L’approche immédiate unitaire : toujours d’actualité ?

Conférencier : Pr Joseph Kan (USA)- Responsable scientifique : Gary Finelle

Dossier ADF 2024, Séances choisies  par la team AONEws - AO #72 Février 2025

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5. L’approche immédiate unitaire L. Sebb
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L’extraction implantation immédiate (EII) est une approche de plus en plus courtisée. Celle-ci permet de réduire la durée des plans de traitement, d’être dans une approche minimalement invasive et a, in fine, le potentiel d’améliorer l’expérience patient.

Souvent présentée comme une approche complexe, qu’en est-il réellement ? Quels sont les cas favorables ? Quelles sont les positions implantaires idéales ? La chirurgie guidée doit-elle être systématisée ? Une greffe de conjonctif est-elle systématiquement nécessaire ? L’absence de table osseuse vestibulaire est-elle une contre-indication ? Quelle est alors la gestion d’un site compromis ? Et enfin la technique Socket Shield présente-elle un intérêt ?

Pour répondre à toutes ces questions, Gary Finelle a invité le professeur Joseph Kan, basé à Los Angeles, leader d’opinion dans le domaine de l’implantologie et qui présente 27 ans d’expérience et de recul clinique sur l’EII. Le professeur Kan a plus de 80 revues de littérature à son actif et a eu pour élèves notamment Istvan Urban, Marc Hürzeler et Otto Zuhr… Le décor est planté. Il a fait un brillant show à l’américaine devant une audience religieusement attentive, voici quelques extraits de cette masterclass en anglais.

L’EII, comme d’autres thérapeutiques, a beaucoup évolué depuis les années 2000. Il y a eu un véritable changement de paradigme où l’on tend maintenant à systématiser l’EII aussi bien dans le secteur antérieur que postérieur.

La première conférence du Pr Kan en France était déjà sur ce sujet en 2004 à Bordeaux. Il présentait alors un cas d’EII sur une 21 datant de 1997 où 6 ans plus tard le succès était total. Mais en 2013, la patiente revient le voir avec une péri implantite, une perte de la table osseuse vestibulaire et une récession associée. Que s’est-il passé ? Réponses en fin de compte rendu. (Fig. 1)

Le Pr Kan a articulé son propos autour de cinq cas cliniques allant du cas le plus favorable au cas beaucoup moins favorable. (Fig. 2) The bone set the tone : l’os donne le ton. Mais ce constat ne prend pas en compte les tissus mous. Le CBCT est l’examen complémentaire de base afin d’observer le volume osseux disponible en apical ainsi qu’en vestibulaire. L’os vestibulaire peut être objectivé avec un sondage vestibulaire de la dent concernée ainsi qu’en mésial des dents adjacentes. 4 à 5 mm d’os en apical sont nécessaires pour obtenir une stabilité primaire.


Il ne suffit pas d’avoir la même raquette de tennis et la même tenue que Roger Federer pour jouer aussi bien que lui, il en est de même pour l’EII, une bonne instrumentation ne fait pas tout !

Le 1er cas présente une gencive et un os parfait, l’objectif est donc de garder le tout parfait.

La première zone, le tissu dur/osseux, doit être maintenue en greffant le gap vestibulaire, et ce même si celui-ci fait moins de 1mm. Est-ce que la dent est plate ? Plus la dent est proéminente plus il sera compliqué de maintenir le volume. Pour la seconde zone, les tissus mous, c’est le phénotype qui guidera le choix du praticien, si celui-ci est fin la greffe de conjonctif enfoui sera impérative.

 

Quelle est la position implantaire idéale ?

L’implant doit être enfoui d’au moins 4mm sous le niveau du futur collet. Dans le sens vestibulolingual, il faut laisser un minimum de 1,5mm en vestibulaire et 1mm en lingual.  Dans le sens mesiodistal, 1,5mm est nécessaire par rapport aux dents adjacentes. Cela oriente déjà le praticien sur le diamètre implantaire.

 

Quel diamètre faut-il donc choisir ?

C’est la distance vestibulo linguale qui dicte ce choix à moins que la distance mésio distale soit plus petite ! À 65% on préférera un 3,5 contre un 4,3 dans 35% des cas.

 

Quel est l’axe implantaire idéal ?

L’axe dans le sens sagittal est aussi un élément majeur dans le succès implantaire. La position la plus dangereuse est la position vestibulaire, l’axe idéal pour le Pr Kan n’est pas forcément le cingulum mais plutôt le bord incisal. En effet, une étude de Zucchelli montre que seulement 15% des cas sont favorables à la prothèse transvissée en antérieur. Quelle est donc la solution si le praticien souhaite quand même transvisser tout en restant dans un volume osseux idéal ? La solution se trouve dans le puit d’accès angulé via un pilier à rattrapage d’axe. La plupart de ces piliers permettent de rattraper jusqu’à 25 degrés. Il faut garder un minimum de 10 degrés en lingual pour préserver l’épaisseur du bord libre vestibulaire ce qui autorise donc le praticien à anguler l’implant en vestibulaire à un maximum de 15 degrés. Si la dent est plus courte il y a encore moins de liberté. Il est donc essentiel de garder en point de mire le cingulum (Fig. 3)

 

Quelle forme de prothèse est idéale ?

Il semblerait que la prothèse ait une influence sur la péri implantite. Il convient de dire que l’angle d’émergence prothétique ne doit pas dépasser 30 degrés et que le profil d’émergence doit être concave. (Fig.  4)


 

 

Comment greffer la partie transgingivale, la duale zone ?

Soit par une greffe de conjonctive conventionnelle soit en par une greffe avec un substitut osseux dans la duale zone « Dual Graft ». Cependant, 15% d’inflammation chronique persiste à long terme et il vaut mieux choisir un matériau allogénique pour cette technique. 20% des patients ont un parodonte gonflé, le reste plat.

 

Comment gérer un cas avec une perte osseuse mais sans perte gingivale ?

Il faut tout d’abord caractériser le défaut osseux aussi bien en largeur qu’en forme.

Il y a 3 familles, les défauts en V, en U et en grand U avec perte osseuse sur les dents adjacentes. La profondeur du défaut n’influe pas sur la prise de décision. Les cas en V et en U ne sont pas des contre-indications à l’EII. Il peut être intéressant de lever un lambeau afin de s’assurer de la bonne mise en place du biomatériau (à l’aide d’une membrane pincée par exemple). Le risque du lambeau est de potentiellement perdre la papille. Le défaut osseux n’est donc pas une réelle contre-indication tant que celui-ci n’atteint pas les dents proximales. (Fig. 5)


 

Qu’en est-il du Socket Shield Technique ?

Le professeur Kan utilise la Socket Shield Technique exclusivement en proximal afin de maintenir une papille lorsque la dent adjacente présente est un implant. L’indication est donc (très) limitée. Le morceau de dent résiduelle conservée doit faire 6mm minimum en longueur, 2mm en épaisseur vestibulaire afin d’assurer sa stabilité. (Fig. 6 & 7)

 

Pour conclure son propos, Pr Kan a repris son cas présenté en 2004 à Bordeaux. La récession, associée à la péri implantite, est ici multifactorielle. L’implant choisi était trop gros, trop vestibulaire et pas assez enfoui. La couronne et le pilier étaient trop volumineux. Le parodonte était fin et n’a pas été greffé. L’os vestibulaire a donc fini par totalement disparaitre.

Dans le cas présent, l’implant a été déposé et un implant plus étroit a été mieux positionné. Une greffe osseuse et gingivale a été associée. Enfin le profil prothétique a été mieux conçu. (Fig. 8)