Quelle stratégie d’isolation pour les lésions cervicales ?

Dossier spécial AONews #24 - Fév. 2019 : Traiter les lésions cervicales

 

 

 

Dr David GERDOLLE, Suisse

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AO 24 Quelle stratégie d isolation pour
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La littérature peine à valider scientifiquement les avantages de l’isolation du champ opératoire au moyen de la digue en dentisterie restauratrice). Par ailleurs, les praticiens autant que les patients y voient souvent et au premier abord une contrainte ou un inconfort plutôt qu’un réel bénéfice. Dès lors pourquoi faudrait-il continuer à employer cette technique opératoire introduite il y a plus de 150 ans ? Tout simplement parce que bien maîtrisée, l’isolation du champ opératoire permet de conjuguer efficacité et rapidité opératoire, tout en améliorant la sécurité et le confort du patient. Plus spécifiquement, en dentisterie restauratrice et prothétique, l’utilisation de la digue permet d’éviter toute contamination dentinaire et pulpaire par les bactéries et de limiter l’humidité (directe et indirecte) au taux ambiant dans le cabinet. Car la dentisterie peu invasive se doit de préserver l’organe mais aussi de pérenniser la restauration, par définition collée au moyen de matériaux composites, globalement hydrophobes. Cependant, réussir une isolation efficace dans les régions cervicales en particulier est souvent présenté comme le challenge ultime. Dans cette optique cet article se propose d’apporter un éclairage sur la stratégie à adopter ainsi que sur quelques situations cliniques. Le but de toute procédure d’isolation est de positionner la feuille de digue au-delà de la ligne de plus grand contour de la dent, à l’intérieur du sulcus et en position inversée.

En cas d’isolation unitaire, le crampon est situé par nature sur la dent à isoler. L’inversion n’est pas obtenue naturellement car les points d’ancrage du crampon entrent en contact avec la racine avant le latex. L’action d’une ligature, complétée le cas échéant par un cordonnet rétracteur ou une bande de téflon permettent alors, après la mise en place du crampon, de réaliser l’inversion.

En cas d’isolation par quadrant, la dent d’ancrage est choisie dans la situation la plus distale possible et elle reçoit un crampon d’ancrage. Comme dans la configuration unitaire, l’étanchéité et l’inversion à ce niveau sont difficiles à obtenir sans l’action complémentaire d’une ligature, d’un cordonnet ou d’une bandelette de téflon.

Concernant les autres dents du quadrant, l’inversion et un surcroît de rétraction gingivale sont généralement souhaités au niveau de la (les) dent(s) à traiter, ainsi que sur les deux dents adjacentes. Une ligature (simple ou double) est le plus souvent suffisante, le cas échéant complétée par un cordonnet rétracteur ou une bande de téflon, selon le degré de rétraction supplémentaire souhaitée. Dans certaines situations (les challenges cervicaux en particulier), l’ampleur de la rétraction gingivale à obtenir est si important, qu’un crampon, dit additionnel ou complémentaire, est positionné d’emblée.
afin de repousser le latex dans ans la position la plus apicale possible.


Ensuite, la stratégie d’inversion propre à toute dans porteuse de crampon est appliquée : une ligature est ajustée autour et au-delà des mords du crampon, un cordonnet et ou une bande de téflon intervenant en compléments éventuels.

À noter que les crampons additionnels dont l’arceau est souvent fin et peu puissant demandent parfois à être stabilisés sur les dents adjacentes (au moyen de pâte thermoplastique ou de composite par exemple). La stratégie est donc finalement simple, puisque toujours la même, et pourrait se résumer ainsi : l’inversion des lèvres du latex est l’élément clé d’une isolation réussie. Le latex et le latex d’abord doit être poussé au fond du sulcus en situation inversée. Dans cette configuration, les berges de la perforation sont plaquées contre la racine par le flux des fluides environnants et l’étanchéité s’établit naturellement selon le modèle de fonctionnement d’une valve cardiaque par exemple. Différents moyens sont utilisés pour garantir cette inversion, parmi lesquels les ligatures, cordonnets rétracteurs et autres bandes de téflon, qui sont toujours placés secondairement et au-dessus du latex (empilés à la façon d’un mille feuilles).

Technique et stratégie dans les secteurs antérieurs et cervicaux : conjuguer digue et clamp additionnel

 

Dans les secteurs antérieurs, spécialement lorsque l’accès aux zones cervicales est requis, la stratégie d’utilisation des différentes techniques d’isolation et de rétraction gingivale est encore une fois déterminante.

Lésion cervicale, profil radiculaire et crampon additionnel (Fig. 5)

 

L’accès au collet des molaires est également régulièrement problématique, en raison de profils d’émergence et de contours radiculaires très variables. Dès lors, une première difficulté est de disposer d’un crampon dont le design est adapté à une anatomie cervicale spécifique, et une seconde sera d’assurer l’étanchéité au niveau de la concavité de la furcation, que la digue franchit, là encore et naturellement, de façon rectiligne. Posséder des crampons divers et mixer des techniques (crampon + ligature + téflon) au sein d’une stratégie réfléchie permet de résoudre la plupart des situations rencontrées. Dans l’exemple présenté, un crampon « prémolaire» est placé d’emblée sur la première molaire, une ligature assure l’inversion et une bande de téflon est finalement compactée dans la furcation vestibulaire (Fig. 5a). Une isolation conventionnelle avec une simple ligature s’avérera ensuite suffisante le jour du collage de l’onlay (Fig. 5b). À deux semaines post-opératoire, la situation gingivale est totalement stabilisée (Fig. 5c).

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