ainsi que pour parfaire l’alignement des collets.
Après modélisation des futurs collets avec du composite fluide, le zénith gingival est marqué à l’aide d’un feutre indélébile pour guider le trait d’incision (Fig. 7 b).
Après la maturation gingivale, les préparations pour facettes sont réalisées. Les préparations sont légèrement supra gingivales qui permet un complet respect du parodonte marginal. On note la réalisation d’un congé de 5 dixièmes de mm qui permet de conserver un maximum d’émail (Fig. 8), substrat idéal pour optimiser l’adhésion des facettes en céramique.
Ici des facettes en E.max (Ivoclar Vivadent) stratifiées permettent d’allier solidité et rendu esthétique (Fig. 9).
Discussion
La patiente a désiré avoir un rendu naturel de son nouveau sourire, l’augmentation des proportions des incisives et canines a donc été réalisée avec mesures dans le but de conserver la forme triangulaire présente à l’origine. On note la parfaite intégration chromatique des restaurations antérieures par rapport aux dents simplement éclaircies en amont. Cela permet d’améliorer le sourire de façon globale tout en proposant un traitement minimalement invasif. Le traitement aurait tout à fait pu être mené de manière beaucoup plus rapide en réalisant d’emblée une élongation coronaire avec soustraction osseuse, des préparations pour facettes plus mutilantes de 2e prémolaire à 2e prémolaire, mais ni le patient ni le praticien n’a été adhérent à cette philosophie. Le respect des tissus dento-parodontaux reste une des clés pour proposer à nos patients des restaurations durables et fonctionnelles.
Conclusion
La simplification des protocoles, la visualisation numérique du projet esthétique, et la pluridisciplinarité de nos approches nous permettent de proposer à nos patients des thérapeutiques plus simples moins invasives, et plus prédictibles, mais aussi plus dans l’air du temps.
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