Dans notre pratique clinique il est apparu que le phénomène des résorptions (externes comme internes) devienne de plus en plus fréquent. D’ailleurs des études énoncent que ce phénomène est passé de 0.02% en 1986 à 6% en 2018.
La littérature rapporte trois types de résorptions radiculaires. La première est transitoire et est localisée à la surface des apex matures. Celle-ci est due à des traumatismes légers et est signe de réparation. Les deux autres sont plus connues : résorption interne et externe.
La résorption interne est rare et présente deux sous catégories : inflammatoire et métaplasique (ou de remplacement).
Ces deux résorptions impliquent une perte progressive de la substance radiculaire à la différence près que la métaplasique présente une apposition de tissu minéralisé différencié ressemblant à de l’os ou du cément. (Fig. 1)
La résorption interne inflammatoire apparait radiographiquement comme une radioclarté ovale, circonscrite, centrée sur le canal et continue avec le mur canalaire alors que la métaplasique va présenter des amas minéralisés au sein de la cavité pulpaire. (Fig. 2)
La résorption externe présente quant à elle trois sous catégories : inflammatoire métaplasique et cervicale. La résorption externe inflammatoire est la plus fréquente et fait suite à un traumatisme. Elle se situe aussi bien sur les faces latérales des racines qu’à l’apex. A la radiographie, on peut observer un épaississement du ligament parodontal, une perte de la lamina dura et une lacune radio-claire plus ou moins arrondie accompagnée de la perte de dentine et de l’os adjacent. (Fig. 3).
La résorption externe métaplasique (de remplacement) fait suite également à la suite d’un traumatisme, entrainant des zones de nécrose du ligament parodontal et une formation d’os sur ces surfaces radiculaires dépourvues de ligament. Le tissu osseux remplace alors le tissu dentaire et donne un aspect rongé et irrégulier de la racine. (Fig. 4)
La résorption externe cervicale peut se produire à la suite d’une lésion du cément au niveau cervical, résultant le plus souvent d’un traumatisme ou d’un acte iatrogène sur le système d’attache épithélial. La progression de la résorption tend à entourer la circonférence de la dent avant une progression plus apicale. Une communication pulpaire peut avoir lieu, on parle alors de résorption cervicale invasive : stades 3 et 4 de la classification d’Heithersay (1999) (Fig. 5)
Étiologies des résorptions internes et externes
Les deux principales étiologies des résorptions radiculaires sont les infections bactériennes (pulpaires et parodontales) et les traumatismes.
L’infiltration bactérienne stimule une inflammation qui va résulter en une activation de cellules clastiques responsables de la résorption radiculaire.
Les traumatismes dentaires peuvent générer des résorptions radiculaires dans 15 % des cas. On retrouve parmi les traumatismes les luxations intrusives (93 %), suivie des avulsions (89 %), luxation latérale (80 %) et luxation extrusive.
De nombreuses autres causes existent : des causes iatrogènes (orthodontie – chirurgie – éclaircissement interne), le bruxisme, des prédispositions anatomiques (incisives – prémolaires maxillaires) et des causes idiopathiques.
Diagnostic clinique et radiologique de la résorption interne
La découverte est fortuite car le plus souvent asymptomatique. Elle peut être douloureuse en cas de perforation radiculaire ou coronaire (la dent prend alors une teinte rosée ou rougeâtre). Si la nécrose de la dent est totale le phénomène s’arrête car les odontoclastes sont sevrés d’apports nutritifs. Enfin, sur la radio on note une radioclarté ovale, circonscrite, continue avec le mur canalaire et centrée sur le canal – deux clichés avec angulation différente permet de valider le diagnostic –… le Cone Beam facilite sa lecture.
Diagnostic clinique et radiologique de la résorption externe
Cervicale : douloureuse seulement en cas d’atteinte parodontale et/ou pulpaire. Peut être également détectée dans des stades moins avancés, par l’apparition d’un « pink spot » au collet, qui correspond à l’envahissement de la lacune de résorption par le tissu inflammatoire visible au travers de la couronne dentaire. Une irrégularité du contour gingival et un saignement au sondage peuvent également être détectés.
Inflammatoire : la sensibilité pulpaire est perdue, si le paquet vasculo-nerveux est rompu suite à un traumatisme, ou s’il existe une nécrose d’origine endodontique. Celle-ci est conservée en cas de résorption apicale consécutive à des mouvements orthodontiques. A la radio, on retrouve un épaississement du ligament parodontal, une perte de la lamina dura et une lacune radio-claire arrondie accompagnée de la perte de dentine et de l’os adjacent.
De remplacement : la dent n’est pas mobile et il existe un son clair à la percussion. Il faudra attendre une disparition totale du ligament et une surface irrégulière de la racine au contact de l’os pour être décelable à la radiographie
Indications thérapeutiques et pronostic
Le succès thérapeutique dépend du type de résorption, de sa localisation, de son avancée, ainsi que de la technique employée.
Trois traitements sont actuellement utilisés de manière courante pour traiter les résorptions radiculaires.
L’hydroxyde de calcium Ca(OH)2 : l’hydroxyde de calcium a des propriétés anti-bactériennes et solvants sur les tissus nécrotiques. Par son pH alcalin, il a un effet tampon qui s’oppose au pH acide de tissus enflammés aboutissant à une action inhibitrice des ostéoclastes. Son activité́ cytotoxique au contact des cellules vivantes va induire une stimulation biologique des phénomènes de réparation et cicatrisation. Pour les résorptions internes il est laissé 15 jours en intracanalaire avant l’obturation alors qu’il est renouvelé pendant 3 mois pour les résorptions externes inflammatoires. Dans ce cas, il est primordial de visualiser à la radio la formation d’une barrière de cément entre l’apex et la lésion résorptive. Utilisation seule et sur le long terme de plus en plus controversé
Les silicates tricalciques : le Mineral Trioxyde Aggregate (MTA) constitue le « gold standard ». En plus de ces propriétés anti-bactériennes et un pH alcalin il possède 3 avantages sur le CA(OH)2 : il est biocompatible et étanche, a une capacité de stimulation accrue de la cémentogénèse et a une résistance intrinsèque à la résorption par l’organisme.
La chirurgie parodontale associée à un traitement restaurateur (résorption externe) : un lambeau de débridement est réalisé afin de cureter et de retirer le tissu de granulation. Il est en général recommandé de traiter préalablement les tissus avec de l’acide trichloroacétique à 90%, pour nécroser le réseau vasculaire. Un fraisage des bords irréguliers de la zone lésée est ensuite effectué puis le site de résorption est comblé au MTA ou à la Biodentine. Le MTA ne doit néanmoins pas être recommandé lorsqu’il existe une communication entre l’environnement oral et la zone de résorption. Un autre biomatériau, le Calcium Enriched Mixture (CEM) a montré son efficacité́ dans l’arrêt de la résorption cervicale perforante et la cicatrisation des tissus parodontaux. Enfin, les CVI et les composites de restauration sont également utilisés pour combler les lacunes de résorption cervicales. Le lambeau est alors suturé et plusieurs contrôles post-opératoires doivent être effectués. Un traitement endodontique orthograde est réalisé si la lésion communique avec le système endodontique. L’utilisation d’un cône de Gutta inséré provisoirement dans le canal pourra éviter la pénétration intracanalaire du matériau utilisé.
A la vue du manque de preuves scientifiques sur le traitement des résorptions externes le praticien doit choisir la technique la plus appropriée selon son expérience clinique et les facteurs liés au patient. De nouvelles thérapeutiques au laser à faible dose, aux ultrasons et encore aux antibiotiques/anti inflammatoires/CA(OH)2 apparaissent ce qui ouvre de plus en plus le champ des possibles.
Source principale :
Thèse d’Aline Lacreusette : Les résorptions radiculaires en denture permanente mature et leur immuno-régulation. Aix-Marseille 2017.