La caractéristique d’un critique littéraire c’est d’être subjectif… Certains des romans ci-dessous ont pourtant été en tête des ventes, ou encensés par la critique, mais je n’ai pas aimé. Voici pourquoi !
LES YEUX DE MONA
Mona a neuf ans, elle est atteinte brusquement de cécité temporaire. Les spécialistes consultés ne trouvent pas l’origine de
sa maladie, évaluent à une cinquantaine de semaines le temps qui lui reste à voir normalement. Ils pensent à un problème psychosomatique et conseillent des séances avec un pédopsychiatre. Son
grand-père, un homme érudit et fantasque, décide plutôt de l’initier, à l’insu de ses parents, chaque mercredi après l’école à une œuvre d’art avant qu’elle ne perde, peut-être pour toujours,
l’usage de ses yeux et lui faire découvrir toutes les merveilles de la peinture. Ensemble, ils vont sillonner le Louvre, Orsay et Beaubourg. Résumé ainsi le sujet semble magnifique, le livre a
d’ailleurs été traduit dans une vingtaine de langues dans le monde. Là où le bât blesse c’est qu’après avoir laissé sa petite fille de neuf ans admirer chaque œuvre, le grand-père la lui décrypte
comme à un étudiant en histoire de l’art. C’est souvent pédant et alambiqué et surtout très répétitif car sont ainsi expliqués à la petite Mona plus de cinquante tableaux ! Le choix des œuvres
est parfois discutable : disserter pendant plusieurs pages sur un carré noir de Malevitch ou sur des rayures de Buren est assez exaspérant. Cerise sur le tableau, Thomas Schlesser, l’auteur, a
pondu un éditorial totalement incongru, à l’occasion du barbouillage de la Joconde au Louvre pour justifier l’action de ces abrutis d’écolos. Pour l’historien en histoire de l’art qu’il se
prétend être, c’est un comble ! Pour une analyse plus subtile de certains tableaux, je vous recommande plutôt On n’y voit rien de Daniel Arasse, un bijou !
L’ORIGINE DES LARMES
Je sais que je vais choquer, voire m’attirer les foudres des adorateurs de Jean-Paul Dubois, dont je suis, mais avec cette Origine des Larmes on s’enfonce trop
profondément dans les ténèbres. Je tiens Jean-Paul Dubois pour un des meilleurs écrivains français, son style, son analyse si fine de l’âme humaine, sa recherche des sentiments et des émotions en
font véritablement un auteur à part. Je vous ai d’ailleurs livré dans ces colonnes mon enthousiasme pour La Succession et Tous les Hommes n’habitent pas le monde de la même façon (Prix Goncourt
2019). On pourrait aussi citer Une Vie Française et un petit bijou d’humour noir avec Kennedy et moi superbement interprété à l’écran par le regretté Jean-Pierre Bacri. Dans ce dernier roman, on
suit Paul qui voue une haine obsessionnelle à son père, Thomas Lanski, qui l’a abandonné enfant tout autant qu’il a laissé mourir sa mère, Marta, seule, morte en couche, avec son frère jumeau
mort-né. Ce père pervers, égoïste, escroc et incapable en affaire vient de mourir. Paul à son chevet pour constater son décès lui tire deux balles dans la tête. Peut-on tuer un mort ? La justice
tranche : un an avec sursis et un an d’obligation de soins psychiatriques. On suit ainsi Paul dans sa longue solitude avec ses obsessions : sa mère morte à sa naissance, ce frère qu’il ne
connaîtra jamais, son travail qui ne l’intéresse plus… Il a une entreprise de housses mortuaires, Jean-Paul Dubois pousse l’humour noir à son paroxysme ! Chacun de mes anniversaires commémore la
mort de Marta et de mon frère. L’origine des larmes se trouve là, au fond du ventre de ma mère. Ce ventre dont je n’aurais jamais dû sortir. Paul se rend donc une fois par mois chez son
psychiatre ce qui constitue les douze chapitres du roman. Avec, comme décor, Toulouse inondée suite à des pluies torrentielles et incessantes, la grisaille est à son comble ! Personnellement j’ai
été touché par ce Paul, personnage que tout accable, c’est superbement écrit, mais comment conseiller la lecture de ce roman à un non initié ? Cher lecteur, si tu me permets cette comparaison
osée, c’est un peu comme le gefilte fish*, vous ne le conseillez pas à quiconque qui n’y a été biberonné dès l’enfance !
UN ANIMAL SAUVAGE
Un braquage à Genève en juillet 2022, deux malfaiteurs sont sur le point de dévaliser une grande bijouterie de Genève. Mais ce braquage est loin d’être un banal fait divers… L’écrivain suisse Joël Dicker m’est particulièrement sympathique, pas seulement par notre homonymie de prénom mais pour l’avoir plusieurs fois entendu en interview et surtout pour ses premières publications. En effet nous avons tous été emballés par La Vérité sur L’affaire Harry Quebert, d’ailleurs primée par l’Académie française mais surtout par Les Derniers jours de nos pères et Le Livre des Baltimore que je considère comme ses deux meilleurs romans. Dans ce dernier polar le procédé littéraire qui consiste en retours constants dans le passé, style qui a été l’un des ressorts du succès de l’affaire Harry Quebert est ici utilisé à l’envi et systématique. On se perd dans ces retours constants vers le passé. Passé, présent et futur se mélangent et on en attrape des torticolis à force de chercher où on est ! À vouloir systématiquement brouiller les pistes et nous surprendre avec le véritable criminel, l’auteur sombre corps et âme dans l’invraisemblable.
Chers et fidèles lecteurs, si vous aimez les polars, je vous parlerai prochainement d’Olivier Norek et de Nicolas Beuglet, des Maîtres en la matière.
LA MAÎTRESSE ITALIENNE
La jeune et ravissante comtesse Miniaci est au cœur d’une énigme historique.
Quel fut son rôle dans l’évasion de Napoléon de l’île d’Elbe ? Les puissances alliées, responsables de l’exil de Napoléon, surveillaient sans relâche ses moindres mouvements. L’île d’Elbe, la terre d’exil de l’Empereur, était néanmoins une prison dorée où fastes, fêtes et banquets se succédaient en permanence, accompagnés de leurs cortèges d’intrigues, de complots et de trahisons mais rien de comparable avec le théâtre du crépuscule de l’Empereur à Sainte-Hélène ! (Je te recommande, à ce propos, cher lecteur l’excellent roman historique de Jean-Paul Kauffmann, La Chambre noire de Longwood, sur les derniers jours de Napoléon). Le jeune colonel Neil Campbell, chargé par les Anglais d’empêcher la fuite de Napoléon fut détourné de sa mission par sa passion pour la belle florentine. Cette passion torride entre le colonel et la séduisante comtesse ne fut-elle pas un piège ? Seule certitude, sans la comtesse Miniaci la formidable épopée des Cent-Jours, l’invasion d’un pays par un seul homme, n’eût pas été possible.